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— Tu es tout seul ? me demande l’Arabe.

— Le reste arrive ! De toute façon, avec ce rodéo, l’immeuble est en folie.

— J’en ai rien à foutre. Tu vas prendre la fille dans tes bras et on va sortir, tu marcheras devant avec elle. S’il y a le moindre problème, je vous abats tous les deux ; il me restera encore ce sale petit con en otage. C’est compris ?

— D’accord.

Je me dis que, pour m’avancer, il va falloir marcher, non ? C.Q.F.D. Or, si je marche, mon feu tombera car mes miches ne sont pas tellement préhensiles à travers un pantalon.

Alors, tu sais quoi ?

Non ? Tu te doutes pas ?

Bon, je vais te le dire, en espérant que t’auras à cœur d’envoyer une boîte de chocolats à Félicie, histoire de me remercier. Voilà Pierre Poljak qui m’adresse un clin d’yeux insistant. Ça veut dire que je dois me tenir prêt. Fectivement, le môme presse son bras contre celui de notre tagoniste et décrit une formidable pirouette. Tu sais qu’il a du nerf, le gamin ! L’autre a beau être mastar, il n’en exécute pas moins un arc de cercle. Bien sûr, il presse les détentes de ses deux armes à la fois, à la désespérée, mais n’étant plus axé convenablement, ses dragées ne baptisent personne.

Mécolle, tu parles d’un carton ! Je ponds dare-dare mon feu dans ma dextre, le redresse avec une lenteur qui raconte tout sur le contrôle que j’ai de mon self. Vraoum ! vaoum ! Il en déguste une entre les côtelettes et la deuxième derrière l’oreille. Sa boîte crâneuse, comme dit Béru, éclate telle une noix de coco. Un flot de sang gicle de partout. Le gros sac s’écroule, entraînant Pierrot dans sa chute. Ton Sana bien joli demeure une seconde prostré, les yeux fermés, le souffle faible. On revient de loin. Mes jambes se mettent à trembler comme celles d’un archivieux qu’arrive plus à pisser. Je voudrais me trouver loin d’ici, sur un rivage, et courir au bord de la mer, comme à la fin de soixante pour cent des films.

LE PAQUET

Il est parfait, Beau-Philippe, dans son rôle de père retrouvant son enfant. Il veut pas le savoir que sa fille a trempé dans un mouvement terroriste. Pour lui, c’est des enfantillages. Il indulge par tempérament, le Magnifique. Ce qu’il voit c’est qu’elle était détenue par des hommes dangereux et qu’un commissaire héroïque est parvenu à l’arracher de leurs griffes. Alors il me presse contre sa poitrine parfumée (et dodue : il prend des hormones femelles). Sa dextre glisse le long de mes hanches, se fourvoie sur ma jambe, risque une innocente incursion dans la région de mes roustons. Juste un effleurement, une petite flatterie exploratrice. Quand on est policier, on investigue, merde ! Le genre de rapide caresse, innocente presque, t’as pas le temps de réagir, encore moins de te fâcher. Mais il est renseigné sur le paquet du mec ! Il apprécie la membrure antoniaise. Il sait que le répondant a été versé intégralement par dame Nature ! Qu’inutile de me présenter à l’examen des bourses : je les possède déjà ! Il m’accolade. Un petit coup de langue sur le lobe, innocent, lui aussi. Service des vérifications !

Le Vieux jubile de même. Deux dangereux terroristes mis hors d’état de nuire. Succès pour ses services. Il m’arrache les plumes de mon succès pour les piquer dans son fion à lui et faire la roue.

Il clame qu’il avait vu juste. Lâchement, on approuve. Bon, et maintenant, où en sommes-nous-t-ils ? Faut voir. Le bilan, selon moi, n’est pas aussi positif que les roucoulades des chefs le laissent entendre. M. Blanc est à l’hosto pour une commotion cérébrale et une floppée de points de suture. Béru et Pinaud sont toujours portés manquants. Hervé Cunar a disparu dans la nature. Et j’ai ces neuf garnements sur le cuir, à pas trop savoir qu’en foutre. Pour me tirer d’embarras, le Vieux propose une chose : ils vont entrer à l’hôpital pour une cure de désintoxication, tous. Jusqu’à nouvel ordre, on ne parlera pas d’eux à la presse et quand l’affaire sera complètement débroussaillée, on avisera. Il fait ça pour le bon renom de la Grande Taule, Achille, sachant pertinemment que si les garçons sont mouillés, Emeraude Dumanche-Ackouihl le sera itou, et donc, sa pédale de père.

Je vais proposer la transaction aux petits cornards qui acceptent le marché. Par contre, je dispense Pierrot de la corvée, d’abord parce qu’il n’est pas intoxiqué, ensuite parce que sa conduite émérite lui vaut largement un régime de faveur.

Quant à Emeraude, je chuchote à son papa de l’envoyer perfectionner son anglais aux Amériques. Il admet que c’est une idée un peu géniale sur les bords, en tout cas elle est à creuser.

La môme m’a expliqué ce qui s’est passé. Lorsqu’elle était claquemurée chez elle en compagnie de M. Blanc, celui-ci lui a fait d’amers reproches pour avoir alerté Cunar. Il lui a expliqué qu’il avait eu le coup de foudre pour elle, dès qu’il l’avait aperçue et qu’il voulait la sauver. Ses arguments étaient si pathétiques qu’elle s’est donnée à lui, comme il est écrit dans les bons feuilletons du dix-neuvième siècle avant Sulitzer. Une expérience sexuelle inoubliable pour elle. Vaincue, ou plutôt conquise, elle avait alors confié à Jérémie ce qu’elle nous avait tu : l’existence du studio où elle allait se faire caramboler par les gars du Mouvement, histoire d’entretenir le moral des troupes. Blanc avait alors décidé de s’y rendre immédiatement avec elle, pensant qu’il pourrait y trouver des indices précieux. Et alors, ça avait été la grosse couillerie. Emeraude possédant la clé du studio, ils étaient entrés délibérément mais il y avait du monde : les deux Arbis, et les choses s’étaient gâtées. Les terroristes avaient tabassé durement son black pote pour lui faire dire ce qu’il savait. Emeraude avait craché le morceau. Chose curieuse, les deux Arabes ne semblaient rien savoir de l’équipe des jeunes. C’est l’un d’eux qui avait risqué un coup de grelot chez les Dumanche-Ackouihl pour vérifier qu’elle était bien la fille du sous-directeur de la police. Lorsque j’ai répondu, ils ont cru que j’étais le père et ont préféré raccrocher.

T’as compris ? Bien tout comme il faut ? Si tu as encore des incertitudes, reste pour la seconde séance, elle est en version anglaise, mais y a des sous-titres qui t’aideront à tout piger.

* * *

On se retrouve dans ma Maserati, le petit Pierrot et ma pomme. Moi, c’est bien simple, je suis tellement épuisé que je me rappelle plus mon nom, ni celui du président de la République, ce qui est encore plus grave. C’est ça le hic dans mon job, tel que je le pratique. Je tire sur la corde, tu comprends ? Y a plus d’heure pour rien, ni pour la bouffe, ni pour la dorme, encore moins pour la brosse.

— Je tiens à te dire, petit gars, que tu t’es montré de première, murmuré-je, la tronche renversée contre mon appuie-tête.

Il ne répond rien.

— Va falloir que tu cesses complètement tes conneries pour te préparer un avenir. Il existera et faut pas en avoir peur. Il n’est méchant qu’avec ceux qui le fuient. Autre chose, ton bel amour pour Emeraude, tu devrais tourner la page, gamin. C’est dur de renoncer à une fille qu’on a dans la peau, sauf lorsqu’on est convaincu qu’elle n’est pas digne de vous. Emeraude, sans vouloir te la débiner, c’est une nympho, petit mec. Elle se raconte des histoires et offre son mignon cul à qui en a envie en se persuadant que, ce faisant, elle fait avancer le schmilblick. Elle, son futur, je vais te le prédire sur écran large. Elle va se ranger des voitures après une vilaine histoire comme celle-ci. Elle bricolera jusqu’à ce qu’un grand con l’épouse. Et elle l’encornera tout azimut entre deux essayages chez les couturiers. C’est pas ton style de gerce, Pierrot. Cela dit, où dois-je te déposer ?