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Il est proprement scalpé, le formidable, l’inexpugnable coffre-fort (extra-fort). Aussi nettement qu’une boîte de petits pois qu’on a toujours besoin chez soi pour les improvisteurs.

C’est un moment impressionnant, tu sais, que je vis là. Ce coffre bouclardé depuis tant d’années ? Qui survoltait la curiosité et la convoitise. Ce coffre que Fornicato et son pote le barbu désespéraient de venir à bout[4] est à ma dispose à présent. Béant. Offert.

Je pose le revolver vide et m’approche.

Une épouvantable odeur émane de l’intérieur de l’énorme boîte d’acier. La lumière acerbe d’une grosse ampoule suspendue juste au-dessus de l’ouverture m’en révèle le contenu.

Pas de papiers, de documents, titres, bijoux, fric ou autre.

Simplement un cadavre.

CHAPITRE MILLE

DANS LEQUEL JE VIENS DE TROUVER UN CADAVRE

Parfaitement : un cadavre !

CHAPITRE CINQ

DANS LEQUEL…

Un cadavre vraiment bizarre, tu sais. Pas exactement squelette, non : parcheminé, momifié, voilà, j’cherchais le mot : momifié. Si tu veux, c’est un compromis (à qui ?) entre le gus tel qu’il était de son vivant et sa squelettude.

Y a la peau devenue cuir, des paupières collées au fond des orbites, plus de lèvres, des cheveux par plaques, etc.

Moi, j’aime pas beaucoup « etc. » en littérature. Trop minable comme procédé. Si j’en use ici, c’est uniquement par décence ; te faire comprendre que je pourrais pousser la description un peu beaucoup plus davantage, mais que, par respect t’humain j’y renonce. Alors, à titre exceptionnel, je dépose furtivement en ces pages un « etc. » foutriqueux mais non négligeable puisqu’il m’aide à escamoter des minabilismes.

L’homme dont au sujet duquel je te cause, car ce cadavre est de sexe masculin, porte un uniforme verdâtre de militaire italien. Il a, en outre, un trou dans le temporal ; trou (la la itou, comme on dit puis au Tyrol) produit par l’impact impec d’une balle. Ainsi donc, le gars Spontinini payait cent mille dollars une carcasse ! Se doutait-il de ce que le coffre contenait ? Ou bien jouait-il vraiment le jeu de loterie, ainsi qu’il le prétendait ?

Faudrait que je tente de l’interviewer, seulement, le temps urge et il conviendrait de réclamer des secours pour tout ce bon monde en péril. Mézigue, je vais remettre l’un des deux feux vides à Perruchieri, selon la promesse que je lui fis, conserver l’autre, pour un cadeau au Vieux, me barrer et prévenir la police depuis une cabine publique.

Je coule un dernier coup de périscope au mort parcheminé. Ce masque tragique me rappelle très confusément quelque chose, ou plus exactement quelqu’un. Mais qui ? Mon petit doigt m’annonce que ça va faire un cri dans le Landerneau, cette découverte. On en causera ailleurs que dans les chaumières.

Avant de remonter, je fais encore une exploration de la crypte, dans l’espoir de retrouver mon Béru. Je m’approche de la flotte d’où fut arraché le coffre, je sonde l’eau noire à l’aide d’un praczif qui se trouve là (et surtout cherche nulle part le mot praczif, je viens juste de l’inventer pour te faire mieux comprendre), tout cela en vingt, en cent, que dis-je : en Emile ! Pas de mon cher Béru dans le secteur.

Un quart d’heure, j’avais demandé à Perruchieri ? Le pauvret, cela doit faire une bonne demi-plombe que je l’ai moulé, mon pote. Quelle ingratitude je lui fais montre, tout de même. Si m’man était au courant de tout, elle ne serait pas fiérote de son grand, je te jure.

Voilà, je remonte.

J’ai un flingue à chaque main, avec son bloc-énergético-fissable calé sous chaque aisselle. Ma robe me gêne pour escalader les marches quatre à cinq, comme m’en démange l’urgence de la situation.

Je traverse le premier salon où Marika dort toujours et où Steve gémit sur sa plante des pieds noircie. Je monte à l’étage supérieur. Ils sont laguche : Fornicato toujours agonisant, sa vieille Caramella folle de douleur, Spontinini ligoté. Seulement Perruchieri a perdu tu sais quoi ? Connaissance. Il et couché en travers du canapé. Le sang coule toujours de sa jambe, malgré mon pansement d’infortune.

J’entre, et alors, à peine le seuil de cette pièce franchi, je sens un truc pointu au creux de mes omoplates.

Et une voix me dit en italien d’abord, et en anglais after au cas que je pigerais pas la langue du Dante :

— Pas un geste !

Manque de bol, non ? Je m’abstiens de remuer. Mon étonnant cerveau dont j’ai refusé une fortune de la faculté de médecine de Pont-de-Poite qui voulait absolument me l’acheter pour le mettre en vitrine chez le garagiste de la grand-rue fulgure. Et alors, sans perdre une poussière de seconde, je murmure :

— Monsieur Spontinini, dites à la personne qui se trouve derrière moi que les armes que je tiens sont nucléaires. Que l’une d’elles est chargée. Que s’il m’abat, la crispation post mortem me fera presser la détente, d’autant qu’il s’agira là de ma volonté suprême, et qu’une grande catastrophe s’ensuivra pour vous, puisque les deux canons sont pointés dans votre direction. Avec de tels instruments, le mot « disparaître » pour qualifier le décès de quelqu’un prend tout son sens, n’est-ce pas ?

Le grand cœur qui paraît au discours que je tiens gagne dare-dare celui de Spontinini (en admettant qu’il en eût un !).

— Ne tirez pas ! lança-t-il vitement.

Et son ordre est valable aussi bien pour mon menaceur que pour moi.

Conscient du fait, je décris un léger arc de cercle (polaire), ce qui me permet de voir le faux Legros, sa barbe, ses lunettes, son bitos, son air d’en avoir deux (voire trois, ça arrive). C’est lui qu’a arrivé inopiné-chose pendant que je m’expliquais avec le coffre. Pour lors, une inquiétude m’empare, et je fonce vers Johnny, sans cesser de couvrir Spontinini.

Il a une méchante plaie à la base du crâne, le mecton de la C.I.A. C’est le vilain barbouzard qui me l’a endormi d’un coup de crosse.

Alors il faut à présent dénouer ce sac d’embrouilles, tu penses bien. On ne va pas rester là à se faire une soupe à l’oignon, tous. Faut qu’on prenne l’initiative, comme on dit dans les syndicats du même nom.

Et celui qui, c’est moi, naturellement…

Et je commets l’une des plus grandes fautes professionnelles de mon époustouflante carrière.

Et à peine que je dis, je regrette, biscotte je mesure l’étendue de ma sottise. Mais quoi, quand tu décarres trop spontanément de la menteuse et que tu jettes une vanne de trop, y a pas mèche de la rattraper.

Le propre de l’irréparable, c’est son irréversibilité, non ? Alors, tant pis, faut faire face.

Ma connerie est la suivante : m’adressant à l’assassin de Béru dont le pistolet me chicane un peu, je lui déclare :

— Mon cher ami, c’est avec moi que vous devez composer désormais, car je viens d’ouvrir votre putain de coffre.

Madoué !

J’ai pas fini ma phrase que Spontinini hurle au barbu :

— Tirez ! Tirez vite, ses armes sont vides !

Ah, le sacré vieux requin ! Quels réflexes, crois-tu ! Il a immédiatement compris que si j’ai ouvert le coffre, ça ne peut être qu’au moyen du second pistolet nucléaire, et que, par conséquent, les deux armes sont vidagas à présent.

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4

T’en fais pas, c’est par défoulade.