Выбрать главу

Un coup discrètement frappé à la porte de communication les ramena sur terre.

— On y va ? cria la voix de Jones à travers la porte.

— D’accord, dit Malko, je ne bouge pas d’ici. Dès que vous avez quelque chose, appelez-moi.

— Où vont-ils ? demanda Lili.

— Ils doivent suivre quelqu’un, répondit Malko.

Il la reprit dans ses bras et entreprit de continuer ce que Jones avait interrompu. Mais, les deux gorilles partis, il fut pris de scrupules. Ses adversaires lui avaient déjà montré à quel point ils étaient retors. S’ils s’apercevaient de la filature, ils risquaient, soit de semer leurs poursuivants, soit de leur tendre un piège.

Il fallait mettre au point un plan de secours. Pour ne pas affoler Lili, étendue sur le lit, il passa dans la chambre de Jones et appela Hood.

— Pouvez-vous prendre discrètement en filature un véhicule dès que je vous donnerai son numéro et sa description ? demanda-t-il.

— Bien sûr, fit Hood. S’il sort de la ville je lui mettrai un hélicoptère au cul. C’est ce qu’il y a de plus sûr. Avec les jumelles on peut pas le perdre.

— Merci, dit Malko. Je vous préviens dès que j’ai quelque chose.

Il repassa dans sa chambre, soucieux. C’était trop risqué d’aller lui-même expliquer à Chris et à Milton le nouveau plan. Il suffisait d’un hasard malencontreux pour que la Chinoise l’aperçoive et soit encore plus sur ses gardes. Et impossible de téléphoner aux gorilles.

Lili s’aperçut de son air tendu.

— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-elle.

— Rien, dit Malko.

Elle insista :

— Je crois bien que tu as quelque chose. Je peux t’aider ?

Elle le regardait, suppliante :

— Oh, laisse-moi faire quelque chose pour toi.

Son visage resplendissait de joie. Il lui aurait demandé de vider la baie avec une petite cuillère, elle s’y serait mise immédiatement.

Malko hésitait. Il ne voulait pas la mêler à son dangereux métier. D’abord, pour ne pas lui faire prendre de risques, ensuite par discrétion. Mais, là, il y avait un problème urgent à résoudre, sans danger pour elle. Il suffisait qu’elle aille prévenir Chris et qu’elle revienne.

— Écoute, dit Malko. J’ai oublié de dire quelque chose aux hommes qui travaillent avec moi. Veux-tu leur porter un mot, de ma part ? C’est tout. Ensuite tu reviens tout de suite et nous allons voir ton grand-père pour l’affaire dont je t’ai parlé.

— C’est tout ? fit Lili déçue.

Elle s’attendait au moins à ce qu’il lui demande d’assassiner quelqu’un.

— Oui, mais c’est très important, précisa Malko. Je ne peux pas y aller moi-même.

Malko lui expliqua où se trouvait la voiture et griffonna un mot pour Chris. Lili trépignait d’impatience. Il la prit dans ses bras et plongea ses yeux dorés dans les siens. Elle baissa la tête et se blottit contre lui.

— Je ferais n’importe quoi pour toi, murmura-t-elle. Tu es si gentil.

Elle lui posa un baiser rapide sur la bouche et dit :

— Je reviens tout de suite.

CHAPITRE VIII

Le cœur de Lili Hua battait à toute vitesse dans sa ravissante poitrine. Elle venait de repérer la voiture avec Chris Jones à l’intérieur. Elle s’approcha et frappa timidement à la glace. Le gorille eut un geste si brusque qu’elle sauta en arrière. Puis, un large sourire éclaira son visage et il ouvrit la portière.

Lili se glissa dans la voiture.

— C’est gentil de venir me voir, dit Jones.

Il était tout vert. Depuis un quart d’heure, il était la proie d’une épouvantable envie de faire pipi. Brabeck sirotait une bière dans une cafétéria, cinquante mètres plus loin, un œil sur la porte de la banque.

Lili lui donna le mot de Malko et il le lut, en se tortillant sur son siège. La présence de Lili lui donna une idée. Il ne pouvait plus y tenir.

— Vous voulez être gentille ? dit-il. Restez dans la bagnole une minute. Vous voyez la porte de la banque ? Si vous voyez sortir une grande Chinoise, vachement belle, avec des yeux verts et qui monte dans une voiture de sport blanche étrangère, vous donnez un grand coup de klaxon. Mais je ne fais qu’aller et venir.

Lili Hua écoutait, gonflée de fierté. Enfin, elle aidait Malko. Bien sûr, il lui avait dit de revenir tout de suite, mais il serait sûrement content quand il saurait ce qu’elle avait fait.

— Allez vite, dit-elle à Jones. Vous pouvez compter sur moi.

Le gorille descendit. Lili prit sa place, et avança le siège. Jones fonça à la cafétéria où se trouvait Brabeck. En passant il fit signe à son compagnon de garder un œil sur la voiture. Il aurait le temps de foncer. Puis il disparut dans le sous-sol.

Il n’avait pas disparu depuis trente secondes qu’un fourgon de la poste stoppa devant la cafétéria, pour vider la boîte aux lettres qui se trouvait juste en face, cachant la banque à Brabeck. Celui-ci ne bougea pas. Il avait vu Lili dans la voiture. Elle préviendrait en klaxonnant.

Mais ce jour-là les gorilles n’avaient pas de chance.

Une minute plus tard, une voiture blanche décapotable s’arrêtait devant la banque. Le cœur de Lili cessa de battre. La voiture était conduite par un homme, un Chinois, lui sembla-t-il, en le voyant de dos.

Elle hésitait à appuyer sur le klaxon et priait pour que Jones réapparaisse lorsqu’elle vit sortir de la banque une Chinoise magnifique, moulée dans une robe blanche. L’inconnue fit le tour de la décapotable blanche, monta dedans et la voiture démarra immédiatement.

Lili ne réfléchit pas. Fébrilement, elle mit le contact, passa en prise et démarra. Quand Jones reviendrait, ce serait trop tard pour suivre la Chinoise.

Jones sortait en courant de la cafétéria, quand les deux voitures passèrent à dix mètres de lui. Il poussa un juron effroyable et fit un signe désespéré à Brabeck.

Celui-ci jaillit hors de la cafétéria, sans même payer.

— Nom de Dieu, elle a pas prévenu !

La Ford crème venait de tourner à droite, dans Bush Street.

Pas un taxi en vue et la rue était à sens unique. Les deux gorilles se regardèrent, consternés.

— Qu’est-ce qu’on va prendre ! Et la petite qui est en train de filer le train à l’autre tordue…

— Prenons son adresse, proposa Jones.

Ils se précipitèrent dans la banque. Devant leurs cartes officielles, le fondé de pouvoir leur donna l’adresse de la Chinoise : elle s’appelait Susan Wong et habitait 1024 Président Street.

* * *

Lili Hua était à la fois terriblement excitée et morte de peur. La joie de rendre service à Malko effaçait tout le reste, pourtant. Mais elle ne savait pas du tout ce qu’il fallait faire, sauf suivre la décapotable. Après Bush Street, ce fut Market Street, la grande rue de San Francisco. La voiture sport tourna à gauche et se faufila habilement à travers le trafic. Lili Hua fit de son mieux pour la suivre. Elle grilla un feu orange et se fit siffler par un flic. Ses mains tremblaient.

De loin, elle vit la voiture de sport prendre la file de gauche menant au Central Freeway. Elle doubla résolument plusieurs voitures et ne se trouva plus séparée de la Chinoise que par une vieille Buick.

Le Central Freeway ressemblait à la grande rue de Bénarès le jour où on a brûlé Ghandi. Les voitures avançaient à trois milles à l’heure, pare-chocs contre pare-chocs. Lili n’eut aucun mal à suivre la Chinoise.

La circulation s’améliora un peu en passant Bayshore. La voiture sport bondit en avant et Lili dut s’accrocher pour ne pas la perdre. Brusquement, elle se mit à droite et tourna dans San Bruno Avenue, la première sortie pour South San Francisco.