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— Je vois où vous voulez en venir, répondit Feric. De par ma propre expérience des Borgraviens, je sais qu’ils mènent tous une existence sordide et misérable ; ils sont génétiquement incapables d’amélioration. Sans aucun doute, l’euthanasie serait un service à rendre à ces malheureux, aussi bien que la solution la plus réaliste pour nous. Mais j’insiste absolument sur le fait que cette tâche doit être menée à bien avec le minimum de souffrances, le maximum d’efficacité, et au meilleur coût.

— Bien sûr, Commandeur ! dit Remler. Les savants S.S. ont mis au point un gaz qui fait perdre conscience, puis vie, au sujet, sans occasionner le moindre malaise. En outre, il est efficace à petites doses et d’un prix de revient assez bas. Nous pourrions traiter ainsi les détenus à l’intérieur des nouveaux territoires, ce qui limiterait la durée de l’existence des camps à six semaines. »

L’odeur des Borgraviens montait puissamment aux narines de Feric, comme les émanations pestilentielles de quelque gigantesque tas de fumier. Manifestement, le programme suggéré par Remler offrait le moyen le plus pratique de venir à bout des anciens habitants des territoires fraîchement conquis ; on ne pouvait exiger des Helders qu’ils sacrifient pendant des années d’énormes sommes pour l’entretien de ces malheureux monstres : il n’était pas plus concevable de les laisser occuper en liberté la terre humaine. De surcroît, ces pauvres créatures avaient certainement le droit d’attendre de leurs supérieurs humains qu’ils les sortent de leur misère aussi rapidement et insensiblement que possible, plutôt que de les laisser pourrir dans leur propre fange. Sur ce point, les exigences du pragmatisme et de la morale générale coïncidaient. Le devoir humanitaire de Heldon allait de pair avec ses nécessités économiques.

« Très bien, Remler, dit Feric. Procurez-vous le matériel nécessaire et achevez le traitement des pensionnaires des camps de sélection dans les deux mois.

— Ce sera fait dans six semaines, Commandeur ! promit Remler avec ferveur.

— Vous êtes l’honneur du Svastika, Remler ! » s’écria Feric.

Tout en sachant parfaitement que la lutte pour la préservation du pur génotype humain n’aurait pas de fin tant que les Doms et leurs sbires comploteraient dans la vaste Zind, Feric jugea que le peuple helder avait largement mérité une célébration. Il décida donc d’un jour de réjouissances nationales, qu’il fixa au septième jour après la chute de Kolchak, point d’orgue à la victoire du Svastika sur le dernier État bâtard de l’Ouest.

Des meetings du Parti furent préparés dans tout le Domaine de Heldon ; à Heldhime, Feric décida de mettre en scène le plus grand et le plus exaltant spectacle de tous les temps, qu’il ferait téléviser et retransmettre jusqu’au fin fond de la nation élargie pour récompenser et inspirer tous ses habitants.

Dans un champ ouvert non loin de la ville avait été érigée une énorme tribune. Alors que le soleil entamait sa course descendante vers l’ouest, des centaines de milliers de Helders, leur masse s’étirant à perte de vue, contemplaient cette construction d’une majesté incomparable. Elle se composait d’une série de cylindres de diamètre décroissant, empilés les uns sur les autres. La base de la tour formait une tribune annulaire de quinze mètres de haut, sur laquelle se tenaient mille pur-sang S.S., l’élite de l’élite ; aucun ne mesurait moins de deux mètres, tous avaient des cheveux de lin et des yeux d’un bleu perçant, et ils arboraient des uniformes de cuir noir très ajustés à parements chromés, si parfaitement polis que le soleil couchant embrasait ces milliers de facettes d’un feu orangé. Chacun de ces spécimens surhumains tenait une torche allumée, dont l’éclat rougeoyant s’harmonisait à la couleur de leurs capes souples ornées d’une croix gammée. Au sommet de ce piédestal géant de flammes, un cylindre plus petit, tendu d’un svastika écarlate, abritait les hauts dignitaires du Parti – Waffing, Best, Bogel et Remler, magnifiques dans leurs uniformes noirs. Enfin, l’élément central de la tribune était un fût long et étroit de quinze mètres de haut, au sommet duquel se tenait Feric en impeccable cuir noir et cape écarlate, la Grande Massue de Held, polie à neuf, suspendue à sa large ceinture de cuir. Soigneusement caché à la vue des spectateurs, un globe électrique délicatement teinté de rouge l’éclairait par en dessous, lui donnant l’apparence un bronze vivant, le regard perdu sur la mer infinie de ses partisans, à trente mètres plus bas.

Par-delà le large espace de terrain dégagé, souligné par des torches ouvrant un chemin rectiligne dans la multitude des spectateurs, Feric faisait face à un énorme svastika de bois haut de cinquante mètres.

Au moment précis où le bord du disque solaire toucha la ligne d’horizon, incendiant la campagne d’un crépuscule rouge sang, vingt croiseurs aériens noirs et étincelants survolèrent en rugissant le terrain de parade à moins de cent cinquante mètres de hauteur ; le tonnerre de leur rapide passage se mêla aux acclamations puissantes de la foule. À ce signal spectaculaire, la croix gammée géante s’embrasa dans un grondement puissant qui fit bourdonner la terre.

De l’autre côté de l’immense terrain de manœuvres, Feric avait l’impression que la chaleur de l’emblème de gloire embrasait son sang, tandis que la grandiose parade s’ouvrait sur cinq mille motos S.S. noires et luisantes fonçant devant la tribune à cent kilomètres à l’heure avec un ordre parfait, chaque motard porteur d’un étendard rouge à croix gammée qui se déployait dans le vent de la course comme une flamme. Chaque fois qu’une rangée de motos passait en hurlant, loin au-dessous de lui, dans sa gloire noire et rouge, les S.S. saluaient en chœur aux cris de « Vive Jaggar ! », si bien que l’effet d’ensemble, de l’endroit où se tenait Feric, était celui d’une houle de bras levés et d’un tonnerre roulant de saluts qui se mêlaient au rugissement des moteurs en une apothéose, propre à ébranler les collines et les vallées et à se répercuter à des kilomètres à la ronde.

Feric répondit à cette ovation puissante et exaltante par une longue série de saluts vifs et nerveux, chaque rang de motards étant ainsi personnellement honoré par le Commandeur Suprême alors qu’il passait à toute vitesse devant lui.

Dans les roues des motos S.S. arriva une formation de deux cents chars noir et rouge fonçant par rangs de dix. Chaque rangée qui défilait devant la tribune saluait avec une salve d’obus d’exercice, emplissant l’air d’un roulement de tonnerre répercuté à l’infini et de l’arôme puissant de la poudre. Feric répondit en dégainant le Commandeur d’Acier et en le brandissant droit au-dessus de sa tête jusqu’à ce que le dernier char fût passé, la hampe réverbérant les mille feux du grand svastika de flammes, de l’autre côté du champ de parade.

Très loin au-dessous de lui, Feric voyait un océan de Helders qui s’étendait jusqu’à l’horizon, clamant, bondissant et saluant follement, enfiévrés par la gloire du moment. Des tonneaux de bière furent mis en perce, et ici et là des gens se mirent spontanément à danser. Des milliers de torches improvisées furent allumées et agitées frénétiquement dans les airs. Des feux d’artifice furent allumés, ajoutant à cette ambiance de carnaval.

D’immenses formations de l’infanterie régulière défilèrent dans leur uniforme vert-de-gris, projetant à chaque pas leurs bottes à hauteur de visage et exécutant des saluts d’ensemble avec une ardeur percutante. Le bruit de la multitude en fête s’enflait pour devenir une force tangible que Feric percevait dans chaque fibre de son être ; un amalgame exaltant d’acclamations, de feux d’artifice, de musique et de danse, de martèlements de bottes, de rugissement des moteurs et de coups de canon. Escadrille après escadrille, les chasseurs noirs vrombirent au-dessus des têtes en lâchant de longues traînées de fumée bleu, vert, rouge et jaune.