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Aussi Feric ne s’étonna-t-il pas lorsque Best désigna, dans le ciel vingt points noirs qui se dirigeaient vers l’armée helder, venant de l’est. « Une sorte d’oiseaux mutants, sans doute », observa-t-il sans leur prêter plus d’attention – car ils paraissaient extrêmement petits et lents.

Mais quelques minutes plus tard, il changea brutalement d’opinion : de petits et lents qu’ils parussent dans le lointain, ils se découvraient soudain rapides et immenses en survolant le char.

« Quelles répugnantes horreurs ! » hurla Best. C’était pour le moins un euphémisme. Les créatures consistaient pour l’essentiel en ailes immenses de quinze mètres d’envergure, répugnants tissus visqueux tendus sur une fine ossature. Collé sous les ailes, un torse quasiment vestigiel, également couvert de tissu translucide et visqueux, au travers duquel on voyait clairement palpiter les organes internes. Ni tête ni aucun autre appendice, mais d’énormes sacs distendus pendant de façon obscène de chaque côté du corps étroit.

Comme les monstres passaient en formation serrée au-dessus du char de Feric, des sphincters s’ouvrirent à l’arrière des énormes sacs boursouflés et des gouttes d’un liquide vert tombèrent sur les chars, immédiatement derrière Feric. À l’instant où cette pluie putride atteignait les plaques de blindage des chars, des nuages denses de fumée d’un jaune sale fusèrent du métal grésillant.

« Feu ! » cria Feric. Il ouvrit son écoutille, releva sa mitrailleuse et envoya une grêle de balles dans l’une de ces horreurs, perçant la membrane visqueuse de l’aile en dix endroits. Immédiatement, la créature s’abattit silencieusement, et les grands sacs explosèrent comme des pustules, douchant un char d’une pluie acide. Au sol, la créature fut broyée sous les chenilles des engins en marche. Le tank qui s’était trouvé sous le monstre émit une colonne de fumée asphyxiante et parut se dissoudre.

« Essayez les lance-flammes ! » ordonna Feric à son équipage de tourelle tout en continuant de tirer, abattant un autre de ces monstres au prix d’un nouveau char. Le ciel, au-dessus des tanks helders, s’emplit alors de balles brûlantes de mitrailleuses, six autres créatures firent exploser leurs sacs avant de s’abattre, détruisant encore quatre chars.

Une seconde plus tard, une grande langue de feu orange jaillit d’une tuyère au sommet de la tourelle du char de Feric, enveloppant de pétrole enflammé une des choses volantes, qui se recroquevilla en un tas de cendres noircies avant même de toucher le sol, ses sacs d’acide explosant en plein ciel sans dommage pour la colonne blindée.

Voyant cela, les commandants des autres chars ouvrirent le feu avec leurs lance-flammes, descendant sept autres créatures ; soudain les monstres survivants virèrent de bord à l’unisson comme un vol d’oies, grimpèrent vers le soleil et repartirent à tire-d’aile vers l’est, d’où ils étaient venus.

« Commandeur ! » hurla Best, désignant haut dans le ciel un point au-dessus de la formation de monstres qui disparaissait dans le lointain. Survolant la formation de cent cinquante mètres, une créature similaire mais isolée fuyait ; au lieu de sacs d’acide, elle portait, accroché sous elle, une sorte de panier de métal dans lequel on pouvait nettement distinguer une silhouette humanoïde.

« Un Dom ! s’écria Feric. Évidemment ! Il fallait un Dom pour contrôler ces bêtes ! » Il cria dans son micro : « Ouvrez le feu ! Il y a un Dom dans ce panier, là-haut et il tente de fuir ! »

Aussitôt l’air s’emplit du sifflement des obus, du jaillissement des langues de feu et d’une incroyable grêle de balles de mitrailleuses, mais en pure perte. La chose volante était hors d’atteinte, sauf des canons, mais leurs obus n’étaient pas munis de têtes chercheuses et les chances d’un coup au but étaient donc pratiquement nulles.

Ce gigantesque barrage étant sans effet, Feric ordonna le cessez-le-feu.

« Eh bien, nous avons détruit pas mal de ces choses. Commandeur, fit Best d’un ton légèrement découragé, alors que les monstres volants n’étaient plus que de minuscules points à l’horizon.

— Mais pas la plus importante, Best. C’était certainement davantage un raid d’éclaireurs qu’une attaque en règle. À présent, le Dom qui le conduisait va faire un rapport détaillé sur l’avance de notre armée.

— Ce qui ne sera pas fait pour leur remonter le moral », répliqua vivement Best.

L’inquiétude de Feric en fut dissipée. Best était un excellent compagnon de bataille ; il voyait toujours le bon côté des choses !

Les troupes de Feric, désormais sur le qui-vive, poursuivirent leur avance vers l’est et la frontière de Zind. Dès à présent, les troupes zind massées à la frontière devaient être en état d’alerte, prêtes à l’action comme jamais elles ne l’avaient été, et dans quelques heures la grande horde zind du Nord serait à son tour au courant de la situation exacte et amorcerait son mouvement vers le sud. Une grande bataille en perspective ; il était essentiel qu’elle eût lieu le plus au nord possible, loin à l’intérieur du territoire de Zind.

Aussi Feric fit-il bifurquer légèrement son armée vers le nord ; les défenseurs frontaliers une fois écrasés, il serait possible de pénétrer à plusieurs centaines de kilomètres à l’intérieur de Zind vers Bora, avant que le gros de la horde zind du Nord n’exécute un mouvement tournant pour arrêter l’avance. Il fallait éliminer au plus vite les forces zind à la frontière de Malax ; chaque heure perdue éloignerait d’autant la bataille de Bora. Pour ne rien laisser au hasard, Feric envoya une escadre de cinquante appareils, à l’intérieur de Zind, paver la voie des corps déchiquetés et des équipements brisés des défenseurs.

Une demi-heure plus tard, dix formations en V de bombardiers noirs et luisants passaient en rugissant au-dessus de l’armée de Heldon, saluaient élégamment en battant des ailes, et fonçaient vers l’est au-dessus des collines couvertes d’une fétide jungle irradiée. Ils n’avaient pas encore disparu derrière les collines qu’un grand sifflement se fit entendre et qu’une paire d’obus explosèrent dans un geyser de mottes de terre et de fumée, à moins de trois cents mètres devant le char de Feric.

« L’artillerie zind ! » s’écria Best.

Levant les yeux vers l’est, Feric aperçut un petit point noir très haut dans le ciel. Il sauta sur la radio pour appeler le commandant des avions. « Un avion de réglage de tir au-dessus de nous ! Faites revenir un appareil pour le descendre. Envoyez-en un autre en avant au-dessus de la horde zind pour transmettre l’angle de hausse et la distance à nos canonniers.

— Tout de suite, Commandeur ! Vive Jaggar ! »

Une autre salve d’obus explosa devant le char, nettement plus près. Bas sur l’horizon, Feric vit un autre point noir brillant surgissant de l’est. Une nouvelle salve tomba, plus proche encore, criblant le blindage de graviers. La petite traînée noire se métamorphosa rapidement en un rapide et étincelant chasseur-bombardier helder ; l’avion se dressa subitement vers le soleil, grimpa, puis plongea pleins gaz et presque en piqué sur l’appareil de Zind. Feric aperçut les flammes orangées des mitrailleuses de l’avion ; puis l’appareil de Zind se brisa et tomba comme une pierre. Le chasseur passa en rase-mottes au-dessus de l’armée helder, exécuta un looping triomphal, puis effectua un virage de cent quatre-vingts degrés et retourna vers les combats de l’est.

Une salve d’obus défonça le sol sans dommage à près de trois cents mètres du char de Feric. « Les canonniers zind sont maintenant aveugles, Best, dit Feric. Augmentez la vitesse de dix kilomètres et virez de cinq degrés vers le sud ; ces porcs tireront sur des fantômes. »