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En pénétrant dans la pièce attenante, Feric se trouva en présence d’une file d’individus au visage blême et à l’air accablé. Des S.S. disposés régulièrement au long de cette ligne et armés de massues et de mitraillettes surveillaient les infortunés. Au bout de la rangée se tenait un major S.S. muni d’un carnet et d’un crayon ; derrière lui s’ouvraient deux portes.

Au moment où Feric entrait, il entendit le fonctionnaire s’adresser au premier Helder de la file, individu à la mine morose, et à l’aspect convenable à première vue.

« Il est de mon devoir de vous informer que vous n’avez pas toutes les qualités requises pour accéder au pur génotype humain. Vous avez le choix entre deux possibilités : l’exil définitif ou la stérilisation. Que choisissez-vous ? »

L’homme hésita un moment ; Feric vit des larmes dans ses yeux. Mais soudain la présence du Commandeur Suprême fut remarquée et tous – S.S. et pensionnaires à la triste figure – se figèrent pour le salut du Parti et crièrent « Vive Jaggar ! » avec une vigueur et un enthousiasme sans défaut. Feric fut profondément touché par cette démonstration de solidarité raciale chez des hommes pourtant appelés à sacrifier tout espoir de progéniture.

Dans les secondes qui suivirent, le Helder qui était en tête de la file redressa les épaules, claqua les talons, se mit au garde-à-vous et répondit au major S.S. d’une voix ferme et claire : « Je choisis la stérilisation pour le bien de la Patrie ! » Il leva alors le bras, fit un salut parfait et marcha résolument vers la porte de droite.

« Quatre-vingt-cinq pour cent des refusés préfèrent la stérilisation à l’exil », souffla Remler à l’oreille de Feric.

Des larmes, où se mêlaient joie et tristesse, montèrent aux yeux de Feric tandis que les exclus, les uns après les autres, franchissaient stoïquement la porte de droite pour être dépouillés de leur pouvoir de procréation : il savait qu’il avait devant lui la preuve décisive de la justesse de sa cause et du triomphe du Svastika.

Le maréchal commandant en chef Lar Waffing se leva lourdement, jeta un coup d’œil à la grande carte, derrière la chaise surélevée de Feric, salua d’une inclination de la tête les généraux assemblés dans la Salle de Guerre du Haut Donjon, adressa un sourire à Feric, puis commença son rapport officiel.

« Commandeur, j’ai l’honneur et le plaisir de vous annoncer que la rénovation de l’armée peut à présent être considérée comme terminée. Nos forces comptent actuellement plus de trois cents tanks, et les nouvelles usines poursuivent la production au rythme de plusieurs dizaines par semaine. Nous possédons déjà plus de deux cents chasseurs et bombardiers en piqué et des dizaines d’autres continuent de sortir des chaînes. Nos effectifs se sont accrus d’un demi-million de splendides recrues, et je suis fier d’annoncer que chaque soldat helder est à présent équipé d’une nouvelle mitraillette de premier ordre et d’une formidable massue. Les réserves regorgent de munitions et nous avons stocké assez d’essence pour un mois de guerre totale. Les savants de l’armée sont en train de relancer la construction de missiles téléguidés et de bien d’autres armes des Anciens. En résumé, Commandeur, vous disposez à présent d’une force qui n’attend que vos ordres pour se jeter dans le feu de l’action !

— Bravo, Waffing ! » lâcha Feric avec enthousiasme pendant que le commandant en chef se rasseyait. Il ne manquait plus à l’armée et aux S.S. que l’occasion d’aiguiser rapidement le tranchant de leur arme de guerre. Restait à savoir où et comment. « Pensez-vous que nous soyons prêts à annihiler Zind, Waffing ? » demanda-t-il.

Waffing se plongea quelques instants dans une profonde réflexion. « Je suis absolument sûr que nous vaincrions Zind si nous attaquions maintenant, dit-il. Mais la guerre serait longue et difficile. Donnez-nous six mois et notre armée aura doublé ses effectifs, nous disposerons de milliers de tanks et d’avions, et nous progresserons alors dans Zind à la vitesse de nos chars ultra-rapides. Nous pulvériserons ses ports en cas de guerre-éclair. »

Feric considéra cette évaluation de la situation. Il était à coup sûr préférable d’attendre quelques mois avant de lancer l’attaque finale sur Zind, afin de permettre aux forces de Heldon de compléter leurs effectifs. Mais, par ailleurs, l’armée avait besoin d’action immédiate.

« Waffing, pensez-vous que Zind puisse nous attaquer dans les six semaines ? s’enquit-il.

— C’est peu probable, répondit le commandant en chef. Leur système logistique est très lent. Nous serions avisés d’une attaque largement à l’avance. Actuellement, aucun préparatif n’est en cours. »

Feric se leva, sa décision prise. Il se tourna vers l’immense carte fixée au mur derrière lui, et s’adressa aux commandants.

« Avant deux semaines, Heldon se mettra en marche. Une grande colonne s’enfoncera en Borgravie, prendra Gormond et pénétrera à l’ouest en Véto-nie. Pendant ce temps, le groupe nord de nos forces pénétrera en Vétonie par Feder, et effectuera sa jonction avec l’armée du Sud à la hauteur de la capitale. Les forces combinées fonceront alors à travers Husak sur un large front, écraseront toute résistance, et repousseront les restes de l’armée husak dans les déserts occidentaux, où ils périront. Pendant que nos troupes occuperont la Borgravie, toutes les masures de Cressie, d’Arbonne et de Karmath seront détruites par l’aviation, et la vermine chassée vers les déserts du Sud. Ainsi, nous assurerons nos arrières pour l’action finale contre Zind. Si cette opération devait prendre plus d’un mois, j’en serais particulièrement déçu ! »

Les mâchoires des vieux généraux tombèrent à l’énoncé de ce plan audacieux ; Waffing, quant à lui, écrasa son poing sur la table, souriant d’aise. « Si cette opération dure plus d’un mois, Commandeur, déclara-t-il, j’exécuterai moi-même chaque officier de l’armée, après quoi je me rétrograderai au rang de simple soldat, mettrai le canon de ma mitraillette dans ma bouche, et me ferai justice pour haute trahison ! »

Feric sourit, appréciant à sa juste valeur l’humour de Waffing. Ce dernier ne put contenir plus longtemps sa bonne humeur et éclata d’un grand rire franc. Un instant plus tard, les austères généraux se joignaient à l’hilarité collective.

Pourtant, Feric réalisa que l’esprit même qui poussait Waffing à faire une promesse aussi insensée le pousserait également à en respecter tous les termes au cas inconcevable où une telle expiation s’avérait nécessaire. Quelle magnifique troupe de héros il avait l’honneur de commander !

Minuit approchant, Feric Jaggar prit place sur le siège d’observateur du tank de tête. A ses côtés, Ludolf Best occupait la place du conducteur, ses yeux brillant d’excitation et de fanatisme. Dans cette campagne, la vraie bataille serait également une bataille contre le temps, l’armée borgravienne pouvant difficilement être qualifiée d’armée de mascarade. Aussi l’avant-garde de l’armée rassemblée par Feric à la lisière sud-est de la Forêt d’Émeraude ne se composait-elle que de cent cinquante chars bourrés d’obus incendiaires et d’explosifs. Combinés avec la force dévastatrice d’une centaine de bombardiers qui avaient déjà pris l’air vers la capitale borgravienne, ils suffiraient à pulvériser en Borgravie toute résistance organisée en l’espace de quelques heures. Puis les chars, repartant vers l’est à travers le pays, seraient aussitôt remplacés par l’infanterie portée et les motards S.S., et, avant même qu’ils eussent atteint la frontière vétonienne, Remler aurait déjà lancé l’installation des camps de sélection.