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» Le petit château était assiégé par un géant très grossier et très déplaisant. Désireux de se montrer courtois, Sam profita de son passage pour tuer le géant : il coupa net sa grosse tête hirsute, d’un seul coup de sabre. La princesse – Dieu ! qu’elle était jolie ! – sortit de son château pour le remercier.

« C’était vraiment très gentil à vous, » dit-elle. « Mais hélas ! ce géant… – elle poussa la tête du bout de son exquise pantoufle – « a sept frères, et ils se relaient pour assiéger mon château. Cela va certainement les mettre en colère. Je possédais un charme qui me protégeait contre ces créatures, mais, hélas ! je ne l’ai plus. La semaine dernière, un jeune homme en casquette rouge arriva en sifflotant le long de la route ; il était à la recherche d’un ogre. Il était si adorable et si exquis que je lui ai donné le charme pour se protéger, et, depuis son départ, ces affreux géants n’ont cessé d’assiéger mon château. »

— « Pourquoi ne déménagez-vous pas ? » dit Sam. « Il n’y a pas de géants là où je vis, bien que nous ayons un dragon ou deux, et il y a quelques très jolis châteaux à vendre. »

» La princesse répondit que cela semblait une excellente idée, et qu’elle allait sans doute suivre son conseil.

« À propos, » dit Sam, « sauriez-vous par hasard où je pourrais trouver cet ogre ? »

— « Mais certainement, » répondit-elle. « Ce n’est pas loin du tout. Vous n’avez qu’à aller tout droit pendant trois jours et trois nuits, et vous y serez. »

» Sam la remercia, tua un deuxième géant qui était venu voir ce qui était arrivé à son frère, et se mit en route. Il alla tout droit, et, au bout de trois jours et de trois nuits, il arriva devant la caverne de l’ogre. Il frappa poliment, et l’ogre sortit. La caverne était un peu étroite pour lui. Il était couvert de poils et avait trois yeux rouges et deux longs crocs jaunes. Son apparence mise à part, il semblait fort amical.

« Sam tira son épée et dit : « Excusez-moi, mais je voudrais votre trésor. »

— « Fort bien, » lui rétorqua l’ogre. « Si vous pouvez me poser une énigme que je ne saurais pas résoudre, je vous donnerai tout ce que je possède. Mais si je trouve la réponse, je veux votre argent, et tout ce que vous possédez. »

» Sam se déclara d’accord. Ce n’est un secret pour personne que les ogres ne sont en général guère intelligents, et Sam connaissait quelques énigmes pas vraiment faciles.

» Il réfléchit, il choisit, et finit par dire : « Qu’est-ce qui n’est pas, et ne sera jamais ? »

» L’ogre tourna et retourna la question dans son esprit. Puis il s’assit pour mieux réfléchir. Ils restèrent ainsi face à face trois jours et trois nuits, mais personne ne trouva cela curieux, car personne n’habitait aux environs. L’ogre essaya une douzaine de réponses, mais, chaque fois, Sam lui disait : « Désolé, mais ce n’est pas cela. »

» De guerre lasse, l’ogre finit par dire : « Je ne sais plus quoi répondre. Vous avez gagné. Mais ne me dites pas la réponse, écrivez-moi-la sur un bout de papier. Comme ça, je pourrai y réfléchir après votre départ. »

» Sam écrivit donc la réponse sur un bout de papier, le plia et le lui donna, puis dit : « Et maintenant, si cela ne vous ennuie pas de me donner votre trésor ? »

— « Vous l’avez bien mérité. Un instant, s’il vous plaît. » Il entra dans la caverne et en ressortit au bout d’un instant en tenant une pièce de un sou. « Je suis désolé, mais c’est tout ce qui reste. Il y en avait bien davantage, mais j’ai tout donné à un jeune homme très gentil qui est venu me voir la semaine dernière. Il a fallu tout recommencer de zéro, et, maintenant que vous avez gagné, il faudra que je recommence une fois de plus. »

» Connaissant bien son frère, Sam lui demanda avec incrédulité : « Ce jeune homme ne vous a tout de même pas posé d’énigme que vous ne pouviez pas résoudre ? »

» L’ogre se redressa et répondit sur un ton offensé : « Certainement pas ! Mais il était si gentil et si charmant que je n’ai pu le laisser repartir les mains vides. »

» Sam se retrouvait face à un problème pas facile à résoudre. Il avait battu l’ogre et gagné son trésor, mais qui le croirait en le voyant revenir avec une unique pièce de un sou ? Il réfléchit une minute, et dit à l’ogre : « Et comment trouvez-vous votre caverne, mon ami ? »

— « Terriblement étroite, » répondit l’ogre. « Mais, de nos jours, ce n’est pas facile de trouver une bonne caverne. »

— « Et vous ne devez guère avoir de compagnie, ici ? »

— « Oh non ! Je fais passer le temps en réfléchissant à mes énigmes. »

— « Dites donc, cela vous plairait-il de m’accompagner dans mon pays ? Lorsque je serai roi, je vous donnerai une grande et belle caverne, avec des voisins agréables, et je vous enverrai aussi de temps en temps des énigmes à résoudre. Que vous en semble ? »

» Comment l’ogre aurait-il pu refuser une offre pareille ? Il ne se fit donc pas prier, et ils repartirent ensemble. En approchant du royaume, Sam se rendit compte que l’on se préparait à célébrer d’importantes réjouissances.

» Il dit à son ami l’ogre : « Cela vous plairait-il d’assister à une fête ? »

— « Oh oui ! » s’exclama l’ogre. « Je ne suis jamais allé à une fête, mais je suis sûr que cela me plaira. »

— « Parfait, alors. Je vais entrer le premier, puis je reviendrai vous chercher au bout d’une minute. »

Sam entra, et vit que l’on s’apprêtait à célébrer deux heureux événements : son cher frère Ned allait être couronné et allait épouser la délicieuse princesse que Sam avait fait venir. Sam trouva cela très peu gentil.

« Arrêtez les noces ! » dit-il. Ils arrêtèrent les noces et se retournèrent pour le regarder. « Je sors vainqueur de la quête, » continua-t-il, « et je demande le trône qui me revient. »

» Tout le monde se gaussa de lui. « Charmant Ned a rapporté le trésor de l’ogre, » lui dirent-ils. « Et toi, qu’apportes-tu ? »

» Sam leur montra son gros sou de cuivre. Ils rirent de plus belle. « Et j’ai encore apporté autre chose, » dit-il. Ce disant, il ouvrit tout grand la porte et l’ogre entra, tout heureux de la fête qu’on lui avait promise.

» Sam lui expliqua que la fête commencerait dès qu’il serait proclamé roi. Comme il n’y avait qu’une seule porte et que l’ogre se tenait juste devant, Sam fut proclamé roi en un rien de temps.

» Ma foi, après cela… Sam installa l’ogre dans une belle caverne bien à lui ; lorsque les voisins se furent aperçus qu’il n’était pas si méchant que ça, ils s’entendirent fort bien. L’ogre devint même une des meilleures attractions touristiques du royaume, ce qui n’était pas mauvais du tout pour les finances de l’État. De plus, Sam ouvrit une école de charme, dirigée par son frère, qui était également une source de revenus non négligeable. Par ailleurs, Sam épousa la jolie princesse, et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. S’ils n’ont pas déménagé, et je ne vois pas pourquoi ils l’auraient fait, ils y vivent certainement encore.

» Ah oui ! j’oubliais ! Il fallut à l’ogre dix ans, pas un de moins, pour admettre qu’il ne pouvait pas résoudre l’énigme de Sam. Chaque semaine, il envoyait à Sam une liste des réponses qu’il avait trouvées, et, chaque fois, Sam les lui renvoyait. Finalement, il admit qu’il ne trouverait jamais la réponse à la question : « Qu’est-ce qui n’est pas, et ne sera jamais ? », et ouvrit le papier que Sam lui avait donné. Il y avait marqué : « Un nid de souris dans l’oreille d’un chat. » (Et cela, mon petit ami, est la seule réponse vraie et véritable qu’il y aura jamais.)