Mon sexe est toujours là, il gonfle
Je le retrouve entre les draps
Comme un vieil animal, il ronfle
Quand je réutilise mon bras.
Que ma main connaît bien mon sexe!
Ce sont de très anciens rapports
Rien ne la fâche, rien ne la vexe,
Ma main me conduit à la mort.
Je me masturbe au Martini
En attendant demain matin
Je sais très bien que c'est fini,
Mais je ne comprends pas la fin
Et tout seul, dans la nuit, je bande
Autour d'un halo de douceur
J'ai envie de poser ma viande;
Je me réveille, je suis en pleurs.
Créature aux lèvres accueillantes…
Créature aux lèvres accueillantes
Assise en face, dans le métro,
Ne sois pas si indifférente:
L'amour, on n'en a jamais trop.
Dans les murs de la ville…
Dans les murs de la ville où le malheur dessine
Ses variations fragiles
Je suis seul à jamais, la ville est une mine
Où je creuse, docile.
Il y a les dimanches…
Il y a les dimanches,
J'essaie de te baiser
Tu es là, froide et blanche,
Sur le lit défroissé
Et tu prends ta revanche.
Une odeur de salpêtre
Remonte à mes narines
Et nos deux corps s'empêtrent,
Un peu plus tard j'urine
Et je vomis mon être.
Le samedi c'est bien,
On va au Monoprix
Et on compare les prix
Des enfants et des chiens,
Le samedi c'est bien.
Mais il y a les dimanches,
La durée qui se traîne
La peur qui se déclenche,
Un mouvement de haine,
Il a les dimanches;
Lentement, je débranche.
La liberté me semble un mythe…
La liberté me semble un mythe,
Ou bien c'est un surnom du vide;
La liberté, franchement, m'irrite,
On atteint vite à l'insipide.
J'ai eu diverses choses à dire
Ce matin, très tôt, vers six heures
J'ai basculé dans le délire,
Puis j'ai passé l'aspirateur.
Le non-être flotte alentour
Et se colle à nos peaux humides;
De temps en temps on fait l'amour,
Nos corps sont las. Le ciel est vide.
Après avoir connu la nature de la vie…
Après avoir connu la nature de la vie
L'avoir examinée, soupesée en détail,
On aimerait détruire ce qui peut être détruit
Mais tout semble solide, et l'informe bétail
Des êtres humains poursuit
Son réengendrement, tant pis, vaille que vaille.
Le matin de mes jours m'apparaît vaguement
Lorsque je suis assis, tordu devant ma table,
Tout semble s'effacer et se couvrir de sable,
Le matin de mes jours disparaît lentement.
La vérité s'étend par flaques…
La vérité s'étend par flaques
Autour d'un étal de boucher
L'amour de Dieu est une arnaque,
Je regarde les chiens couchés
Qui happent des boyaux verdâtres
D'une gueule presque joyeuse,
Nous sommes des chiens idolâtres
Et je te sens très amoureuse.
Corps de femelles, sperme des mâles
Mélangés pour une oraison
Qu'on rend aux puissances infernales,
Je suis las de mes trahisons.
La vérité est dans le sang
Comme le sang est dans nos veines;
Je m'approche, je te rentre dedans,
Tu n'as presque plus la forme humaine.
Avec un bruit un peu moqueur…
Avec un bruit un peu moqueur,
La mer s'écrasait sur la plage;
Dans l'attente du deuxième sauveur,
Nous ramassions des coquillages.
L'homme mort, il reste un squelette
Qui évolue vers la blancheur
Sous le poisson, il y a l'arête
Le poisson attend le pêcheur.
Sous l'être humain, il y a la brute
Configurée en profondeur
Mais au fond de sa vie sans but,
L'homme attend le deuxième sauveur.
L'indifférence des falaises…
L'indifférence des falaises
À notre destin de fourmis
Grandit dans la soirée mauvaise;
Nous sommes petits, petits, petits.
Devant ces concrétions solides
Pourtant érodées par la mer
Montre en nous un désir de vide,
L'envie d'un éternel hiver.
Reconstruire une société
Qui mérite le nom d'humaine,
Qui conduise à l'éternité
Comme l'anneau va vers la chaîne.
Nous sommes là, la lune tombe
Sur un désespoir animal
Et tu cries, ma soeur, tu succombes
Sous la sagesse du minéral.
La permanence de la lumière…
La permanence de la lumière
Me rend soudain mélancolique
Les serpents rampent dans la poussière,
Les chimpanzés sont hystériques.
Les êtres humains se font des signes,
Les ancolies fanent très vite
Je me sens soudain très indigne,
Je ne dispose d'aucun rite
Pour protéger mon existence
De la lutte et de la fournaise,
Cet univers où l'on se baise
N'est pas mon lieu de renaissance.
Pour perdre le sens du charnel
Il suffit de plisser les yeux
Je suis au centre du réel,
Je suis étranger à ces lieux.
Puisqu'il faut que les libellules…
Puisqu'il faut que les libellules
Sectionnent sans fin l'atmosphère
Que sur l'étang crèvent les bulles,
Puisque tout finit en matière.
Puisque la peau du végétal,
Comme une moisissure obscène
Doit gangrener le minéral,
Puisqu'il nous faut sortir de scène
Et nous étendre dans la terre
Comme on rejoint un mauvais rêve
Puisque la vieillesse est amère,
Puisque toute journée s'achève
Dans le dégoût, la lassitude,
Dans l'indifférente nature
Nous mettrons nos peaux à l'étude,
Nous chercherons le plaisir pur
Nos nuits seront des interludes
Dans le calme affreux de l'azur.
Playa Blanca…
Playa Blanca. Les hirondelles
Glissent dans l'air. Température.
Fin de soirée, villégiature.
Séjour en couple, individuel
Playa Blanca. Les girandolles
Enroulées sur le palmier mort
S'allument et la soirée décolle,
Les Allemandes traversent le décor.
Playa Blanca comme une enclave
Au milieu du monde qui souffre,
Comme une enclave au bord du gouffre,
Comme un lieu d'amour sans entrave.
Fin de soirée. Les estivantes
Prennent un deuxième apéritif,
Elles échangent des regards pensifs
Remplis de douceur et d'attente.