Le Prince, prenant le papier que tient Balthazar – Donne-moi cette lettre, je veux la voir… Où est le page du comte, celui qui a appelé le guet? Maraud, qu'est-ce que ton maître a fait ici?
Le Page. – Il est venu jeter des fleurs sur le tombeau de sa fiancée et m'a dit de me tenir à l'écart, ce que j'ai fait. Bientôt un homme avec une lumière est arrivé pour ouvrir la tombe; et, quelques instants après, mon maître a tiré l'épée contre lui; et c'est alors que j'ai couru appeler le guet.
Le Prince, jetant les yeux sur la lettre. – Cette lettre confirme les paroles du moine… Voilà tout le récit de leurs amours… Il a appris qu'elle était morte; aussitôt, écrit-il, il a acheté du poison chez un pauvre apothicaire et sur-le-champ s'est rendu dans ce caveau pour y mourir et reposer près de Juliette. (Regardant autour de lui.) Où sont-ils, ces ennemis? Capulet! Montague! Voyez par quel fléau le ciel châtie votre haine: pour tuer vos joies, il se sert de l'amour!… Et moi, pour avoir fermé les yeux sur vos discordes, j'ai perdu deux parents. Nous sommes tous punis.
Capulet. – Ô Montague, mon frère, donne-moi ta main. (Il serre la main de Montague.) Voici le douaire de ma fille; je n'ai rien à te demander de plus.
Montague. – Mais moi, j'ai à te donner plus encore. Je veux dresser une statue de ta fille en or pur. Tant que Vérone gardera son nom, il n'existera pas de figure plus honorée que celle de la loyale et fidèle Juliette.
Capulet. – Je veux que Roméo soit auprès de sa femme dans la même splendeur: pauvres victimes de nos inimitiés!
Le Prince. – Cette matinée apporte avec elle une paix sinistre, le soleil se voile la face de douleur. Partons pour causer encore de ces tristes choses. Il y aura des graciés et des punis. Car jamais aventure ne fut plus douloureuse que celle de Juliette et de son Roméo.
(Tous sortent.)