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Don s’approcha d’elle.

— Tu as besoin de moi ici, dit-il, pour que je m’occupe de toi.

Elle regarda sa jambe entourée de son armature.

— J’ai besoin de quelqu’un, c’est vrai. Peut-être que Percy…

— Percy entre en quatrième dans quinze jours, dit-il. Il va avoir beaucoup trop à faire. Et Carl et Emily travaillent dans la journée. Et nous n’avons pas les moyens de nous payer une aide à domicile.

— Nous pourrions le faire, si… commença-t-elle.

Cette fois-ci, c’est lui qui termina mentalement la phrase pour elle : si nous vendions la maison.

Il regarda de nouveau par la fenêtre. Oui, cette maison, qui n’était pourtant pas bien grande, l’était encore trop pour leurs besoins, et c’était déjà vrai quand Emily l’avait quittée il y avait plus de vingt ans de cela. Ils devraient peut-être bien la vendre. Il n’était que trop évident maintenant que Sarah avait de grosses difficultés avec les escaliers. Emménager dans un appartement permettrait de dégager un peu d’argent et de régler ce problème.

Arrivé au fond de la pièce, il fit demi-tour et vit le visage de sa femme s’éclairer.

— Tu sais ce qu’il nous faudrait ? dit-elle. Un Mozo.

— Un Mozo ? répéta-t-il en allongeant les deux voyelles comme elle l’avait fait.

Elle hocha la tête.

— Tu sais ce que c’est ?

— Ce que je sais, c’est que ça rapporte quatorze points.

Sarah fronça les sourcils.

— Ça signifie « domestique », dit-elle, c’est de l’espagnol. Mais c’est aussi la marque d’une gamme de robots destinés à aider les personnes âgées.

Don plissa les yeux.

— Ils fabriquent des trucs comme ça ?

— Tu vois ce que je voulais dire ? Il faut absolument que tu sortes un peu plus. Oui, ils fabriquent des trucs comme ça, si par « ils », tu penses à McGavin Robotics.

Il s’arrêta.

— Même un robot bas de gamme coûte une fortune.

— C’est vrai. Mais Cody pense que j’ai des talents spéciaux pour décrypter la réponse de Sigma Draconis. Je vais lui dire que j’ai besoin d’un Mozo. Ce ne serait pas vraiment un mensonge. Je pourrais travailler beaucoup plus facilement si j’avais un assistant pour mes recherches, quelqu’un qui me fasse du café et tout ça. Et ça voudrait dire que je ne serais plus jamais seule. Tu pourrais sortir sans t’inquiéter pour moi.

Il pensa un instant lui rappeler que la dernière fois qu’ils avaient accepté la charité de McGavin, les choses ne s’étaient pas très bien passées. Mais Sarah avait raison. Il allait devenir dingue s’il devait rester tout le temps à la maison, et puis, un robot domestique leur faciliterait drôlement la vie, non ?

29.

C’était un peu comme si Ikea vendait des bonshommes mécaniques. Le Mozo leur fut livré en pièces détachées dans une grande caisse de un mètre de côté. Don fut déconcerté de voir la tête enveloppée dans un sac en plastique, et il lui fallut cinq bonnes minutes avant de trouver comment connecter les jambes (qui étaient stockées repliées au genou). Mais il finit par en venir à bout. Le robot était de couleur bleu ciel bordé d’argent. Son corps était recouvert d’un matériau souple semblable à celui qu’on utilise pour les combinaisons de plongée sous-marine. Il avait une tête ronde grosse comme un ballon de basket, avec deux yeux en verre. Et il avait une sorte de bouche. Don en avait déjà vu comme celle-là sur d’autres robots : un trait noir horizontal sous les yeux, qui pouvait s’animer pour correspondre aux paroles émises. Le marché pour des robots ayant l’air humain avait beau être limité, les gens aimaient quand même qu’ils aient une expression faciale.

Don ne put s’empêcher de comparer leur nouveau robot à tous les robots de fiction qu’il avait vus dans sa jeunesse. À part la bouche, ceux auxquels il ressemblait le plus étaient les robots du vieux comic de Gold Key, Magnus l’anti-robot. Et il devait reconnaître que c’était vraiment cool d’en avoir un, et pas seulement parce que ça lui permettait de cocher un élément de plus dans sa fameuse liste des vingt choses à faire avant de mourir…

Il regarda le Mozo, encore un de ces miracles des temps modernes qu’ils n’avaient pas les moyens de s’offrir.

— Eh bien, dit-il à Sarah en posant ses poings sur les hanches, qu’en penses-tu ?

— Il a l’air sympathique, dit-elle. Si on le mettait en route ?

Don fut amusé de voir que le bouton d’allumage se trouvait dans un petit renfoncement au milieu du torse du robot. Leur Mozo avait un nombril en creux. Il appuya sur le bouton, et…

— Hello, fit une voix masculine très ordinaire. (Le dessin de la bouche se modifia comme dans un dessin animé pour évoquer la forme de lèvres humaines.) Parlez-vous anglais ? Hola. ¿Habla español? Konichi-wa. Nihongo-o hanashimasu-ka ?

— Anglais, répondit Don.

— Hello, répéta le robot. C’est la première fois que je suis activé depuis ma sortie d’usine, et j’ai donc besoin de vous poser quelques questions, si vous le permettez. D’abord, auprès de qui dois-je prendre mes instructions ?

— D’elle et moi, répondit Don.

Le robot hocha sa tête en forme de ballon.

— Par défaut, je vous appellerai « madame », et vous, « monsieur ». Cependant, si vous avez une préférence, je peux m’adresser à vous comme vous voudrez.

Don sourit.

— Je suis le Grand et Tout-Puissant Oz.

La bouche du robot se tordit d’une façon qui montrait que le robot savait bien que Don plaisantait.

— Je suis enchanté de vous connaître, Grand et Tout-Puissant Oz.

Sarah regarda le robot avec une expression qui signifiait : « Vous voyez ce que je dois supporter toute la journée », tandis que Don prenait un air faussement contrit. Elle dit au Mozo :

— Appelez-le Don. Et moi, vous pouvez m’appeler Sarah.

— C’est un plaisir de faire votre connaissance, Don et Sarah. Ce que vous entendez actuellement est ma voix par défaut. Mais si vous préférez une voix féminine ou un accent différent, je peux la modifier. Cela vous plairait-il ?

Don regarda Sarah.

— Non, dit-elle, ça nous va comme ça.

— Très bien, dit le robot. M’avez-vous déjà choisi un nom ?

Sarah haussa les épaules et se tourna vers Don, qui répondit :

— Gunter.

— Est-ce G-U-N-T-H-E-R ? demanda le robot.

— Pas de « H », répondit Don. (Incapable de résister, il ajouta :) Surtout pas de « H » ici, quelqu’un pourrait se blesser…

— Ah, mon petit garçon… dit Sarah en lui souriant affectueusement.

Elle l’avait souvent appelé comme ça au fil des années, mais là, en ce moment, ça touchait un peu trop au cœur des choses. Elle dut remarquer sa grimace vite maîtrisée, car elle dit aussitôt :

— Excuse-moi.

Mais en fait, se dit-il, elle avait parfaitement raison. Il avait gardé une âme d’enfant, du moins en ce qui concernait les robots. Et son préféré entre tous, quand il était gamin, c’était le robot de Perdus dans l’espace. Ça l’agaçait beaucoup quand les gens appelaient le robot « Robby », même si Robby, le robot de Planète interdite, lui ressemblait vaguement – ce qui n’était pas très surprenant étant donné que c’était la même personne, Robert Kinoshita, qui les avait conçus tous les deux. En général, on disait simplement « le Robot » pour désigner le robot du Jupiter 2 – sauf le Dr Smith, qui l’appelait « tas de ferraille ambulant » et autres épithètes peu flatteuses. Mais beaucoup de fans l’appelaient B-9, qui était son numéro de série qu’on découvrait dans un épisode. Don, pour sa part, affirmait que cet automate en forme de tonneau avec des tuyaux d’aspirateur à la place des bras s’appelait en réalité GUNTER, à cause d’un autre épisode où on montrait le robot dans sa caisse d’origine, sur laquelle était marqué : « General Utility Non-Theorizing Environmental Robot[1] ». Il avait eu beau le faire remarquer à des tas de gens pendant… ah, plus de soixante-dix ans maintenant, il n’avait pas réussi à faire beaucoup de convertis. Mais voilà, il y avait maintenant au moins un robot dans le monde qui portait ce nom.

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1

Ce qui signifie : « Robot environnemental non-théorisant multifonctionnel ». (N.d.T.)