Выбрать главу

« Bogel, avez-vous des avions photographiques au-dessus de Bora ?

— Bien sûr, Commandeur ! Quel commandant en chef de la Volonté Nationale serait assez fou pour manquer l’occasion de filmer l’instant décisif de l’Histoire humaine ? Nous effectuons en ce moment une retransmission sur chaque place publique de Heldon et nous conservons ce spectacle pour la postérité.

— Très bien, Bogel ; je vais offrir à vos caméras quelque chose qui siéra à la dignité et à l’importance de cet instant. »

Feric choisit d’observer le spectacle depuis un avion photographique en compagnie de Bogel : c’était la meilleure position pour admirer l’œuvre d’art qu’il avait façonnée ; en outre, cette vue aérienne graverait son image dans le folklore de l’humanité pure pour tous les temps.

L’avion photo monta en une folle spirale haut au-dessus du pylône de feu de Bora ; le teint de Bogel vira au vert, et Feric lui-même fut légèrement incommodé. Enfin, l’avion atteignit une altitude de plus de trois mille mètres, se mit en vol horizontal et amorça des cercles autour de la tornade de feu, braquant ses caméras sur le spectacle.

Feric avait rassemblé des motards S.S. et des chars noirs polis à neuf, pour former un énorme svastika d’hommes et de machines centré sur la fontaine de feu, ultime bûcher funéraire de l’ignominie qu’avait été Zind. De cette hauteur, la vision coupait le souffle : un gigantesque svastika de lumière cernait un massif pilier de feu qui s’élançait vers le ciel, enveloppant de lueurs chaudes et orangées le métal poli des machines de guerre.

« C’est magnifique, Feric », souffla Bogel.

Feric brancha son micro pour donner ses dernières instructions à Waffing, qui commandait au sol. « Ce n’est pas tout, Bogel », fit-il. Puis il lança un ordre :

« En avant ! »

Au-dessous, le svastika noir commença un lent mouvement giratoire autour de son axe. Une importante armée helder, disposée pour dessiner l’emblème racial sacré, exécutait une marche victorieuse autour de la capitale en flammes du dernier ennemi de l’humanité pure.

« Feu ! »

De l’immense svastika jaillit un univers de fumée, d’éclairs et de flammes, tandis que chaque tank ouvrait le feu et que chaque motard S.S. tirait un flot de balles traçantes vers l’intérieur, pour alimenter la tornade qui faisait rage au cœur du superbe spectacle.

Cette fois, l’incroyable défilé de victoire était à son sommet, et la gloire transcendante de l’instant correctement célébrée. Loin au-dessous, un svastika de fumée et de feu tournait autour du bûcher funéraire qui dévorait la mutation dominatrice et, partant, toute souillure, grande ou petite, du patrimoine humain. Le vaste svastika étincelant, piqué de dix mille étoiles sur fond de métal noir et luisant, évoluait en cercle autour de l’immense pilier de flammes tournoyantes, composant une vision qui faisait frémir l’âme par sa grandeur et sa beauté. Mais le symbolisme flattait l’esprit humain à un niveau plus noble ; le grand svastika de feu et de métal en mouvement représentait – même aux yeux de l’homme le plus fruste – la quintessence visuelle de l’idéalisme et de la puissance helder. Quant à la signification de la fontaine de feu, elle était claire : c’était le bûcher funéraire de Zind. Ainsi le spectacle constituait-il à la fois le symbole parfait de la victoire finale des forces de Heldon sur la putrescence de Zind et le véritable moment historique de cette victoire ; à la fois un sommet de l’histoire humaine et la célébration de cet événement par une grande réalisation d’art.

Les larmes montaient aux yeux de Feric à cette vue. Ses rêves les plus chers se trouvaient exaucés. Il avait mené Heldon à la victoire totale et assuré la postérité du pur génotype humain ; bientôt, le programme de reproduction convertirait la race helder en une race pure de surhommes S.S. Il avait haussé l’humanité à son ancienne pureté génétique, et il aurait un jour l’honneur inégalable de créer, étape suivante de l’évolution de l’homme, une véritable race de maîtres. Personne ne pouvait prétendre accomplir davantage.

Et, pourtant, il avait accompli davantage, et cette ultime réalisation s’étalait à ses pieds. Il avait parachevé la dernière et triomphale Armageddon d’une œuvre d’art transcendante qui vivrait à jamais.

Le jour suivant, la tornade de feu s’étant complètement apaisée, l’armée helder entra dans Bora. De la ville, il ne restait qu’une perspective infinie de cendres fumantes grises et noires, animées çà et là de quelques flammes sporadiques et de monticules de braises ardentes. La ville avait abrité dix mille Dominateurs ainsi que des millions d’esclaves monstrueux, et on ne pouvait même pas reconnaître leurs ossements dans cette montagne de cendres.

Feric entra dans la ville avec Bogel, Best, Waffing et Remler, dans sa voiture de commandement lustrée à neuf, escorté d’une vingtaine des plus beaux spécimens S.S., sanglés dans leur uniforme sombre et montés sur leurs splendides motos noires et chromées. Suivait une longue ligne de tanks, de motards et d’infanterie, qui s’éparpillèrent sur le cadavre de la ville pour passer les cendres au crible, à la recherche du moindre signe de vie.

« Nul doute que les Dominateurs aient enfin été éliminés de l’Histoire », fit Remler, alors que les roues de la voiture soulevaient des nuages plumeux de cendre grise. Feric hocha la tête ; jusqu’à l’horizon, de tous côtés, on n’apercevait que cendres chaudes et braises incandescentes. Il était peu probable qu’un Dom ait pu survivre à cet holocauste ; des constructions elles-mêmes, il ne restait que des décombres méconnaissables.

Soudain, Best s’agita frénétiquement et désigna quelque chose dans les ruines, à gauche de la voiture. « Commandeur ! là-bas ! »

Feric suivit du regard le doigt tendu de Best et aperçut quelque chose de dur et de métallique qui émergeait des cendres à quelque cents mètres de la voiture. Il ordonna au chauffeur de s’approcher de l’objet, quel qu’il fût.

Tandis que la voiture de commandement et sa suite progressaient péniblement dans les cendres, Feric put distinguer que l’objet en question était un vaste cube d’acier, de deux mètres cinquante de côté, que la chaleur avait bleui et qui était à moitié recouvert de cendres. Le chauffeur arrêta la voiture juste devant ; la garde d’élite S.S. demeura en selle sur les machines vrombissantes, attendant les ordres.

« Allons jeter un coup d’œil à cette chose », suggéra Feric. Suivant leur Commandeur Suprême, les quatre généralissimes quittèrent la voiture et avancèrent péniblement dans les cendres vers le cube de métal égratigné.

Feric atteignit la paroi la plus proche : une dalle nue d’acier terni qui donnait l’impression d’avoir plusieurs dizaines de centimètres d’épaisseur. Faisant le tour du cube, il tomba sur une lourde écoutille ronde de près de deux mètres de diamètre munie en son centre d’un volant.

Tandis qu’il essayait sans succès de tourner le volant afin d’ouvrir l’écoutille, Remler, Best, Bogel et Waffing parvinrent à ses côtés.

« C’est probablement l’entrée d’une chambre souterraine, observa Bogel.

— Occupons-nous de cette écoutille », ordonna Feric. Les cinq hommes s’employèrent de toutes leurs forces à tourner le volant, sans plus de succès que Feric lui-même.

« Elle doit être verrouillée de l’intérieur, dit Remler.

— Faisons venir un char pour la faire sauter, suggéra Waffing.

— Ce ne sera pas nécessaire », répliqua Feric en dégainant le Commandeur d’Acier, l’arme qu’il était seul à porter sans effort, bien qu’elle fît en réalité le poids d’une petite montagne.