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Ce n’était pas la richesse mais un luxe inimaginable.

Et j’ai bientôt découvert que j’étais incapable de boire cet océan que l’on me présentait aux lèvres. Sur Terre, les connaissances sont devenues tellement importantes que personne ne peut toutes les englober, alors, imaginez seulement la somme de connaissances des Vingt Univers, chaque univers ayant ses lois, son histoire, et Star seule sait combien de civilisations.

Dans les pâtisseries, les ouvriers ont le droit de manger tout ce qu’ils veulent, et bientôt ils ne mangent plus rien.

Moi, je ne me suis pas complètement arrêté, car la connaissance est vraiment trop variée. Mais je ne voyais aucun sens à mes études. On ne peut pas plus découvrir le Nom Sacré de Dieu dans vingt univers que dans un seul… et tous les autres sujets ont la même dimension pour qui n’a pas de dispositions naturelles.

Je n’avais pas de penchant particulier, j’étais un dilettante… et je m’en suis aperçu quand j’ai vu que mes professeurs se faisaient du souci pour moi. Aussi les ai-je laissés partir s’embourber eux-mêmes dans les maths et dans l’histoire multi-universelle, et j’ai cessé de vouloir tout connaître.

J’ai pensé à me lancer dans les affaires. Malheureusement, pour faire des affaires avec plaisir, il faut avoir une âme d’homme d’affaires (ce que je n’ai pas), ou bien il faut avoir besoin d’argent. Et j’avais de l’argent ; tout ce que je pouvais faire, c’était d’en perdre et, si j’en gagnais, je ne savais jamais si l’on ne s’était pas donné la consigne (qui devait circuler partout dans tous les gouvernements) : Ne Gagnez Pas Contre Le Consort De L’Impératrice, nous vous rembourserons vos pertes.

Et c’était la même chose avec le poker. J’avais introduit ce jeu et il avait rapidement eu une grande vogue, mais j’avais vite compris que je ne pouvais plus y jouer. Le poker est un jeu d’argent, on ne peut y jouer pour des haricots, et quand on possède des montagnes d’argent, gagner ou perdre un peu ne représente rien.

Il faut que je m’explique : la « liste civile » de Sa Sagesse pouvait bien être inférieure à ce que dépensaient certains prodigues de Centre, car cette ville est d’une richesse inimaginable. Mais cette liste civile était du montant que désirait Star, c’était une mine de richesses inépuisable. Je ne sais pas combien de mondes passaient à la caisse mais on peut supposer qu’il y en avait au moins vingt mille, chacun peuplé de trois milliards d’habitants, et je suis probablement en dessous de la vérité.

À un penny par habitant, pour 60.000.000.000.000 d’habitants, cela fait six cents milliards de dollars. Ce nombre ne signifie rien si ce n’est qu’il montre que, même si on l’allégeait de telle sorte que nul ne s’aperçoive plus de son existence, il représenterait toujours plus d’argent que je ne peux en dépenser. Il y avait bien les dépenses du non-gouvernement du non-empire de Star, sans doute, mais ses dépenses personnelles et les miennes, si importantes qu’elles fussent, ne comptaient pas.

Le roi Midas ne s’intéressait plus à sa tirelire. Moi non plus.

Oh, je dépensais de l’argent (mais je n’en avais jamais sur moi, ce n’était pas nécessaire). Notre « appartement » (que je ne puis appeler un palais), notre maison, avait un gymnase tel qu’aucune université ne pourrait rêver d’en posséder de semblable ; j’avais une « salle d’armes[64] » et je faisais beaucoup d’escrime, presque tous les jours, avec toutes sortes d’armes. J’avais des escrimeurs à ma disposition, pour les opposer à ma Dame Vivamus, et les meilleurs maîtres d’armes des différents univers faisaient assaut avec moi. J’avais aussi un champ de tir où je m’exerçais avec l’arc que j’avais ramené de la Caverne-Porte de Karth-Hokesh ; je tirais donc à l’arc et avec toutes sortes d’autres armes. Oh, oui ! je dépensais tout l’argent que je voulais.

Mais ça n’était pas très drôle.

Un jour, assis dans mon bureau, n’ayant rien à faire sinon m’ennuyer, je jouais avec une poignée de bijoux.

À une certaine époque, je m’étais amusé à faire des dessins de bijoux. J’en avais fait au collège et j’avais même travaillé chez un joaillier, une fois, pendant l’été. Je sais dessiner et j’aime énormément les pierres précieuses. Ce joaillier m’avait prêté des livres, j’en avais emprunté d’autres à la bibliothèque municipale et il avait même exécuté un de mes dessins.

J’avais une Vocation.

Malheureusement, les joailliers n’ont pas tellement besoin de dessins de bijoux, aussi avais-je laissé tomber… jusqu’au moment où je fus à Centre.

Comprenez-moi bien, je n’avais aucun moyen de faire un cadeau à Star, si ce n’est en le fabriquant moi-même. C’est donc ce que je fis. Je lui fis un vêtement de joyaux, avec de vraies pierres, fort bien étudié (avec l’aide d’experts, comme d’habitude), après avoir fait venir un extraordinaire lot de pierres choisies, après avoir exécuté les dessins, et fait réaliser ce que j’avais conçu.

Je savais que Star aimait particulièrement les costumes rehaussés de joyaux ; je savais qu’elle aimait plus que tout les costumes grivois, – non pas pour renverser les tabous, il n’y en avait pas, – mais parce qu’elle aimait ce qui était provoquant, ce qui ornait la beauté elle-même, ce qui accentuait ce qui n’avait pourtant pas besoin de l’être.

Ce que j’avais dessiné aurait tout à fait convenu dans une revue de cabaret française, – à la différence près qu’il s’agissait de pierres véritables. Les saphirs et l’or allaient bien à la beauté blonde de Star, et j’en avais donc utilisé. Mais comme elle pouvait se permettre de porter n’importe quelle couleur, j’avais aussi utilisé d’autres pierres.

Star fut charmée de mon premier essai et le porta le soir même. J’en étais fier ; j’avais reconstitué de mémoire un costume que j’avais vu sur une danseuse nue dans un cabaret de Francfort, au cours de ma première soirée après ma libération de l’armée : un cache-sexe minimum, une longue tunique transparente et fendue d’un côté jusqu’à la hanche, brodée de sequins (moi, j’avais mis des saphirs), et quelque chose qui n’était pas un soutien-gorge mais plutôt un amplificateur, tout en joyaux, sans oublier un colifichet dans les cheveux pour couronner le tout. Elle avait des sandales d’or avec des talons de saphirs.

Star se montra très reconnaissante des autres costumes qui suivirent.

J’appris cependant quelque chose : que je ne suis pas dessinateur de bijoux. Je ne pouvais espérer lutter contre les professionnels qui habillaient les femmes riches de Centre. Je me rendis très rapidement compte que Star portait ce que je lui donnais parce que c’était moi qui les lui donnais, exactement comme une maman épingle au mur le dessin maladroit que son gosse a fait au jardin d’enfants. Aussi préférais-je abandonner.

Ce coffre de pierres précieuses était resté dans mon bureau depuis des semaines ; il y avait des opales, des agates, des cornalines, des diamants, des turquoises et des rubis, des adulaires, des saphirs et des grenats, des péridots, des émeraudes, des chrysolithes… et de nombreuses pierres qui n’ont pas de nom anglais. Je les faisais jouer entre mes doigts, je regardais les cascades de lumière jetées par leurs facettes, et je m’ennuyais. Je me demandais quel prix pourrait, sur la Terre, atteindre toutes ces pierres ? Probablement aux alentours d’un million de dollars.

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En français dans le texte. (N.D.T.)