Je revois les bouleaux,
Ce soir
Je me verse un peu d'eau,
Je suis seul dans le noir.
PARADE
Suspendu à ta parole,
Je marchais sur la place au hasard
Les cieux s'ouvraient, et je devais jouer un rôle
Quelque part.
Déployée, la cascade morte
Répendait des fragments de gel
Autour de mon artère aorte,
Je me sentais superficiel.
Volcan de paroles superflues,
Oubli des relations humaines
Un monde existe où l'on se tue,
Un monde existe entre nos veines.
L'aveu de ce monde est facile
Si l'on fait le deuil du bonheur
La parole n'est pas inutile,
Elle arrive juste avant l'heure
Où les fragments de vie implosent,
Se rangent dans la sérénité
Au fond d'une bière décorée
Vélours frappé, vieux bois, vieux rose.
Vélours comme une limonade
Qui grésille en surface de peau,
Criblée comme une peau nomade
Qui se déchire en fins lambeaux
Dans un univers de parade,
Un univers où tout est beau
Dans un univers de parade,
Dans un univers en lambeaux.
PASCALE
Elle tremblait en face de moi, et j'avais l'impression que le monde entier tremblait.(Fiction émotionelle, une fois de plus.)
Une fin de vie solitaire…
Une fin de vie solitaire,Le chemin devient transparentEt je n'ai plus un seul parent:Une île enfoncée dans la mer.
Nous n'avons plus beaucoup le temps de vivre…
Nous n'avons plus beaucoup le temps de vivre,
Mon amour
Éteins donc la radio,
Pour toujours.
Tu as toujours vécu par procuration,
Sans friction
Et si lisse,
La vie s'en va et le corps glisse
Dans l'inconnu,
La vie est nue.
Essayons d'oublier les anciens adjectifs
Et les catégories;
La vie est mal connue et nous restons captifs
De notions mal finies.
Le temps de Venise est bien lourd…
Le temps de Venise est bien lourd
Et je te sens un peu nerveuse:
Calme-toi un peu, mon amour,
Je te lécherai les muqueuses.
Il y aura des années à vivre
Si nous restons des enfants sages;
Nous pouvons aussi lire des livres:
Regarde, mon amour, c'est l'orage.
J'aime ton goût un peu salé,
J'en ai besoin deux fois par jour;
Je me laisse complètement aller:
Regarde, c'est la mort, mon amour.
CRÉPUSCULE
Les masses d'air soufflaient entre le bosquets d'yeuses,
Une femme haletait comme en enfantement
Et le sable giflait sa peau nue et crayeuse,
Ses deux jambes s'ouvraient sur mon destin d'amant.
La mer se retira au-delà des miracles
Sur un sol noir et mou où s'ouvraient des possibles
J'attendais le matin, le retour des oracles,
Mes lèvres s'écartaient pour un cri invisible
Et tu étais le seul horizon de ma nuit;
Connaissant le matin, seuls dans nos chairs voisines,
Nous avons traversé, sans souffrance et sans bruit,
Les peaux superposées de la présence divine
Avant de pénétrer dans une plaine droite
Jonchée de corps sans vie, nus et rigidifiés,
Nous marchions côte à côte sur une route étroite,
Nous avions des moments d'amour injustifié.
IV
Que tout ce qui luit soit détruit…
Les habitants du Soleil jettent sur nous un regard impassible:
Nous appartenons définitivement à la Terre
Et nous y pourrirons, mon amour impossible,
Jamais nos corps meurtris ne deviendront lumière.
Il n'y a pas de responsable…
Il n'y a pas de responsable
Au malheur de l'humanité,
Il y a un plan délimité
Qui unit les premières années, les promenades sous les marronniers, les cartables.
En moi quelque chose s'est brisé
Hier au petit déjeuner,
Deux êtres humains de cent kilos
Parlaient estomac et radios.
Il lui disait: "Tu es méchante…
J'ai plus longtemps à vivre, alors fais-moi plaisir".
Mais son vieux corps usé ne connaissait plus le plaisir,
Il ne connaissait que la honte,
La honte et la difficulté à se mouvoir,
Et l'étouffement dans la chaleur du soir.
Ainsi ces deux qui avaient vécu,
Qui avaient peut-être donné la vie,
Terminaient leur vie dans la honte.
Je ne savais que penser. Peut-être il ne faudrait pas vivre,
La recherche du plaisir est décrite dans les livres,
Elle conduit au malheur
De toute éternité.
Mais, cependant, ils étaient là, ce vieux couple.
"Il faut parfois se faire plaisir", disait-il
Et quand on voyait les replis de la chair de son épouse
On accordait la prostitution et le massage
À son vieux sexe usé.
"Il n'en avait plus, de toute façon, que pour quelques années."
Entre ces deux êtres il n'y avait aucun espace de rêve,
Aucune manière de supporter la décrépitude
De faire de l'usure des corps une douce habitude
Ils existaient,
Ils demandaient la trêve,
Un espace de trêve
Pour leurs vieux corps usés,
La trêve toutes les nuits leur était refusée.
DJERBA "LA DOUCE"
Un vieillard s'entraînait seul sur le mini-golf
Et des oiseaux chantaient sans aucune raison;
Était-ce le bonheur d'être au camping du Golfe?
Était-ce la chaleur? Était-ce la saison?
Le soleil projetait ma silhouette noire
Sur une terre grise, remuée récemment;
Il faut interpréter les signes de l'histoire
Et le dessin des fleurs, si semblable au serpent.
Un deuxième vieillard près de son congénère
Observait sans un mot les vagues à l'horizon
Comme un arbre abattu observe sans colère
Le mouvement musclé des bras du bûcheron.
Vers mon ombre avançaient de vives fourmis rousses,
Elles entraient dans la peau sans causer de souffrance;
J'eus soudain le désir d'une vie calme et douce
Où l'on traverserait mon intacte présence.
SOIR SANS BRUME
Quand j'erre sans notion au milieu des immeubles
Je vois se profiler de futurs sacrifices
J'aimerais adhérer à quelques artifices,
Retrouver l'espérance en achetant des meubles
Ou bien croire à l'islam, sentir un Dieu très doux
Qui guiderait mes pas, m'emmènerait en vacances
Je ne peux oublier cette odeur de partance
Entre nos mots tranchés, nos vies qui se dénouent.
Le processus du soir articule les heures;
Il n'y a plus personne pour recueillir nos plaintes;
Entre les cigarettes successivement éteintes,
Le processus d'oubli délimite le bonheur.