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Soigneusement, comme s’il s’agissait d’un mannequin, ils dépouillèrent la Tahitienne de sa robe, de son soutien-gorge, de sa gaine et de ses bas. Le tout alla dans un sac de toile blanche qu’emporta l’un des Chinois.

— Réveillez-la, ordonna la Chinoise à l’autre Chinois.

Elle parlait le dialecte pékinois sans accent, avec des inflexions dures.

Le Chinois décrocha un tuyau terminé par un masque de caoutchouc qu’il appliqua contre le visage de Lili.

Au bout de vingt secondes environ, elle grogna et s’agita. L’oxygène sifflait doucement par les interstices du masque.

La voiture conduite par Chris Jones entra à toute allure dans une station d’essence du Bayshore Freeway, à hauteur de South San Francisco. Au train où ils allaient, ils seraient au Mexique à minuit. C’était idiot de continuer ainsi. Jones appela Malko et dut attendre cinq minutes avant d’avoir le numéro, toujours occupé.

Malko n’avait rien appris de neuf.

— Restez où vous êtes, dit-il. Je vous rappellerai.

Il raccrocha après avoir noté le numéro de leur cabine, puis téléphona à Hood.

— Débrouillez-vous, dit-il, mais je veux que vous me retrouviez ces voitures. C’est une question de vie ou de mort pour une de mes collaboratrices.

Hood grogna :

— On y va. Ça s’est calmé à Daly City. Je mets tout le personnel disponible sur votre histoire. Si ces bagnoles ne se sont pas transformées en cerfs-volants, on va vous les trouver.

Ayant raccroché, Hood brancha son réseau ondes courtes le mettant en communication avec toutes les voitures de patrouille.

— Ici, le chef Hood. Attention toutes les voitures de patrouille. Code Zéro. Arrêtez par tous les moyens les deux véhicules dont je vais vous donner les caractéristiques. Tirez si nécessaire.

Le code Zéro c’était le signal qui donnait la priorité absolue à l’opération. Si une voiture était en train d’arrêter des cambrioleurs, elle devait les laisser filer et foncer…

— Et si un enfant de salaud loupe ces bagnoles par sa faute, tonna Hood, il ira balayer les couloirs vides d’Alcatraz jusqu’à la fin de ses jours.

Trois minutes plus tard, Jones et Brabeck virent passer à tombeau ouvert une voiture de police. Le pompiste les regarda en dessous.

— T’en fais pas, bonhomme, ils nous trouveront pas, fit Jones, goguenard.

* * *

Dans sa chambre, Malko tournait en rond. Il n’avait pas confiance dans les grands dispositifs policiers contre le genre d’ennemis auxquels ils avaient affaire. Ils devaient avoir prévu ce genre de réaction.

Malgré tous ses pressentiments, il espérait encore un coup de fil de Lili. Il y avait près d’une heure qu’elle n’avait pas donné de ses nouvelles.

Le téléphone sonna une demi-heure plus tard. Malko se força à laisser trois fois la sonnerie avant de décrocher. C’était Hood, la voix morne.

— On a retrouvé les bagnoles, annonça-t-il. Au fond d’un ravin des San Bruno Mountains, le long de Guadaloupe Road. Personne dedans. Pas de trace de sang non plus.

— J’arrive. Envoyez-moi une voiture pour me prendre.

Malko ne pouvait plus attendre les bras croisés. On était en train de le manipuler comme un enfant. Maintenant, Lili avait disparu, avec le seul fil conducteur de cette affaire. Il prit son pistolet, le glissa dans sa ceinture et sortit, après avoir appelé Jones pour le mettre au courant.

* * *

Lili ouvrit les yeux et les referma, terrifiée. La grande Chinoise à la robe blanche était penchée sur elle, ses yeux verts totalement inexpressifs.

— Tu vas parler, putain ? demanda-t-elle d’une voix égale.

Lili rassembla tout son courage.

— Lâchez-moi tout de suite. Sinon il viendra et il vous tuera.

— Qui ça, « il » ?

La Tahitienne se mordit les lèvres. Mais déjà l’autre ne s’intéressait plus à elle.

— Faites-lui dire tout ce qu’elle sait, l’entendit-elle dire à un Chinois qui se trouvait dans la pièce ; je reviens tout à l’heure.

Lili tenta de bouger. En vain. Elle pouvait tout juste remuer la tête. Elle vit le Chinois s’approcher d’elle, un petit instrument nickelé à la main. Il avait une bonne tête, avec des joues un peu lourdes d’homme bien nourri. Il regarda Lili avec bienveillance.

— Veux-tu dire pourquoi tu suivais Mlle Yang-si ? demanda-t-il gentiment.

Lili secoua la tête.

Le Chinois fit « tss, tss », saisit la pointe du sein gauche de Lili entre ses pinces et serra de toutes ses forces. Un cri inhumain jaillit de la gorge de Lili. Son corps se dressa en arc de cercle et retomba. Le Chinois ne dit rien mais sa pince descendit plus bas. Il fouilla un peu, serra…

Cette fois Lili vomit et faillit s’étrangler dans son cri. Méthodiquement le Chinois continuait son horrible exploration.

Quand la Chinoise revint vingt minutes plus tard, Lili était inanimée. Un filet de bave coulait de sa bouche. Sa poitrine ainsi que l’intérieur de ses cuisses étaient tachés de sang. Un léger tremblement agitait tout son corps.

— Je pense qu’elle a dit tout ce qu’elle savait, dit le Chinois d’un ton servile.

Il résuma l’histoire de Lili. La Chinoise hocha la tête.

— Cela correspond à ce que je sais. Cet homme est très dangereux. Nous devons nous en débarrasser le plus vite possible. Cette fille va encore nous aider pour cela.

Elle s’approcha de Lili et la gifla. La Tahitienne ouvrit les yeux.

— Tu vas mourir, dit tranquillement la Chinoise. Tu as le choix entre une mort facile et un traitement tel qu’après une heure tu supplieras qu’on te tue. Si tu fais ce que je te dis, tu ne souffriras pas.

Lili hocha la tête. Elle était brisée au physique comme au moral. Jamais elle n’aurait pensé qu’on puisse avoir aussi mal. Elle avait été torturée affreusement. Personne, même parmi les professionnels, ne supporte cela sans parler. Mais Lili l’ignorait et elle avait honte. Elle se rendait compte qu’elle avait trahi Malko. Elle n’oserait plus jamais se retrouver devant lui. Alors elle préférait mourir. C’était plus simple. Comme ça, il lui pardonnerait sûrement.

Elle sentait qu’elle allait encore le trahir, mais son corps la trahissait lui aussi. Elle ne pouvait pas supporter l’idée de subir encore le Chinois. En silence elle demanda pardon à Malko.

La Chinoise qui était sortie, revint avec un magnétophone à piles, ultramoderne, un Uher. Elle le posa près de Lili et lui dit :

— Tu vas enregistrer le message que je vais te dicter et après je te laisserai tranquille.

Paralysée par une terreur animale, Lili fit « oui ».

Docilement, elle répéta trois fois de suite le message dicté par la Chinoise. Dans son subconscient, elle se demandait comment personne n’avait entendu ses cris. Elle ignorait qu’elle se trouvait au deuxième sous-sol d’un bâtiment de béton au milieu d’un parc.

La Chinoise repassa le message pour être sûre qu’il avait bien été enregistré. Satisfaite, elle ferma l’appareil et dit :

— C’est bien. Maintenant, tu vas t’endormir. Ne pense plus à rien. Tu ne souffriras pas.

Le Chinois demanda :

— On ne l’interroge plus ?

La Chinoise haussa les épaules.

— À quoi bon ? Je suis sûre qu’elle a tout dit. Inutile de perdre du temps. Il ne reste plus qu’à la faire mourir.

Le Chinois hocha la tête en regardant le ravissant corps nu sans aucun désir. Les seins étaient raidis par la peur et une fine chair de poule durcissait la peau de Lili. De ses yeux dilatés par la peur elle fixait ses bourreaux.

— Allez-y, dit la Chinoise.

L’autre s’inclina et saisit un des tuyaux qui pendait près de la table d’opération. Il se terminait par un embout d’acier taillé en biseau. L’opérateur prit le bras gauche de Lili, chercha la saignée du coude et enfonça le tube d’un coup sec. La Tahitienne poussa un sourd gémissement.