Toutes les forces de l’armée de l’air helder surgirent de l’ouest pour se joindre aux jets de Waffing. Les bombardiers avaient été équipés de projectiles au napalm pour assurer la destruction totale des restes de la horde de Zind, et la précision de leur tir était absolue. Quelques minutes de bombardement intense, et les Guerriers zind survivants ne furent plus qu’un bûcher de protoplasme, se tordant et déféquant dans les spasmes de l’agonie.
Observant les grandes colonnes de fumée noire et grasse qui montaient dans le ciel, Feric sut alors que la victoire totale du pur génotype humain était assurée. Il ne restait plus qu’à traverser le cœur désormais sans défense de Zind, à marcher sur Bora et à rayer de la surface de la Terre ce dernier nid de Dominateurs.
Au-dessus du champ de bataille, des centaines de jets dessinaient un svastika improvisé, inscrivant dans le ciel le symbole la victoire de Heldon.
XIII
La marche sur Bora fut véritablement une parade triomphale. Les blessés avaient été rapatriés à Heldon tandis que l’infanterie déferlait sur Zind à travers Wolack pour exterminer les traînards et occuper la vaste province conquise ; les S.S. installaient déjà des camps de sélection pour les esclaves mutants des Doms, moins de deux jours après l’anéantissement de la horde zind. Toute résistance ayant été écrasée, Feric déploya à nouveau ses troupes sur un front large de plusieurs centaines de kilomètres, balayant à l’est les déserts putrides, pulvérisant installations, fermes, fosses d’élevage, champs de céréales dégénérées et mutants. Ainsi Heldon progressait-il à travers Zind, absorbant le territoire et le convertissant à tout jamais en une terre humaine à la suite de son Commandeur Suprême, Feric Jaggar. Les troupes héroïques marchaient glorieusement sur la dernière citadelle des Dominateurs qui existât encore à la surface de la Terre, la capitale ennemie, Bora.
En prévision de l’assaut final, Feric avait fait venir sur le front sa voiture de commandement noire et luisante ; il voulait pénétrer dans Bora à la tête de ses troupes en compagnie de ses fidèles commandants en chef – Best, Remler, Waffing et Bogel, qui avaient amplement mérité cet honneur.
Les quatre hommes avaient pris place sur le siège avant de l’habitacle découvert, et, comme le bedonnant Waffing occupait à lui seul l’espace réservé à deux hommes, ils étaient serrés comme harengs en caque. Cela n’enlevait rien à l’ambiance joviale régnant dans la voiture, qui roulait vers l’est au centre d’un vaste ensemble de chars et de motos. De plus, Waffing n’avait pas manqué de se munir d’un tonneau de bière mousseuse auquel tous faisaient souvent honneur. Feric présidait sur le siège arrière surélevé, le tonneau à portée de la main.
« Nous devrions bientôt apercevoir Bora, dit Waffing. Ou du moins ce qu’il en reste. J’ai bien peur que l’armée de l’air ne nous laisse pas grand-chose à détruire. »
Deux nouvelles vagues de bombardiers filèrent vers l’est, survolant des déserts inhabités, en route vers Bora.
« Mon seul désir à présent est d’exterminer le dernier Dominateur sur Terre avec la Grande Massue de Held, dit Feric. C’est la seule chose qui me convienne. J’espère que nos pilotes laisseront au moins un Dominateur en vie, afin que cette ultime guerre s’achève sur une note solennelle. Quant au reste de Bora, ils peuvent bien le transformer en une ruine fumante avant notre arrivée, peu me chaut ! »
Waffing rit. « Vous mettez en doute la totale efficacité de nos pilotes ? lâcha-t-il. Je ne pense pas qu’il y ait de grandes chances de trouver quoi que ce soit de vivant après nos bombardements.
— Mais il restera bien un Dominateur ? s’enquit Feric. Nos bombardiers seraient-ils vraiment aussi efficaces ? »
Waffing écarta les bras comme pour étreindre tout le territoire conquis de Zind. À perte de vue, il n’y avait plus que terres désolées, grises et putrides, sans une seule trace de protoplasme vivant ou d’une création humaine intacte due aux esclaves de Zind.
« Les preuves sont là, Commandeur », répondit-il.
Feric sourit. « C’est très étrange, dit-il. Dire que je souhaite que l’armée de l’air helder manque à son efficacité coutumière ! »
Une heure plus tard, le commentaire de Waffing sur l’efficacité des pilotes de bombardiers s’avéra largement justifié. À l’est, au-delà d’une plaine grise et désolée, dévorée de plaques exubérantes de jungle irradiée, Feric aperçut une énorme tache de feu semblable à la bouche d’un volcan gigantesque. Tandis que la voiture de commandement et ses troupes d’appui fonçaient vers cette immense conflagration, écrasant la végétation irradiée sous les chenilles d’acier des tanks et arrosant ensuite les décombres au lance-flammes, Feric aperçut des essaims d’avions qui tournaient et piquaient sur la cité en flammes, lâchant encore projectiles au napalm et obus explosifs sur le bûcher funéraire des Dominateurs de Zind. Même à cette distance, la chaleur dégagée par le feu était parfaitement perceptible.
« Peu de chances que quelque chose survive à cela, Commandeur, dit Waffing, engloutissant une pleine chope de bière en trois gorgées. Je crains d’avoir à vous présenter des excuses pour les prouesses de nos pilotes ! »
Feric ne trouva au fond de lui-même aucun motif d’être furieux. Comment ne pas se réjouir à la vue de la dernière citadelle de l’ultime ennemi de la pure humanité anéantie en flammes tournoyantes ! À côté de la joie raciale que faisait naître cette vision, son désappointement de ne pouvoir abattre le dernier Dominateur de sa propre main était somme toute peu de chose.
Au bout de la plaine jaillit une soudaine poussée de flammes. Les immenses incendies consumant Bora semblèrent se fondre en une énorme boule de feu, que les avions helders eurent grand-mal à éviter. Ce soleil né de la terre pesa un long moment sur la cité perdue ; puis il s’éleva comme pour réintégrer sa véritable place dans les cieux. À sa suite, une énorme colonne de feu d’au moins deux kilomètres de large, aussi haute que les nuages, jaillit droit dans les airs. Fait étrange, cette tour de feu persistait encore alors que l’armée Helder atteignait la ville.
« Nos avions ont déclenché une tornade de feu ! s’écria Waffing. Les savants de l’armée avaient admis la possibilité de voir un bombardement suffisamment violent engendrer une colonne de feu brûlant jusqu’à épuisement de tous les combustibles de la zone. Cela semblait extravagant jusqu’à maintenant.
— On dirait le légendaire Feu des Anciens », souffla Bogel.
Waffing acquiesça. « À défaut, c’est ce qu’on peu réaliser de mieux.
— Pour moi, dit Remler, ses yeux bleus embués, cette vision est d’une terrifiante beauté. » Il humecta ses lèvres de bière sans quitter des yeux la grande fontaine de feu qui projetait son éclat rouge-orangé vers le ciel.
Feric comprenait parfaitement ce que ressentait le commandant S.S. Pour sa part, la vue de la tornade de feu de Bora suscitait en lui deux réactions bien distinctes, mais également plaisantes : l’une patriotique, l’autre esthétique. La destruction totale dans les flammes du dernier noyau de résistance à la domination helder sur Terre ne pouvait que faire chanter un vrai cœur humain. Dans le même temps, l’abstraction de ce magnifique geyser de feu baignant l’univers d’un orange intense s’imposait à sa sensibilité esthétique. Aussi Feric percevait-il la tornade de feu de Bora comme une véritable œuvre d’art : noble et exaltante pour l’esprit humain par sa signification profonde, sensuellement stimulante par son aspect extérieur. Il manquait une touche finale pour créer une épopée visuelle qui inspirât le peuple de Heldon et immortalisât ce sommet de l’histoire humaine pour tous les siècles à venir.