Il n’était plus temps de s’inquiéter des réserves d’essence ou de munitions ; l’immense armée helder avançait derrière un raz de marée de feu et une muraille d’obus et de balles de mitrailleuses. Galvanisés par l’incroyable spectacle qu’ils dominaient, les pilotes des bombardiers redoublèrent d’audace et de férocité, piquant à cent pieds des têtes des Guerriers, faisant cracher leurs mitrailleuses et lâchant bombes explosives et incendiaires, avant de remonter en chandelle au-dessus de la couronne des explosions, droit dans le soleil, replongeant à nouveau pour mitrailler l’ennemi jusqu’à épuisement de leurs munitions. La borde zind avançait dans un enfer de balles, d’explosions et de flammes ; chaque pouce de terrain était gagné au prix de corps déchiquetés de milliers de Guerriers.
La moto de Feric était arrivée à cent mètres de la mer déferlante des Guerriers géants, quand les chars helders cessèrent le feu et les lance-flammes se calmèrent, ayant brûlé les dernières gouttes du précieux pétrole de leurs réservoirs. Cependant, l’incroyable puissance de feu de près de deux cent mille mitrailleuses helders était encore suffisante pour tailler en pièces chaque rangée de Guerriers qui montaient en ligne. Les balles des mitrailleuses zind sifflaient tout autour de Feric, qui faisait franchir à son armée les derniers mètres ; mais aucune peur ne l’habitait, seulement l’absolue conviction de sa propre invulnérabilité. Il était Heldon, il était l’instrument du destin, il était le Svastika et rien ne pouvait lui arriver.
Puis il plongea dans un monde de fous hurlants et puants, à la bouche souillée d’une bave carminée, qui agitaient leurs immenses massues d’acier, mus par la seule volonté de détruire un homme de plus avant de mourir.
Avançant lentement, Feric fauchait régulièrement de la Grande Massue de Held l’espace devant lui – droite, gauche, droite – sans rater un seul coup, sans laisser à un seul Guerrier aux yeux rouges la moindre chance de passer sous sa garde. Chacune des trajectoires coupait en deux plus d’une vingtaine de Guerriers à hauteur de poitrine, dans une éruption de sang et d’intestins verdâtres et gluants. En quelques secondes l’arme mystique fut à ce point trempée de sang que celui-ci coula le long du bras de Feric, baptisant le cuir immaculé de son uniforme neuf du liquide vital de l’ennemi.
Jetant un rapide coup d’œil, Feric aperçut Best sur ses talons, qui martelait les Guerriers avec un total abandon extatique, ses yeux brûlant d’un fanatisme sans peur et sans pitié. De part et d’autre de Best, de grands motards blonds S.S. avançaient sur une ligne ininterrompue, se précipitant sur l’ennemi avec un courage surhumain et avec toute l’impétuosité helder. De grandes grappes de géants grognant et bavant écrasaient leurs massues sur les chars helders dans un accès de fureur vaine, se déchirant les mains en lambeaux sanglants sur les blindages d’acier, tandis que les mitrailleurs, à l’intérieur des forteresses mobiles, criblaient leurs corps de millions de balles et que les sourdes chenilles d’acier roulaient inexorablement sur leurs cadavres immondes.
Pour Feric, ce combat à mort se parait d’une beauté mystique. Heldon et Zind eux-mêmes étaient engagés dans une bataille décisive, non des Guerriers et des êtres humains particuliers ; le pur génotype humain affrontait la perversion génétique des Dominateurs pour un enjeu de taille, la domination de la Terre et de l’univers pour la suite des temps. Chaque soldat helder combattait, l’esprit enflammé par la véritable signification de ce combat, son âme embrasée de l’ardeur guerrière raciale qu’y avait allumée Feric, son corps et sa volonté se confondant avec l’identité raciale qu’était Heldon. Cet immense réservoir de courage racial, d’énergie et de conscience était canalisé directement dans l’âme de Feric, de telle sorte que Feric Jaggar était Heldon, Heldon Feric Jaggar ; et tous deux montaient un jaggarnath fatidique qui ne pouvait connaître d’échec.
Le sang ennemi qui couvrait Feric et son coursier de métal dégouttait de l’uniforme de ses hommes, les unissant dans la communion sacrée du combat légitime. Chaque pouce de terrain conquis était un pas de plus vers le rêve d’une Terre peuplée uniquement de surhommes, grands, blonds, génétiquement purs, et entièrement libérés de la possibilité même d’une contamination raciale. Chaque monstre tombant sous les massues helders représentait une cellule cancéreuse de moins dans le corps génétique mondial.
Qu’était la vie d’un homme comparée à la grandeur de cette cause sacrée ? Mourir dans cette bataille équivalait à atteindre le pinacle de l’héroïsme dans toute l’histoire du monde ; lui survivre triomphalement serait jouir de la gratitude des millions de générations à venir. Aucun moment de l’histoire humaine n’avait pu et ne pourrait plus offrir à un homme une gloire égale. Ceux qui combattaient aujourd’hui deviendraient les parangons raciaux du monde à venir : la contemplation de sa propre place dans le panthéon du futur comblait Feric d’un émerveillement au-delà de toute humilité et de toute crainte.
Ainsi, poussée à des actions glorieuses d’héroïsme surhumain et de fanatisme infatigable, l’entité raciale qu’était Heldon fouaillait, tel un dieu possédé par les démons, les parties vitales de son antithèse, obscène cancer génétique de la fourmilière sans âme et sans vie de Zind. Quant aux Guerriers de Zind, ils combattaient avec une férocité inscrite dans leurs gènes par une ignoble race mutante qui faisait profession de mépriser toute chair excepté la sienne.
Ce combat était donc bien le plus féroce de tous les temps, la confrontation de tout ce qui était noble et exaltant dans l’homme avec la plus basse perversion imaginable de gènes autrefois humains. Le bien menait une guerre totale contre le mal sous la bannière du Svastika, et le mal répliquait sur le même ton, sans plus de compromission que l’adversaire.
À l’instant même où les Helders bondissaient en avant, Feric se vit attaqué par vingt, quarante, peut-être cinquante Guerriers à la fois. Sans aucun doute les Dominateurs contrôlant la horde comprenaient qu’abattre Feric revenait à abattre l’énergie raciale de Heldon, car les Guerriers se jetèrent sur lui avec une ardeur brutale, pressés les uns contre les autres, et s’assommant mutuellement dans leur frénésie meurtrière.
Pour sa part, Feric se réjouit de cette concentration de forces contre sa propre personne. Ne servirait-elle pas à enflammer le fanatisme de Heldon et à le porter à de nouvelles hauteurs d’héroïsme et de férocité ? La formidable rapidité et la vigueur avec lesquelles sa noble arme répondit au défi et anéantit l’ennemi fit bouillonner l’ardeur combattante des soldats helders, largement dominés en nombre.
Dans sa main, le Commandeur d’Acier vivait de la force vitale de Feric, le métal s’éveillait à la vie divine par la puissance transcendante de la volonté raciale qu’il servait. Sans effort, Feric faisait voler l’arme sifflante, traçant une queue de comète de chairs éclatées et de geysers de sang.
Mais les Guerriers de Zind surgissaient toujours avec une égale furie, crachant le sang, roulant leurs petits yeux porcins, agitant des massues épaisses comme des cuisses d’hommes et aussi hautes que Feric lui-même. Comme vingt créatures arrivaient sur sa gauche, il les cueillit d’un revers de la Grande Massue à hauteur de leurs larges poitrines, faisant éclater les poumons et arrachant de leurs corps les cœurs palpitants. Comme dix autres jaillissaient au même instant par-derrière, Feric acheva l’arc puissant décrit par la Massue, fit pivoter sa moto autour de son pied droit, puis, inversant instantanément son coup, frappa les géants aux yeux fous à hauteur de l’aine, détachant leurs jambes des troncs : ils tombèrent comme des pierres, agonisant avec de grands spasmes sur le sol inondé de sang, avant d’être écrasés par les roues de dizaines de motards.