L’infanterie motorisée passa dans de puissants half-tracks, tirant vers le ciel des rafales de mitraillettes. D’autres chars suivirent, saluant avec des salves de leurs canons.
Feric était transporté par la gloire de cet instant tout autant que le plus anonyme des Helders. Sans répit, il saluait les troupes, son bras se levant chaque fois avec une infatigable précision, sa chair communiant dans la puissance raciale mystique présente dans l’air, puissance composée de la ferveur multipliée de l’immense foule, de la force des légions en marche, du triomphe du moment et de la flamme qui semblait régner partout et dans chaque âme helder.
Chaque fois que Feric étendait le bras pour saluer, le vacarme surnaturel montait d’un cran et le son ensorcelant qui parcourait son être allait crescendo, le poussant à des transports croissants d’extase qui augmentaient en retour la ferveur du salut suivant.
A présent, objets de la fierté et de la joie de Waffing, passaient devant la tribune de longs missiles, doux et argentés, posés sur des remorques tirées par des camions, expression ultime de la puissance de Heldon, capables de foncer sur des cibles éloignées de centaines de kilomètres à des vitesses supersoniques. Leur faisait suite une vaste formation de motards de l’armée, qui firent de leur mieux pour surpasser les motards S.S. en brio et en ardeur. D’autres croiseurs passèrent en lançant des fusées éclairantes qui embrasèrent le ciel des couleurs de l’arc-en-ciel.
Les troupes d’infanterie S.S. défilèrent ensuite dans leurs cuirs noirs collants, projetant leurs bottes au-dessus de leurs têtes, avant de les abattre avec une incroyable force à chaque pas, saluant avec une précision admirable en criant « Vive Jaggar ! » avec une férocité presque surnaturelle.
Et la grande parade se poursuivit, loin avant dans la nuit ; la puissance de Heldon défilait inlassablement devant la haute tour de la tribune. La foule semblait s’accroître et sa ferveur augmenter, comme si, de quelque façon mystique, tout Heldon se fût uni pour cette glorieuse occasion.
Sur son piédestal écarlate, Feric, debout, infatigable, saluait chaque formation avec une vigueur et un enthousiasme qui ne se démentirent jamais, même lorsque les premiers rayons de l’aube commencèrent à poindre à l’est. Son être était gorgé de la gloire raciale omniprésente qui confondait en un seul tous les cœurs helders.
Quelques instants avant l’aube, Feric dégaina la Grande Massue de Held, dont il dirigea le grand poing de métal brillant vers l’est. Lorsque le soleil apparut au-dessus des collines, un cri titanesque, orgasmique, extatique, jaillit de la multitude. À cet instant, il semblait parfaitement normal que le soleil lui-même mît fin à la parade en défilant et en manifestant sa loyauté impérissable à la cause sacrée du Svastika.
XII
C’est avec un sentiment de profonde satisfaction et d’impatience joyeuse que Feric convoqua ses commandants en chef un mois après la chute de Kolchak, car la résolution fanatique et l’abnégation du peuple helder ne s’étaient pas relâchées un seul instant durant cette paix que tous les vrais humains s’accordaient à reconnaître provisoire.
Sans conteste, Remler, Waffing et Bogel étaient en droit de rayonner d’orgueil, installés comme ils l’étaient dans l’appartement de Feric, attendant en buvant de la bière de faire leur rapport sur la situation. Quant au loyal Best, il s’était rendu indispensable de mille petites manières.
« Eh bien, Remler, dit Feric en repoussant sa chope de bière, si nous commencions par vous ? Quelle est la situation dans les camps de sélection des nouveaux territoires ?
— Les derniers occupants auront été traités dans les deux prochaines semaines, Commandeur, dit vivement Remler. Après cela, nous pourrons fermer les camps et concentrer nos ressources sur des projets eugéniques plus positifs.
— J’espère que vous ne perdez pas du bon matériel génétique dans votre hâte à accélérer le processus, Remler, dit Feric. Chaque homme pur glané dans les poubelles des anciens États bâtards est un soldat en puissance au service de Heldon. »
Les traits fins de Remler exprimèrent une certaine souffrance, voire de l’indignation.
« Commandeur, fit-il d’un ton pincé, j’ai l’honneur de vous apprendre que nous avons tiré près de cent mille humains purs des cloaques génétiques ! En fait, nous avons même déniché quelques douzaines de candidats S.S., aussi incroyable que cela puisse paraître !
— Remarquable ! s’écria Feric, impressionné par ces chiffres et désireux de faire amende honorable après ses paroles de scepticisme. Vous opérez des miracles avec cette technique, Remler.
— Commandeur, cette technique est peu de chose comparée à ce que les généticiens S.S. ont récemment accompli. Nous avons mis au point un jeu complet de critères pour les surhommes S.S. du futur. Ces merveilleux spécimens auront plus de deux mètres dix, la peau claire, les cheveux dorés, un physique de dieu et une intelligence moyenne surpassant celle des génies actuels. En réglementant la reproduction de la présente génération de S.S. avec la plus grande rigueur, nous pourrons donner le jour à cette race de maîtres dans trois générations au plus. »
À ces mots, les mâchoires des commandants en chef béèrent. « Fantastique, s’exclama Feric. Dès que nous aurons un stock suffisant de ces pur-sang génétiques, nous pourrons hausser tout le peuple de Heldon à leur niveau divin en une seule génération, en faisant simplement des S.S. les seuls géniteurs de la prochaine couvée de Heldon. »
Remler eut du mal à se contenir. « Exactement, Commandeur ! s’écria-t-il. Mais nos savants les plus audacieux pensent être en mesure de réaliser mieux encore : la technique du clonage. Un fragment de tissu est prélevé sur des S.S. du meilleur pedigree. Dans des bacs nutritifs un nouvel S.S. croît à partir de ce tissu somatique, génétiquement identique au donneur. Ainsi les hasards de la reproduction sexuée sont complètement supprimés. En outre, un donneur peut reproduire des centaines, voire des milliers de clones génétiquement identiques. La race des maîtres peut être créée en une seule génération ! La recherche n’en est cependant qu’aux balbutiements. »
Pendant cet échange, Waffing se trémoussait sur sa chaise, avalant de grandes gorgées de bière, manifestement désireux de présenter ses propres réalisations pour les comparer à celles de Remler.
« Je vois que quelque chose vous étouffe, et ce n’est pas la bière, dit Feric en souriant. Faites-nous votre rapport avant d’exploser.
— L’armée ne s’est pas exactement tourné les pouces pendant que les S.S. faisaient des miracles, dit Waffing. Nous tirons des travailleurs un rendement étonnant et nos savants progressent rapidement dans la redécouverte des arts martiaux des Anciens. Nos derniers chars sont équipés d’appareils capables de lancer de grandes langues de feu sur l’ennemi. Dans très peu de temps, nos nouveaux chasseurs à réaction seront opérationnels ; ces croiseurs seront capables de vitesses supérieures à celle du son ! Quant à la production, nous avons à présent plus de mille chars, autant de croiseurs aériens, assez d’armes modernes pour une armée d’un million d’hommes, ainsi que des montagnes de munitions. Une fois les champs pétrolifères du sud-ouest de Zind conquis, notre problème logistique sera définitivement réglé. »
Waffing s’interrompit pour se fortifier d’une grande goulée de bière et ménager en même temps un effet dramatique. « Mais j’ai gardé le meilleur pour la fin, Commandeur, fit-il, triomphant. Nos spécialistes en fusées ont mis au point des missiles capables de lancer une charge de trois tonnes à une distance de six mille cinq cents kilomètres. Zind tout entière est maintenant à portée de nos armes.