Выбрать главу

— Attendez que je vérifie…. Ah, non, bon sang. Il faut que je sois à Bornéo. Je suis vraiment navré.

— Non, non, je comprends, dit Don.

— Je, hem… désolé de parler de ça maintenant, dit McGavin, mais vous avez bien la clef de décryptage, n’est-ce pas ?

— Oui, répondit Don.

— Ah, bien, très bien. Vous devriez peut-être m’en passer une copie. Vous savez, par mesure de précaution ?

— Ne vous inquiétez pas, dit Don, elle est en sécurité.

— C’est juste que…

— Bon, fit Don, j’ai d’autres coups de fil à passer, mais j’ai pensé que vous aimeriez être au courant.

— Je vous en suis reconnaissant, Don. Et encore une fois, toutes mes condoléances.

Quand l’appel était venu de McGavin Robotics, disant qu’il était temps d’effectuer la visite d’entretien du Mozo, Don avait été tenté de la reporter à plus tard, mais il avait fini par accepter.

— Très bien, dit-il. Vers quelle heure pensez-vous venir ?

— L’heure que vous voudrez, fit la voix masculine.

— Mais ces opérations ne sont-elles pas prévues des semaines à l’avance ?

L’homme à l’autre bout du fil eut un petit rire.

— Pas quand il s’agit des clients prioritaires de Mr McGavin.

La camionnette bleue arriva ponctuellement à onze heures, comme Don l’avait demandé. Un petit homme noir à l’aspect fringant, dans les quarante-cinq ans, portant une boîte à outils en aluminium, se présenta à la porte.

— Mr Halifax ? dit-il.

— C’est moi.

— Je m’appelle Albert. Désolé de vous déranger comme ça. Nous aimons bien effectuer des réglages périodiques. Vous savez – un bon entretien préventif permet d’éviter des problèmes majeurs.

— Oui, bien sûr, fit Don. Entrez.

— Où est votre Mozo ?

— À l’étage, je crois. (Don conduisit le technicien dans le salon, puis il lança :) Gunter !

En temps normal, Gunter apparaissait aussitôt – une sorte de Jeeves bourré de stéroïdes. Mais pas cette fois-ci, et Don se mit à crier très fort : « Gunter ! Gunter ! » N’entendant toujours pas de réponse, il se tourna vers le roboticien d’un air gêné, comme si un de ses enfants se tenait mal devant des invités.

— Désolé, dit-il.

— Il ne serait pas derrière la maison, par hasard ? demanda Albert.

— Peut-être. Mais il savait que vous alliez venir…

Don monta le grand escalier, suivi d’Albert. Ils jetèrent un coup d’œil dans le bureau, dans la chambre, dans le cabinet de toilette, dans l’autre salle de bains, et dans ce qui avait été autrefois la chambre d’Emily. Mais il n’y avait aucune trace de Gunter. Ils redescendirent pour regarder dans la cuisine et la salle à manger. Toujours rien. C’est alors qu’ils se rendirent au sous-sol, et là…

— Ah, mon Dieu ! s’écria Don en se précipitant vers le Mozo qui gisait au milieu de la pièce, face contre terre.

Le roboticien alla s’agenouiller à côté de Gunter.

— Il est déconnecté, déclara-t-il.

— Nous ne l’éteignons jamais, dit Don. Est-ce que sa batterie aurait pu flancher ?

— Au bout de moins d’un an ? dit Albert comme si Don venait de proférer une absurdité. C’est bien peu vraisemblable.

Il fit rouler le robot sur le dos.

— Ah, merde… s’exclama-t-il. (Un petit compartiment était ouvert au milieu de la poitrine de Gunter. Albert sortit une lampe de poche de sa combinaison et en braqua le faisceau à l’intérieur.) Ah, bon sang de bonsoir…

— Qu’y a-t-il ? demanda Don. Qu’est-ce qui se passe ? (Il jeta un coup d’œil dans l’ouverture.) À quoi servent tous ces boutons ?

— Ce sont les registres mémoriels principaux, répondit Albert.

Le technicien tendit la main vers l’emplacement du bouton d’allumage de Gunter, là où il y aurait eu normalement un nombril. Il appuya fermement sur la commande.

— Hello, fit la voix familière, tandis que le tracé de la bouche commençait à s’animer. Parlez-vous anglais ? Hola. ¿Habla español? Konichi-wa. Nihongo-o hanashimasu-ka ?

— Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda Don. Que se passe-t-il ?

— Anglais, dit Albert au robot.

— Hello, répéta le robot. C’est la première fois que je suis activé depuis ma sortie d’usine, et j’ai donc besoin de vous poser quelques questions, si vous le permettez. D’abord, auprès de qui dois-je prendre mes instructions ?

— Mais de quoi parle-t-il ? dit Don. La première fois ? Qu’est-ce qu’il veut dire ?

— Il a effectué une réinitialisation système, dit Albert en secouant doucement la tête.

— Quoi ?

— Il a entièrement effacé sa mémoire, et tout réinitialisé à l’état par défaut en sortie d’usine.

— Pourquoi ?

— Je ne sais pas. Je n’ai jamais vu une chose pareille.

— Gunter… dit Don en regardant le robot dans ses yeux de verre.

— Lequel de vous deux est Gunter ? demanda le Mozo.

— Non, fit Don, Gunter, c’est vous. C’est votre nom.

— Est-ce G-U-N-T-H-E-R ? demanda la machine.

Don sentit son estomac se nouer.

— Il… il est parti, c’est ça ?

Le technicien hocha la tête.

— Et pas moyen de le faire revenir ?

— Non, je suis désolé. C’est un effaçage complet.

— Mais…

Et c’est alors que Don comprit. Il lui avait fallu un peu plus de temps que Gunter pour y arriver, mais maintenant, c’était très clair. La seule… la seule personne qui ait été au côté de Sarah quand elle avait décrypté le message des Dracons avait été Gunter. Ce technicien n’était pas venu pour faire un réglage du Mozo. Il était venu pour fouiller dans sa mémoire afin de voler la clef de décodage pour le compte de McGavin. Le milliardaire avait voulu tout contrôler – et une fois en possession de la clef, il aurait pu prendre en charge lui-même la création des petits Dracons et évincer Don du processus.

— Fichez-moi le camp, dit Don au roboticien.

— Pardon ?

Don était fou de rage.

— Fichez le camp d’ici.

— Mr Halifax, je…

— Vous croyez peut-être que je ne sais pas ce que vous aviez l’intention de faire ? Allez-vous-en.

— Sincèrement, Mr Halifax…

— Tout de suite !

Albert prit peur. Physiquement, Don avait vingt ans de moins que lui et quinze centimètres de plus. Il attrapa sa mallette en aluminium et remonta précipitamment l’escalier, tandis que Don aidait Gunter à se relever.

Don savait ce qui avait dû se passer. Après avoir appris la mort de Sarah, McGavin avait repensé à la dernière fois qu’il l’avait vue, et en se remémorant la scène, il avait dû se rendre compte que Gunter avait vu Sarah appliquer la clef de décodage, et qu’il savait donc probablement en quoi elle consistait.

Absolument livide de rage, Don ordonna à son téléphone d’appeler McGavin. Au bout de deux sonneries, une voix qu’il connaissait bien répondit :

— McGavin Robotics. Bureau du président.

— Hello, Miss Hashimoto. C’est Donald Halifax. J’aimerais parler à Mr McGavin.

— Je suis désolée, mais il n’est pas disponible pour l’instant.

Don lui dit d’une voix glaciale :

— Veuillez noter ce message : dites-lui qu’il me rappelle impérativement aujourd’hui.

— Je ne peux pas vous promettre que Mr McGavin…

— Faites-lui passer le message, dit Don, c’est tout ce que je vous demande.