Выбрать главу

Sarah hocha très lentement la tête, comme si elle n’arrivait pas à y croire elle-même.

— Oui, c’est bien ça.

— Wow… Tu as donc réellement un correspondant !

— C’est ce qu’on dirait, fit-elle doucement.

— Alors, qu’est-ce que dit le message ?

— C’est… comment dire ? C’est un ensemble de plans.

— Tu veux dire des plans pour construire un vaisseau spatial ? Comme dans Contact ?

— Non, pas pour un vaisseau spatial. (Elle regarda un instant Gunter, puis elle se tourna de nouveau vers Don.) Pour un Dracon.

— Quoi ?

— Le gros du message est constitué du génome des Dracons et des informations biochimiques correspondantes.

Il réfléchit un instant.

— Hmm, j’imagine que ça va être fascinant à étudier.

— Nous ne sommes pas censés l’étudier, dit Sarah. Ou du moins, ce n’est pas tout ce que nous sommes censés en faire.

— Mais quoi d’autre, alors ?

— Nous sommes censés… (elle hésita un instant, sans doute pour chercher ses mots)… le concrétiser.

— Excuse-moi ?

— Le message comporte également toutes les instructions nécessaires pour construire une matrice artificielle et une couveuse.

Don fut sidéré.

— Tu veux dire qu’ils veulent qu’on en fabrique un ?

— Oui, c’est ça.

— Ici ? Sur la Terre ?

Elle hocha la tête.

— Tu l’as dit toi-même. La seule chose que le SETI puisse faire, c’est transmettre des informations. Eh bien, l’ADN n’est rien d’autre que ça… de l’information ! Et ils nous ont envoyé toutes les informations dont nous avons besoin pour créer l’un d’eux.

— Pour faire un bébé Dracon ?

— Oui, au départ. Mais il va grandir pour devenir un Dracon adulte.

Il n’y avait qu’un fauteuil dans la pièce. Don alla s’asseoir sur un coin du bureau et Sarah pivota pour lui faire face.

— Mais… mais il ne pourra pas respirer notre atmosphère, dit-il. Il ne pourra pas manger nos aliments.

Sarah fit un geste vers l’écran, bien que Don fût incapable de voir ce qu’il montrait de là où il était assis.

— Ils nous indiquent la composition de l’air dont il aura besoin : les gaz nécessaires et leurs pourcentages acceptables, la liste de ceux qui sont des poisons pour lui, la plage de pression supportable, et cætera. Tu as raison de dire qu’il ne pourra pas respirer notre atmosphère, qui contient en particulier trop de CO2. Mais avec un masque filtrant, il ne devrait pas avoir de problème. Et ils nous ont fourni les formules chimiques des différents aliments dont il aura besoin. J’ai bien peur qu’Atkins n’ait pas eu beaucoup de succès en dehors de la Terre : on y trouve surtout des hydrates de carbone.

— Mais, heu… je ne sais pas, moi, pour la pesanteur, par exemple ?

— La gravité à la surface de Sigma Draconis II est supérieure à la nôtre d’un tiers. Le bébé Dracon ne devrait avoir aucun problème avec la pesanteur terrestre.

Don regarda Gunter, comme pour faire appel à son esprit parfaitement rationnel.

— C’est de la folie. C’est complètement dingue.

Mais les yeux de verre de Gunter restèrent implacables, et Sarah dit simplement :

— Pourquoi ?

— Qui aurait l’idée d’envoyer un bébé sur une autre planète ?

— Ils n’envoient pas de bébé. Personne ne voyage.

— Bon, d’accord. Mais alors, à quoi ça sert, tout ça ?

— As-tu déjà lu… ah, comment s’appelle-t-il, déjà ?

— Oui ? fit Don en fronçant les sourcils.

— Ah, zut. (Sarah se tourna vers Gunter.) Qui a écrit « Quel effet cela fait-il d’être une chauve-souris ? »

Le Mozo, tout en continuant de balayer les pages de texte, répondit aussitôt :

— Thomas Nagel.

— Voilà, Nagel, c’est ça ! Tu as déjà lu quelque chose de lui, Don ?

Il fit signe que non.

— Cet article date des années 70, et…

— Octobre 1974, précisa Gunter.

— … et c’est l’un des plus célèbres de toute la philosophie. Comme son titre l’indique, il pose la question de savoir quel effet ça fait d’être une chauve-souris. Et la réponse est fondamentalement que nous ne le saurons jamais. Nous n’avons pas la moindre idée de ce que c’est d’avoir l’écholocalisation, de percevoir le monde d’une façon totalement différente. Eh bien, seul un Dracon de chair et de sang, possédant les perceptions sensorielles d’un Dracon, peut communiquer à ses congénères à quoi ressemble réellement notre planète, du point de vue d’un Dracon.

— Et ils veulent donc que nous fabriquions un Dracon qui pourra faire ça plus tard ?

Elle haussa les épaules.

— Pendant des milliers d’années, certaines personnes sur la Terre sont nées avec pour destin de devenir rois. Pourquoi quelqu’un ne naîtrait-il pas pour devenir ambassadeur ?

— Mais pense à l’existence qu’il mènerait ici, tout seul.

— Il n’y a aucune raison pour que ce soit le cas. Si nous pouvons en créer un, nous pouvons en créer plusieurs. Bien sûr, ils seraient tous génétiquement identiques, comme des vrais jumeaux, et…

— En fait, Sarah, intervint Gunter qui s’était maintenant relevé, j’ai étudié le document un peu plus avant. Il est vrai qu’ils ne nous ont envoyé qu’un seul génome, mais ils ont ajouté un petit sous-ensemble de modifications qu’on peut introduire dans la séquence principale pour produire un second individu. Apparemment, le code ADN fourni provient de deux Dracons intimement liés. Les concrétisations vivantes de cet ADN seraient des clones de ces deux personnes.

— « Si tu étais la seule fille au monde, et si j’étais le seul garçon… », dit Don. Au moins, chacun saura qui inviter au bal du lycée. (Il réfléchit un instant.) Mais maintenant que j’y pense, comment pouvons-nous être sûrs qu’il s’agit bien du génome d’un véritable Dracon intelligent ? Ça pourrait être, tu sais, le génome d’un effroyable monstre, ou d’un fléau bactériologique mortel.

— Naturellement, toute l’opération s’effectuerait dans un laboratoire biologiquement sécurisé, dit Sarah. Et de toute façon, pour quelle raison nous enverraient-ils une chose pareille ?

— Le message précise que les individus qui ont fourni le génome sont actuellement vivants sur Sigma Draconis II, dit Gunter. Ou du moins, ils l’étaient quand ce message a été envoyé. Ils espèrent pouvoir converser avec leurs clones, même avec un décalage de 37,6 années.

— Les Dracons source sont donc en quelque sorte les parents ? demanda Don.

Par la fenêtre en face de lui, il apercevait le soleil qui se levait.

— D’une certaine façon, dit Sarah. Et ils cherchent des parents adoptifs chez nous.

— Ah, oui… Le questionnaire !

— Exactement, dit-elle. Si tu cherchais quelqu’un pour élever tes enfants, tu aimerais en savoir un peu plus sur lui avant de les lui confier. Et j’imagine que, de toutes les réponses qu’ils ont reçues, ce sont les miennes qu’ils ont préférées. Ils veulent que ce soit moi qui m’occupe de leurs enfants.

— Ah, mon Dieu, fit Don.

Sarah haussa les épaules.

— C’est sans doute pour ça qu’ils se préoccupaient des droits des parents qui ne portent pas réellement l’enfant.

— Et les questions sur l’avortement – elles étaient là pour s’assurer que nous ne changerions pas d’avis en décidant d’éliminer les fœtus ?