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La première chose qu’il en retira fut une grosse commode de bois de teck. Star l’ouvrit et commença à en extraire des déshabillés diaphanes.

— « Oscar, que pensez-vous de celui-ci ? » Elle tenait devant elle une robe verte drapée sur la hanche, afin de la montrer. « L’aimez-vous ? »

Naturellement, je l’aimais. C’était un modèle exclusif – je ne sais comment mais j’étais certain que Star ne portait jamais de copies – et je n’osais pas me demander quel pouvait bien en être le prix. « C’est une très jolie robe, » lui dis-je. « Mais… il me semblait que nous devions voyager ? »

— « Oui, tout de suite. »

— « Je ne vois pas de taxi. N’allez-vous pas déchirer cette robe ? »

— « Cela ne craint rien, je n’ai pas l’intention de la mettre ; c’était juste pour vous la montrer. N’est-elle pas ravissante ? Voulez-vous que je la passe pour vous la montrer ? Rufo, je veux ces sandales d’émeraudes à talons hauts. »

Rufo répondit dans la langue qu’il avait employée pour jurer lors de son arrivée. Star haussa les épaules et dit : « Ne sois pas impatient, Rufo ; Igli attendra. De toute façon, nous ne pouvons pas parler avec Igli avant demain matin. Monseigneur Oscar doit d’abord apprendre la langue. » Et elle remit la verte splendeur dans la commode.

— « Tiens ! voici un petit numéro, » continua-t-elle, et elle tendit le vêtement, « qui est un peu leste, il n’a pour seul but que d’émoustiller. »

Et je compris ce qu’elle voulait dire : c’était une sorte de jupe, avec un petit corsage qui soulignait sans rien voiler, d’un modèle qui me paraissait issu de la Crète antique et qui est encore très en vogue dans les revues comme Overseas Weekly ou Playboy et dans de nombreuses boîtes de nuit. C’était un de ces modèles qui permettent d’avoir une magnifique poitrine même si l’on a les seins qui s’écroulent. Et pourtant, Star n’en avait aucun besoin.

Rufo me toucha l’épaule. « Patron ? Désirez-vous jeter un coup d’œil sur l’artillerie et prendre ce dont vous avez besoin ? »

— « Rufo, la vie est faite pour être savourée, non pas pour être vécue à toute vitesse, » lui dit Star sur un ton de reproche.

— « Nous pourrons beaucoup mieux la savourer si Oscar prend ce qu’il sait le mieux utiliser. »

— « Il n’aura pas besoin d’armes avant que nous ayons conclu un accord avec Igli. »

Elle n’insista cependant pas pour me montrer d’autres vêtements et j’ajouterai que, si j’éprouvais grand plaisir à regarder Star, j’aime aussi examiner des armes, surtout quand je peux les utiliser, et il semblait bien que c’était dans ce but que j’avais été engagé.

Pendant la présentation de mode de Star, Rufo avait étendu toute une collection qui semblait sortir d’un entrepôt de surplus militaires ou d’un musée : des épées, des pistolets, une lance qui devait bien avoir vingt pieds de long, un lance-flammes, deux bazookas à côté d’une mitraillette, des coups-de-poing, une machette, des grenades, des arcs et des flèches, une poire d’angoisse…

— « Vous avez oublié le lance-pierres ! » lui dis-je avec reproche.

— « Lequel préférez-vous, Oscar, » dit-il, grincheux. « Le lance-pierres à fourche ? Ou la vraie fronde ? »

— « Oubliez ça, de toute manière, avec l’un comme avec l’autre, je suis incapable de toucher quoi que ce soit. »

Je ramassai la mitraillette, vérifiai qu’elle était déchargée, et me mis en position. Elle paraissait presque neuve ; elle ne devait avoir tiré que ce qu’il faut pour que les pièces aient assez de jeu. Une mitraillette n’est guère plus précise qu’une batte de baseball et sa portée n’est guère supérieure. Mais elle a d’étranges qualités : quand on frappe quelqu’un avec, il s’écroule et reste tranquille ; c’est une arme peu encombrante et pas trop lourde, sans oublier qu’elle a une grande puissance de feu. C’est une arme de brousse et excellente pour tous les combats rapprochés.

Mais j’aime bien quelque chose avec une baïonnette au bout, dans le cas où l’adversaire s’approche, et j’aime aussi les armes précises à longue portée, dans le cas où, à distance, vos voisins font preuve de sentiments inamicaux. Je mis de côté la mitraillette et pris un fusil Springfield, qui provenait de l’arsenal de Rock Island, je le vis d’après son numéro matricule, mais c’était quand même un Springfield. J’ai envers un Springfield à peu près les mêmes sentiments qu’envers un Albatros ; certaines pièces sont des modèles de perfection dans leur genre, et la seule amélioration possible consisterait à en changer radicalement la conception.

J’ouvris la culasse, passai l’ongle de mon pouce dans la chambre, regardai dans le canon. Il était brillant, pas piqué… sur le canon, il y avait une petite étoile : je tenais là, entre mes mains, une arme de championnat !

« Rufo, dans quel pays allons-nous voyager ? Ressemble-t-il à ce que nous voyons ici ? »

— « Aujourd’hui, oui, mais…» En s’excusant, il me prit le fusil des mains. « Il n’est pas permis d’utiliser des armes à feu ici. Des épées, des poignards, des flèches, tout ce qui coupe, pique, frappe, et qui est manié par la seule force musculaire, mais pas d’arme à feu. »

— « Qui l’interdit ? »

— « Il vaut mieux le lui demander à Elle, » dit-il en frissonnant.

— « Si nous ne pouvons pas nous en servir, pourquoi les avoir apportées ? Et d’ailleurs, je ne vois pas la moindre munition. »

— « Nous avons quantité de munitions. Nous irons plus tard dans un autre endroit, où nous pourrons utiliser des armes à feu. Si nous vivons jusque-là, du moins. Je ne faisais que vous montrer ce que nous avions. Que désirez-vous choisir parmi les armes légales ? Êtes-vous un archer ? »

— « Je ne sais pas. Montrez-moi. »

Il voulut dire quelque chose puis haussa les épaules et choisit un arc, glissa son bras gauche dans un protège-bras en cuir et ramassa une flèche. « Cet arbre, » dit-il, « celui au pied duquel se trouve une pierre blanche. Je vise au peu au-dessus du sol, à la hauteur d’une poitrine d’homme. »

Il saisit fermement son arme, la leva, la banda et tira, tout cela d’un seul mouvement.

La flèche se piqua en vibrant dans le tronc, environ à quatre pieds du sol.

Rufo sourit :

« Voulez-vous essayer d’en faire autant ? »

Je ne répondis pas. Je le savais bien, que je ne pourrais pas le faire, à moins d’un hasard. J’avais autrefois eu un arc, comme cadeau d’anniversaire. Je n’avais presque rien touché avec et j’avais bien vite perdu toutes les flèches. Je pris cependant la peine de jouer le jeu, de choisir soigneusement un arc ; je pris le plus long, le plus lourd.

Rufo s’éclaircit la gorge et dit, en s’excusant :

— « Si vous me permettez de vous donner un conseil, celui-ci est vraiment dur à bander, pour un débutant. »

— « Donnez-moi un protège-bras, » dis-je en le prenant.

Le protège-bras semblait avoir été fait pour moi, ce qui était peut-être le cas. Je pris une flèche, sans presque la regarder car elles me semblaient toutes bien droites et bien équilibrées. Je n’espérais même pas toucher ce fichu arbre ; il était à cinquante yards et n’avait pas plus d’un pied de diamètre. Je voulais seulement jeter un coup d’œil sur le tronc et j’espérais tirer assez loin pour satisfaire mon amour-propre. Ce que je voulais surtout, c’était viser, bander et tirer d’un seul mouvement, comme l’avait fait Rufo, – pour me donner l’apparence d’un vrai Robin des Bois, bien que je fusse loin d’en être un.