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Il était loin d'être convaincu. Il cessa quelques instants de la regarder, comme s'il cherchait par où il pourrait se sauver. Il fallait qu'elle gagne du temps. Les choses ne s'étaient pas du tout passées comme elle s'y attendait. Les mots étaient sortis d'eux-mêmes et tout ce qu'elle avait répété soigneusement avait disparu.

- Tu comprends bien que je ne suis pas une meurtrière. Sinon, on ne serait pas là, tous les deux, en ce moment. J'avais toute la nuit pour le faire.

C'était maladroit. Très maladroit. Il se leva soudain pour s'enfuir, mais il était entravé par son sac de couchage.

Il ne fallait pas qu'il parte. Pas encore.

Elle se jeta sur lui et le força à se recoucher, en coinçant ses bras sous ses genoux. Il avait la respiration lourde et elle comprit qu'il allait se mettre à pleurer.

Bon sang de bordel de merde.

- Me fais pas mal. Sois gentille.

Elle ferma les yeux. Qu'était-elle en train de faire, bon sang?

- Tu comprends bien que je ne veux pas te faire du mal, mais il faut que tu m'écoutes. Si je suis dans ce grenier, c'est parce que chaque bon Dieu de flic de ce pays me court après. Ils ont décidé que c'était moi. Ils ne me laissent pas la moindre chance. C'est comme je t'ai dit hier. Les gens comme moi n'ont aucun droit. Merde, Patrik. Je te raconte ça parce que je crois que je peux avoir confiance en toi. Que toi, au moins, tu vas me croire.

Il avait cessé de pleurer.

- Je te raconte ça parce que j'ai besoin de ton aide. Je n'ose même plus entrer dans un magasin.

Il la regarda avec des yeux écarquillés de peur.

Elle poussa un soupir.

- Et puis merde. Je te demande pardon.

Et si quelqu'un la voyait, en ce moment... À califourchon sur un gamin de quinze ans sans défense. Elle le lâcha et se leva.

- Va-t'en.

Il resta sans bouger. Il donnait l'impression d'oser à peine respirer.

- Allez, fiche le camp!

Il sursauta à cet éclat de voix. Il parvint à s'extraire de son sac de couchage, se leva et commença à se diriger vers la porte. Comme s'il avait peur qu'elle ne lui saute dessus à nouveau.

- Laisse-moi ma veste.

Il s'arrêta aussitôt, enleva la veste et la laissa tomber sur le plancher. Puis il s'éloigna à nouveau et, une fois parvenu aux marches, se précipita vers la porte. Elle l'entendit s'éloigner dans le couloir en courant.

Elle ferma les yeux et s'effondra sur son tapis de sol.

Elle ne pouvait pas rester là.

Elle remballa d'abord ses affaires à lui. Elle les rangea soigneusement dans son sac à dos et roula son tapis de sol. Puis elle passa à ses propres affaires. Au bout de quelques minutes, tout était prêt.

Arrivée près de la porte elle se retourna et regarda la grande horloge.

Salut!

Elle sortit dans le couloir et descendit l'escalier.

La main sur la poignée de la porte, elle hésita. Le simple fait d'ouvrir cette porte donnant sur le monde extérieur lui causait une sorte de nausée. Son éternel sentiment de crainte était en train de faire son malheur.

N'osant pas sortir directement dans la rue, elle avait choisi une issue qui donnait dans la cour de l'école. La porte se referma derrière elle. Il était trop tard pour revenir en arrière.

Elle traversa la cour en biais afin de prendre la direction du parc de Vitaberg, mais sans savoir où elle irait ensuite.

À mi-chemin, elle entendit un cri. Elle se figea de peur et se retourna pour chercher un endroit où se cacher.

- Sylla! Attends-moi!

C'est alors qu'elle le vit. Il venait de tourner le coin de Bondegatan et arrivait vers elle en courant. Elle baissa les yeux vers l'asphalte et attendit qu'il arrive. Pour commencer, il ne dit rien. Elle se remit en marche.

- Excuse-moi de pas t'avoir crue, mais j'ai eu vachement peur, tu sais.

Elle se retourna. Il y avait dans ses yeux une expression qu'elle n'avait pas encore vue. Une gravité qui n'existait pas auparavant. Il était essoufflé d'avoir couru et baissait les yeux comme s'il avait honte d'avoir eu peur.

- C'est pas grave.

Elle continua à marcher.

- Je sais que tu dis la vérité, poursuivit-il.

Elle ne s'arrêta pas. Elle n'avait tout simplement pas la force de faire une nouvelle tentative.

- Sylla. J'ai vu les affiches des journaux, à côté de la Coopé.

Elle se retourna et le regarda. Il hésita un instant avant de continuer et, cette fois, ce fut lui qui eut du mal à trouver ses mots.

- Ils disent que tu en as tué un autre, cette nuit.

- Tu es vraiment sûr qu'il dort?

- Oui, répondit-il avec un rien d'impatience. Il a bossé toute la nuit, alors... Il se réveille pas avant une heure.

Pourtant, elle était inquiète. Qu'est-ce qui se passerait si le père de Patrik se réveillait et trouvait dans la chambre de son fils une femme aux cheveux noirs et portant un sac à dos? Une femme qui était assez vieille pour être sa mère, en plus de cela.

Ils se trouvaient dans l'escalier de l'immeuble et Patrik avait déjà glissé la clé dans la serrure. Ils parlaient à voix basse.

- Et tu es sûr que ta mère ne va pas rentrer?

- Elle ne revient que demain soir.

Pourtant, elle n'était toujours pas convaincue.

Faisait-elle bien de le mêler à cette affaire?

Quand, dans la cour de l'école, il lui avait parlé de ce qu'il venait de voir sur l'affichette du journal, elle était allée s'asseoir sur le banc le plus proche. Elle était restée là à regarder, sans la voir, la cour déserte et avait senti le courage l'abandonner, une fois de plus.

Il était venu la rejoindre. Il n'avait pas dit grand-chose, tout d'abord, et l'avait laissée en paix. Elle avait alors levé les yeux vers la grande horloge de la façade, devant eux, et regretté de ne pas avoir suivi son impulsion, quelques jours plus tôt.

Il aurait mieux valu pour elle qu'elle ne ressorte pas vivante de ce grenier.

- Je peux toujours dire à la police que t'étais avec moi, cette nuit.

Il la regardait d'un air confiant et semblait vouloir lui redonner sa gaieté.

Mais elle avait pouffé, d'une façon plus méprisante qu'elle n'en avait l'intention, et avait tenté de lui sourire.

- On m'accusera de détournement de mineur, en plus.

- Eh! dis, je te ferai remarquer que j'ai déjà quinze ans, avait-il répliqué.

Que répondre à cela?

- Je n'ai pas la moindre chance, Patrik. Autant aller passer des aveux, pour mettre un terme à tout ça.

Il l'avait regardée fixement.

- T'es complètement dingue.

Il paraissait vraiment révolté.

- Tu vas quand même pas aller avouer quelque chose que t'as pas fait!

- Qu'est-ce que tu veux que je fasse, alors?

Il réfléchit un instant.

- Tu peux aller causer avec eux.

- C'est la même chose.

- Bien sûr que non.

Elle le regarda.

- Tu ne comprends donc pas? Ils ont déjà décidé que c'était moi qui avais tué. Je n'ai pas la moindre chance.

Elle se pencha en avant et enfouit sa tête dans ses mains.

- Mais je ne supporterai pas d'être enfermée à nouveau.

- Ils feront pas ça, si tu leur dis ce qu'il en est.

Mais, cette fois, il n'avait pas l'air aussi convaincu.

Elle lui parla de ce qui s'était passé pour Jörgen Grundberg, des empreintes digitales sur sa clé, de la perruque et du couteau qu'elle avait oubliés. Et de tout ce qui, ajouté aux circonstances de sa vie, faisait d'elle la coupable idéale. Ancienne malade mentale, SDF, marginale... Tellement idéale qu'elle voyait déjà la police se frotter les mains. Bien sûr que c'était elle. Et, même s'ils devaient finir par admettre qu'elle était innocente, elle resterait enfermée jusqu'à ce moment-là. Cela la rendrait folle. Elle était déjà passée par là et savait de quoi elle parlait.

- L'assassin lui-même me met tout sur le dos. À Västervik, il a laissé un aveu en mon nom.