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Aussi, quand les premières lueurs de l’aube éclairèrent le ciel au-dessus des douces collines de l’est de Heldon, Feric, anxieux, attendait dans son char l’heure du départ, Best à ses côtés, à la tête de la plus grande armée jamais déployée par Heldon. À deux cent cinquante kilomètres au nord, deux divisions blindées traversaient en ce moment même le Roul sur des ponts de bateaux au voisinage de Lumb. Cette petite force avait été augmentée de centaines de transporteurs de troupes vides, pour donner l’apparence d’une armée beaucoup plus importante. Les Doms devaient maintenant être convaincus que le principal assaut de Heldon allait être porté sur Wolack et ils devaient faire mouvement vers l’ouest pour parer cette attaque. Aussi, quand le véritable assaut serait donné, à deux cent cinquante kilomètres au sud, en passant par l’État-croupion de Malax, l’armée helder tomberait sur le flanc sud de la horde, à cent cinquante kilomètres ou plus à l’intérieur de Zind. Feric espérait que cette feinte donnerait encore plus de vérité à son stratagème, tout en ouvrant la guerre par un beau préambule et une fracassante défaite de Zind.

« H moins deux minutes, Commandeur ! » s’écria Best. Feric hocha la tête et regarda par l’écoutille ouverte du char de tête, derrière lequel s’étendait une armée qui aurait fait frémir même les Anciens.

Disposés en un front de cinquante, sept cents chars rapides noir et rouge – la plupart équipés des nouveaux lance-flammes – composaient la phalange de tête. Derrière ce mur d’acier, deux divisions de motards S.S., suivies de trois divisions de motards de l’armée régulière, encadraient des centaines de rapides transporteurs de troupes blindés et de camions de l’intendance. Complétant l’avant-garde entièrement motorisée, une quarantaine de vieux blindés lourds. Une armada aérienne opérant à partir de terrains sûrs à l’intérieur de Heldon prendrait l’air au premier signe de résistance sérieuse. Derrière les troupes motorisées, deux cent cinquante mille fantassins marcheraient sur Zind, prêts à lancer tout leur poids dans la bataille, avec l’ordre exprès de Feric de ne laisser aucun bâtiment debout ni aucun être vivant. À la lettre, tout ce qui était zind devait être rayé de la surface de la Terre !

« Plus qu’une minute, Commandeur ! » cria Best tandis qu’un croissant de soleil se risquait au-dessus de l’horizon à l’est, peignant les collines de rouge-orange, préfigurant, semblait-il, les batailles à venir. Feric referma l’écoutille, ajusta son harnais, brancha le micro et ordonna : « Lancez les moteurs ! » Le vrombissement des moteurs fut noyé dans le tonnerre des chasseurs-bombardiers glissant vague après vague au ras de cette énorme armée pour s’élever dans la lumière de l’aube.

Best hocha la tête. « En avant ! » cria Feric.

Best ouvrit les gaz et, avec une violente embardée, le char de commandement bondit vers l’est tandis que le sol tremblait sous le poids des blindés fonçant à sa suite. À l’est, des geysers d’épaisse fumée noire et de flammes écarlates jaillirent sur un large front, tandis que les avions pulvérisaient les piteuses fortifications de la frontière de Malax. Le grondement du bombardement se fit entendre, dominant le terrible vacarme des chenilles, des roues et des moteurs.

Les avions continuèrent leur ronde dans le ciel pendant que Feric dirigeait son fer de lance vers les douces collines et les paisibles vallées, écrasant tout ce qui s’opposait à son passage, soulevant une tornade de poussière sur plusieurs kilomètres. Les bombes tombaient sans trêve, la force motorisée vibrait et vrombissait, avalanche d’hommes et d’acier roulant vers la frontière ; Feric avait l’impression de guider ses troupes droit sur un mur de fumée ondoyante et d’explosions brutales.

À deux ou trois kilomètres de cet enfer, Feric entendit une dernière fois le tonnerre des avions, des bombardiers passant vague après vague et filant vers leurs bases à l’ouest, leur soutes vides, mission accomplie.

Quelques minutes plus tard, à la tête de ses troupes, il franchissait la frontière de Malax dans un paysage irréel de destruction.

« C’est ainsi que la surface de la lune a dû apparaître aux Anciens », murmura Best.

Feric approuva de la tête. Aussi loin que portait le regard, le terrain était bouleversé, troué de grands cratères fumants, couvert de fragments déchiquetés de roche, de métal et d’arbres, chaque pouce de terre retourné et dénudé comme si une charrue gigantesque l’avait préparé pour les semailles. Un épais rideau de fumée dégageait une âcre puanteur chimique, complétant l’illusion de dépaysement. Quant à la populace de Malax, on n’en apercevait nulle trace, sauf quelques taches rouges étalées çà et là.

« L’aviation a magnifiquement fait son travail ! s’écria Best.

— Oui, Best, dit Feric, c’est une nouvelle ère dans la stratégie guerrière : attaque aérienne éclair, puis une irrésistible percée de blindés, les deux poings d’acier agissant en étroite coordination.

— Il semble qu’un seul ait suffi à abattre Malax, Commandeur ! »

Feric grimaça un sourire, songeant aux hordes de Zind qui, certainement, ne se laisseraient pas balayer avec une facilité aussi déconcertante. Avant longtemps, la nouvelle tactique qu’il avait mise au point serait expérimentée dans ses moindres détails. Il imagina avec délectation l’instant où il lancerait l’ensemble de ses forces aériennes et blindées contre la puissante Zind, ennemi plus digne de l’immense puissance de destruction actuellement sous ses ordres.

Rien ne vint sauver Feric de l’ennui pendant la traversée de Malax : on ne voyait que collines basses, poches de jungle cancéreuse – plus nombreuses et plus étendues à mesure que l’armée s’enfonçait à l’est –, champs de cultures pathétiquement biscornues, rares enclos de bovins à six pattes et de cochons boursouflés à peau horriblement tachetée, et, ici et là, un groupe de huttes puantes. De résistance organisée, point ; bien sûr, on découvrait de loin en loin un Malaxien, mais le nuage de poussière qui annonçait l’armée helder suffisait à disperser les métis bien avant que le char de Feric n’arrive en vue.

Les services de renseignements avaient indiqué qu’une petite armée zind occupait les régions orientales de Malax ; c’est avec ces guerriers que Feric espérait, dans un premier temps, apaiser la soif de combat qui grandissait dans les âmes helders. Ils n’offriraient au mieux qu’une résistance passagère, mais ils étaient de l’espèce à s’accrocher à leurs positions et à combattre jusqu’à la mort.

Ce fut donc une surprise que la première manifestation des forces de Zind vînt des airs.

Le char de Feric avait atteint une zone située à une centaine de kilomètres de la frontière de Zind ; ici, les étendues de jungle irradiée se succédaient, toujours plus denses et plus grandes, étouffant les misérables herbages survivants. Pendant près d’une heure, toutes sortes de monstres avaient jailli de la jungle cancéreuse alors que le lance-flammes des chars incendiaient ces cloaques de putrescence génétique : oiseaux géants sans plumes, à quatre pattes, et couverts d’ulcères purulents là où auraient dû se trouver leurs becs, ignominies bondissantes et sans peau traînant des organes palpitants qui rebondissaient dans toutes les directions, chiens sanieux, porcs, des troupes de petites horreurs qui pouvaient être des belettes déformées, des blaireaux ou des hérissons, ou plus sûrement encore le résultat d’un triple métissage.