Karin Alvtegen
RECHERCHÉE
ROMAN
Traduit du suédois par Philippe Bouquet
Plon
RECHERCHÉE
Karin Alvtegen, née à Stockholm en 1965, est la petite-nièce d'Astrid Lindgren, créatrice de "Fifi Brindacier". Son premier roman publié en France (Plon, 2003), a été très bien reçu par la presse française (couronné Meilleur Roman policier nordique en 2000). Elle est autant reconnue que Hennig Mankell dans les pays Scandinaves.
TEXTE INTÉGRAL
TITRE ORIGINAL
Saknad
ÉDITEUR ORIGINAL
Bokför Jaget Natur och Kultur, Stockholm
© Karin AIvtegen, 2000
ISBN originaclass="underline" 91-27-09017-5
ISBN 978-2-02-066227-7
(ISBN 2-259-19685-3, 1re publication)
© Éditions Plon, 2003, pour la traduction française
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À maman et papa.
Et à Elisabeth.
En remerciement de votre constante présence.
Nous devons être considérés comme des serviteurs du Christ et des gardiens des secrets de Dieu. Ce qu'il faut surtout attendre de nous, c'est la fidélité. Peu m'importe que l'on s'arroge le droit de nous juger - que ce soit un individu ou un quelconque tribunal humain. J'irai jusqu'à dire que je ne me reconnais pas le droit de me juger moi-même. Mon innocence ne suffit pas à me justifier. Le seul qui ait qualité pour me juger, c'est le Seigneur.
Ne jugez donc pas avant que le moment ne soit venu, avant que le Seigneur ne soit parmi nous. C'est Lui qui fera apparaître au grand jour ce qui est celé dans les ténèbres et qui manifestera le secret des cœurs.
Et alors, chacun sera récompensé selon ses mérites.
Merci, Seigneur, de me donner le courage. De m'avoir prêté l'oreille, d'avoir entendu ma prière et de m'avoir montré le chemin.
Fais de moi l'instrument de Tes volontés. Permets-moi de les châtier de leurs péchés et accueille l'être que j'aime près de Toi pour la vie éternelle.
Ce n'est qu'alors que je retrouverai l'espoir.
Ce n'est qu'alors que je trouverai la paix.
Son tailleur était vert et de bonne marque et nul de ceux qui la voyaient ne pouvait se douter qu'il avait été acheté d'occasion pour moins de cent couronnes. Le bouton fermant la jupe avait été arraché et remplacé par une épingle de nourrice, mais cela, personne ne pouvait le remarquer.
Elle fit signe à un serveur et le pria de lui servir un autre verre de vin blanc.
L'homme qu'elle avait choisi, ce soir-là, était assis deux tables plus loin et celle qui les séparait était vide. Elle n'avait pas encore commencé son manège et ne pouvait donc savoir s'il s'était vraiment avisé de sa présence.
Il n'en était encore qu'à l'entrée. Elle avait donc tout son temps.
Elle but une gorgée de ce second verre de vin. Il était sec et juste à la température qu'il fallait. Il devait valoir son prix, également. Elle ne s'était pas souciée de s'en enquérir, car cette question lui était totalement indifférente.
Du coin de l'œil, elle nota qu'il l'observait. Elle s'arrangea pour que son propre regard croise le sien, comme par hasard, par-dessus le verre de vin, mais fit ensuite, des yeux, le tour de la salle avec l'indifférence convenable.
Le restaurant français du Grand Hôtel de Stockholm était vraiment l'endroit idéal. Elle y était déjà venue à trois reprises mais, ce soir, ce serait la dernière pour un certain temps. C'était dommage, car il y avait toujours des fruits frais dans la chambre et les serviettes de toilette y étaient d'une épaisseur supérieure à la normale et, de plus, en telle quantité qu'une ou deux pouvaient sans risque se retrouver dans sa mallette.
Mais il ne fallait pas défier inconsidérément le destin. Cela pourrait avoir des conséquences catastrophiques, si tel ou tel membre du personnel venait à la reconnaître.
Elle sentit qu'il la regardait à nouveau. Elle sortit alors son agenda de sa mallette, l'ouvrit à la date du jour et tapota le plateau de la table avec la pointe de ses ongles vernis, en signe de légère contrariété: comment avait-elle pu prendre deux rendez-vous à la même heure? Et avec deux de ses meilleurs clients, par-dessus le marché!
Du coin de l'œil, elle vit qu'il l'observait toujours.
Un serveur passa près d'elle.
- Auriez-vous un téléphone que je puisse utiliser?
- Bien sûr, madame.
Le serveur se dirigea vers le comptoir du bar et elle le suivit du regard. Quand il revint, il tenait un portable à la main.
- Voici, madame. Faites le zéro pour obtenir la ligne.
- Merci.
Elle chercha dans son agenda et composa un numéro.
- Bonjour. Caroline Fors, de Swedish Laval Separator, à l'appareil. Je suis navrée, mais je viens de m'apercevoir que j'ai pris deux rendez-vous à la même heure, demain matin, et je voulais vous aviser que je ne pourrai venir que deux heures plus tard que prévu.
- Vingt heures, vingt-cinq minutes, trente secondes. Top.
- Parfait... Eh bien, c'est entendu. À demain donc.
Avec un soupir de soulagement, elle écrivit le premier mot qui lui vint à l'esprit - ce fut: salami - en face de 14 heures et referma l'agenda.
Par hasard, leurs regards se croisèrent au moment où elle levait à nouveau son verre. Elle était maintenant sûre de son coup.
- Quelque chose ne va pas? lui demanda-t-il avec un sourire.
Elle eut une petite moue gênée et haussa les épaules.
- Ce sont des choses qui arrivent, poursuivit-il en regardant autour de lui.
Il s'apprêtait déjà à mordre à l'hameçon et ne la lâchait pas du regard.
Elle remit son agenda dans sa mallette. Il n'y en avait plus pour longtemps. Quand elle eut reposé la mallette sur le sol, elle le regarda à nouveau juste au moment où il repoussait son assiette et levait son verre dans sa direction.
- Un peu de compagnie?
Alors qu'elle venait à peine de commencer! Un petit sourire suffirait à ferrer la proie. Mais pas trop vite, pourtant. Un peu de résistance ne servait qu'à renforcer l'attrait. Elle ne répondit donc à sa question qu'après une ou deux secondes d'hésitation.
- Volontiers, mais je ne vais pas tarder à me retirer.
Il se leva, prit son verre et vint s'asseoir en face d'elle.
- Jörgen Grundberg. Enchanté de faire votre connaissance, dit-il en lui tendant la main.
- Caroline Fors, répondit-elle en la serrant.
- Joli nom qui convient parfaitement à une jolie femme. À votre santé.
Une mince alliance brillait à sa main gauche. Elle leva son verre.
- À la vôtre!
Le serveur apporta le plat de résistance de monsieur Grundberg et s'arrêta net en voyant que celui qui l'avait commandé n'était plus à sa place. L'intéressé lui fit signe.
- Je suis venu m'installer ici. La vue est plus belle, n'est-ce pas?
Elle eut un petit sourire forcé, mais, heureusement, monsieur Grundberg ne paraissait pas beaucoup s'attacher à l'état d'esprit des autres.