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— Comment, Mills ne vous a pas dit ? Ce pauvre Jack est mort. Un arrêt du cœur. Il s’était beaucoup fatigué. C’est bête de mourir ainsi, encore jeune.

— C’est toujours bête de mourir, conclut Malko.

Sur ces paroles définitives, il quitta Fu-Chaw. Le major ne le raccompagna pas. Il tombait visiblement de sommeil. Malko se retrouva sous le soleil de Californie, seul avec ses pensées et reprit la voiture qu’il avait louée dans son parking, puis s’engagea sur le Sunset Boulevard, pour rejoindre le Harbor Freeway et l’aéroport. Il n’avait plus rien à faire à Los Angeles. Mais il était songeur. Des années dans les services spéciaux lui avaient appris à se méfier des coïncidences. Ainsi, quand tous les décrypteurs de la C.I.A. avaient échoué la C.I.A. s’était souvenue qu’il existait à San Francisco un nommé Jack Links qui avait passé quarante ans de sa vie en Chine, parlait plusieurs dialectes et écrivait comme un mandarin. Or, la mort de cet expert tombait un peu trop à pic. Bien sûr, tout cela n’avait aucun rapport avec l’épidémie de « communisme », et l’amiral serait furieux s’il voyait Malko perdre son temps de cette façon.

Malko sentait quelque chose. C’était flou et fragmentaire, mais suffisant pour le préoccuper. L’épidémie sévissait à San Francisco, Jack Links habitait dans cette ville, la pièce truquée y avait été retrouvée… Cela faisait beaucoup de coïncidences…

Et, au fond, pourquoi Fu-Chaw n’avait-il pas fait appel à son ami Jack Links pour le document chiffré ?

Tout en roulant sagement sur le freeway à 65 milles, Malko éprouva une furieuse envie de se pencher sur la mort de Jack Links.

Dans le Bœing 727 qui le ramenait à San Francisco, Malko s’orienta vers des pensées plus agréables. Il arriverait juste à temps pour retrouver Lili à l’aéroport. Comme il ne pouvait commencer son enquête que le lendemain, il avait la conscience tranquille.

La Tahitienne n’avait même pas grogné quand il l’avait sortie du lit, à huit heures. Il l’avait déposée chez elle, en haut du Télégraph Hill, avant d’aller prendre l’avion.

Il était 8 h 27 quand le Bœing se posa à San Francisco. Malko se dépêcha le long des interminables couloirs. Lili n’était plus au bureau Hertz. Il la trouva sagement assise dans la Mustang rouge. Elle l’embrassa avec tendresse et lui dit :

— Tu es fatigué ? Je vais te masser partout, comme on fait aux pêcheurs, chez nous.

Elle avait remis sa robe chinoise et expliqua à Malko qu’elle avait emporté de quoi se changer pour ne pas être obligée de repasser chez elle.

— Mais ton grand-père, dit Malko, il ne te dit rien ?

— Oh non ! Je lui ai dit que j’avais rencontré un homme gentil et riche, il est très content. Il m’a seulement dit de ne pas me faire faire un enfant tout de suite…

Évidemment.

Ils allèrent dîner dans un petit restaurant chinois de Mason Street. Malko commençait à trouver Lili adorable.

Pendant tout le repas, elle le regarda d’un œil soucieux.

— Tu es fatigué, répéta-t-elle. N’allons pas danser. Je vais te masser.

Il se laissa faire. Quand ils furent à l’hôtel, elle fit déshabiller Malko et il s’étendit sur le ventre, nu. Lili avait retiré sa robe mais gardé son slip et son soutien-gorge. Pendant que ses doigts couraient sur son dos, Malko pensait à la mort étrange de Jack Links. Il y avait peu d’espoir de découvrir un indice mais c’était sa seule piste à ce jour.

Ses pensées dévièrent soudain. Le massage de Lili avait évolué. Elle s’amusait maintenant à lui chatouiller le dos avec la pointe de ses seins… A partir de cette minute, Malko fut perdu pour la C.I.A.

Il s’endormit, longtemps après, repu et vanné, le corps ferme et chaud de Lili contre lui.

Quand il ouvrit les yeux, il la chercha. Elle avait disparu. Sa montre disait 9 heures. Sur le bureau, il y avait un petit mot en français :

« Dors bien. Je ne veux pas t’envahir. Si tu veux, téléphone-moi à Hertz. LILI. »

Malko n’en revenait pas de tant de gentillesse. Ou alors, c’était d’une rouerie abominable. Car il commençait à s’habituer au corps doré de Lili et à sa douceur.

S’il n’y avait pas eu toutes ces histoires…

CHAPITRE V

Malko laissa errer son regard sur une mouette. Son interlocutrice lui adressait des œillades de biche énamourée à la cadence d’une mitrailleuse. Venant d’une quasi naine, vêtue d’un pull-over descendant jusqu’aux genoux et d’un blue-jeans sans couleur, c’était assez terrifiant. Précautionneusement assis sur le bord d’un fauteuil poussiéreux, Malko essayait de ne pas salir son impeccable costume d’alpaga et écoutait.

La naine s’appelait Alicia Doner et avait été la propriétaire et l’amie de Jack Links. Son magasin d’antiquités se trouvait juste au-dessous du petit deux pièces qu’il avait occupé.

C’était la troisième visite de Malko. La mort de Jack Links paraissait limpide. Il y avait eu 30 témoins, dont un médecin et plusieurs policiers.

Par acquit de conscience, Malko avait interrogé lui-même les policiers et le coroner qui avait délivré le permis d’inhumer, en leur laissant entendre que Jack Links aurait pu être assassiné, sans en tirer rien de plus. Le rapport d’autopsie avait conclu à une mort par arrêt du cœur, sans préciser la cause. L’âge ou la fatigue.

— Vous étiez un bon ami de Jack, minauda la naine. Pourquoi ne vous ai-je jamais vu ?

Malko soupira.

— J’habite loin, près de New York, expliqua-t-il. Mais j’aurais tant voulu revoir Jack…

La naine essuya une larme :

— Vous seriez venu mercredi encore…

Elle ne remarqua pas l’éclair des yeux dorés :

— Mercredi ? Mais Jack est mort mardi.

— Oh non, ça ne peut être que mercredi : mardi soir, je l’ai entendu remuer dans son appartement. Il a même fait tomber quelque chose…

— Quelle heure était-il à peu près ?

— Minuit environ, je venais de rentrer et de mettre le Late Show sur K.G.H.V.

Deux heures plus tôt, trente personnes avaient constaté la mort de Jack Links. C’était la première piste que trouvait Malko.

— Écoutez, Alicia, dit-il presque tendrement, cela me ferait plaisir de voir où vivait Jack. Voulez-vous m’accompagner dans l’appartement ?

La naine grandit de joie.

— Bien sûr.

À ce moment, la sonnerie de la porte tinta et un jeune couple entra dans la boutique.

— Nous voudrions ce secrétaire « early American », expliqua l’homme.

Malko sauta sur l’occasion.

— Donnez-moi la clef de l’appartement de Jack, dit-il. Vous me rejoindrez. – Avec un petit rire – : ce sera moins compromettant que de monter ensemble…

L’appartement se composait de deux pièces, d’une kitchenette et d’une salle de bains. Malko visita rapidement la chambre qui n’était meublée que d’une penderie, d’un lit et d’une commode. Tout était en ordre. Rien non plus dans la cuisine et la salle de bains. Un pommeau de douche fuyait et Malko le ferma. L’autre pièce possédait une bibliothèque et un bureau.

Malko inspecta rapidement les meubles. Tout était en ordre. Les tiroirs n’étaient même pas fermés à clef. Rien que des papiers sans importance. Ou l’appartement avait déjà été fouillé ou Jack Links cachait des papiers importants ailleurs.

Déçu, Malko s’apprêtait à descendre quand la naine fît son apparition.

— Je crois que j’en ai assez vu, dit-il. Je vais me sauver.

Devant son air déçu, il se hâta d’ajouter :

— Je serais ravi que vous m’offriez une tasse de thé pour avoir la joie de bavarder un peu avec vous…

Soudain, elle s’approcha du bureau que Malko avait fouillé, un meuble qui devait avoir une centaine d’années, avec plusieurs petits tiroirs.