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« Il faut que quelqu’un fasse le guet, » dit-il. « De toute façon, tu seras là quand nous sortirons. La seule chose que tu rateras, c’est lorsque nous nous procurerons les combinaisons. Et je ne vois qu’un moyen : les emprunter. »

Pour aller vers Récupération, qui était notre but, nous traversâmes Technique, pour éviter un long détour. Nous devions faire un bruit du tonnerre, car, alors que nous traversions le hall des bureaux de direction, une femme assez âgée surgit soudain d’une porte.

« Un moment, vous ! » s’écria-t-elle.

Nous nous retournâmes vers elle. Petite, trapue, les cheveux blancs, elle avait visiblement dépassé la centaine. Peut-être était-elle aussi vieille que M. Mbele. Elle avait de plus un air particulièrement acariâtre.

« Qu’est-ce qui vous prend de faire tout ce bruit ici ? Vous ne savez donc pas que le travail que nous faisons est important ? »

Mal à l’aise, Jimmy expliqua que nous avions simplement pris ce raccourci pour aller à Récupération et que nous ne pensions déranger personne.

« Ce n’est pas un passage public, ici ! » poursuivit-elle. « Si vous n’avez rien à faire à la Technique, vous ne devriez pas être ici ! Ah ! ces enfants qui ne comprennent jamais rien ! Et qu’allez-vous faire à la Récupération ? »

Sa question s’adressait à Jimmy.

— « C’est pour un travail scolaire que nous avons à faire, » répondit-il.

— « Exactement, » renchéris-je.

Son regard se dirigea sur Venie et Riggy.

« Et vous ? »

Au lieu de donner la réponse qui s’imposait, Riggy dit : « Nous étions venus les accompagner. »

— « Fort bien, » dit la vieille dame sèchement. « Vous deux, là, vous pouvez passer, mais n’y revenez pas ! Quant aux autres, retournez sagement chez vous. »

Venie et Riggy nous jetèrent un regard d’impuissance, puis revinrent lentement sur leurs pas. En fait, la vieille dame n’avait pas vraiment le droit de leur interdire de passer, mais allez donc discuter avec quelqu’un d’aussi autoritaire ! Jimmy et moi nous hâtâmes de partir avant qu’elle ne change d’avis. Elle resta plantée là pour s’assurer que nous lui obéissions. Il y a des gens qui aiment à se rendre désagréables ; cela leur donne un sentiment de supériorité.

Récupération avait une odeur particulière. En fait, Récupération et Réparations sont de petites enclaves prises dans Technique. Dans Technique, il y a un tas de bureaux, d’énormes machines et des projets en voie de réalisation. Récupération et Réparations n’ont ni les mêmes ressources ni la même organisation. Récupération consiste principalement en une grande salle désordonnée, bourrée d’établis, de remises, de placards et d’un tas d’autres choses ; le tout régnant dans un agréable désordre. On avait l’impression que l’on pourrait y fouiller pendant des semaines et des mois en faisant toujours de nouvelles découvertes passionnantes. Mais le plus particulier et le plus intéressant était l’odeur inidentifiable et mystérieuse qui y régnait. Cela seul m’aurait donné l’envie d’y passer tous mes moments libres.

Nous entrâmes sur la pointe des pieds. Deux techniciens travaillaient et un autre semblait chercher quelque chose.

« Viens, » me souffla Jimmy. « Je sais qu’ils ont des combinaisons, sans doute enfermées quelque part. Il va falloir fouiner partout. »

Nous engageant chacun dans une travée, nous regardâmes tout autour de nous, essayant de prendre un air aussi naturel que possible. J’étais en train d’examiner un tas de jouets cassés lorsque Jimmy, qui était arrivé derrière moi, me prit par le coude, me faisant sursauter.

« Chut ! » me fit-il. « Je les ai trouvées. Il y en a deux rangées, dans des sortes de casiers à claire-voie, même pas fermés. »

— « Comment sais-tu qu’on peut les utiliser sans danger ? » Je retournai une poupée cassée avec mon pied. « Si elles sont comme ça, autant abandonner notre projet ! »

— « Non, non, elles ne sont pas là pour être réparées. Ce sont celles qu’ils mettent pour sortir. Elles sont encore scellées – on leur fait subir une révision après chaque utilisation. Le seul problème est de savoir comment les sortir d’ici. Hum ! Attention ! »

Je me retournai. Un jeune technicien souriant, aux cheveux gris souris, venait vers nous.

« Bonjour, les enfants ! Je peux vous aider ? »

— « Je m’appelle Mia Laflèche, » dis-je. « Et voici Jimmy Dentremont. »

— « Bonjour. Je m’appelle Mitchell. » Il attendit, les sourcils levés.

Je sortis deux bouts de papier pliés de ma poche.

— « Eh bien, il y a quelque chose qu’on voudrait faire, mais je ne sais pas si vous pourrez nous aider. »

— « Voyons voir ça ? »

Je lui montrai les dessins que nous avions faits à Lev, et lui expliquai le rapport qu’ils avaient avec nos noms.

« Évidemment, ce sont des brouillons, » expliquai-je. « Nous voudrions les dessiner mieux, puis en faire des écussons pour épingler à nos vêtements. »

— « Oui…» dit M. Mitchell. « Ça ne me paraît pas impossible. Ce n’est pas exactement dans notre domaine, mais l’idée n’est pas mauvaise. Que penseriez-vous d’émaux sur cuivre ? »

— « Ce serait formidable ! » dit Jimmy. « Pourrions-nous venir les faire un samedi matin ? »

— « Le samedi, il n’y a généralement qu’un seul technicien de garde, mais je pense…»

— « On pourrait venir samedi prochain ? » dis-je. « Pas demain, mais l’autre ? Demain, nous avons un grand match de football, que nous ne pouvons vraiment pas rater. »

— « Oui, ça ira, » dit M. Mitchell. « Je m’arrangerai même pour être de garde ce jour-là, comme ça je pourrai vous aider. »

Après l’avoir remercié, nous repartîmes. En chemin, Jimmy me dit : « Eh bien, on peut dire que tu sais mentir ! Trouver cette histoire de match de foot, par exemple…»

— « Je ne l’ai pas inventée. J’avais oublié de te dire : les gosses organisent vraiment un match demain, et ils aimeraient que tu joues. »

— « Ah bon ! » dit Jimmy. « En fait, tu n’es peut-être pas une aussi bonne menteuse que ça ! »

10

Le match de football se termina par 5 buts à 3. Attilla, Venie et moi étions dans l’équipe perdante.

Pendant la semaine qui suivît, nous fîmes nos préparatifs. Attilla avait si bien fignolé la porte qu’il lui suffisait de la regarder pour qu’elle s’ouvre – à en croire Helen, du moins ; et Attilla, l’air tout réjoui, ne la contredit pas. Nous préparâmes également l’« emprunt » des combinaisons. Jimmy dessina, à l’intention de Venie et de Riggy, un plan indiquant où elles se trouvaient.

— « Samedi, il y aura un seul technicien de garde, et il sera occupé à nous aider, Mia et moi, à confectionner les écussons. Il vous suffira de vous faufiler sans vous faire remarquer. Ensuite, nous vous rejoindrons dès que possible dans la chambre du sas. »

Comme j’avais du temps libre, j’emmenai Venie et Riggy à Récupération pour leur montrer les lieux en vitesse. M. Mitchell était dans le fond, mais nous ne nous fîmes pas voir. Nous entrâmes très vite ; je leur montrai où se trouvaient les combinaisons, et nous ressortîmes tout aussi vite, le tout n’avait pas duré plus de vingt secondes. Sur le trajet du retour, toutefois, la même vieille dame nous arrêta de nouveau et nous fit un sermon. Elle avait placé son bureau de façon à pouvoir voir quiconque passait dans le hall – sans doute dans l’unique but d’exterminer ceux qui n’avaient rien à y faire. Son nom, bien en évidence sur son bureau, était Keithley. Elle faisait plus que m’effrayer. Elle me terrorisait. Dès qu’elle eut le dos tourné, nous décampâmes.