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Elle se laissa tomber le visage entre les mains ; j’eus de la peine à l’entendre. « Mais je m’y connais si peu en amour. L’amour est un papillon qui se pose quand il lui plaît, qui s’envole quand il le veut ; jamais on ne peut l’enchaîner. J’ai péché. J’ai essayé de t’enchaîner. Je savais bien que c’était injuste, et je comprends maintenant combien c’était cruel envers toi. » Star me regarda et m’adressa un sourire triste. « Même Sa Sagesse n’a pas de sagesse quand il lui arrive d’être une femme. J’ai beau être une putain stupide, je ne suis cependant pas entêtée au point de ne pas savoir que je fais du mal à mon bien-aimé quand on me met le nez dans mes erreurs. Vas-y, prends ton épée, et je sauterai de nouveau, et mon champion sera libéré de sa cage dorée. Vas-y, seigneur Héros, pendant que j’ai le cœur ferme. »

— « Va prendre ta propre épée, putain. Cette discussion n’a que trop duré. »

Elle se mit tout à coup à sourire, en vrai garçon manqué : « Mais, mon chéri, mon épée est restée sur Karth-Hokesh. Ne t’en souviens-tu pas ? »

— « Tu ne t’en tireras pas comme ça, cette fois ! » Je l’attrapai. Star est une fille terrible, qui vous glisse entre les doigts et qui a une force musculaire extraordinaire. Mais je suis plus fort et elle ne se débattit pas avec autant de force qu’elle aurait pu le faire. Elle m’écorcha quand même et me fit quelques bleus avant que je puisse lui prendre les deux jambes dans une main et que je lui retourne un bras derrière le dos. Je lui donnai deux bonnes claques sur les fesses, avec assez de force pour y imprimer en rouge la marque de mes doigts, puis je la relâchai.

Mais dites-moi donc, maintenant, si les paroles qu’elle m’avait adressées venaient bien du fond de son cœur, ou bien si elle s’était tout simplement montrée la femme la plus intelligente des Vingt Univers ?

Star me dit plus tard : « Je suis heureuse que ta poitrine ne soit pas un tapis-brosse, comme chez certains hommes, mon chéri. »

— « C’est que j’ai toujours été un joli bébé. Et, au fait, combien de poitrines as-tu ainsi pu examiner ? »

— « Quelques-unes, seulement. Chéri, dis-moi si tu as décidé de me garder ? »

— « Quelque temps. Si tu te tiens bien ! »

— « J’aimerais mieux me tenir mal. Mais… Pendant que tu es de bonne humeur, – si tu l’es, – il faut peut-être que je te dise autre chose, quitte à recevoir une fessée. »

— « Tu en veux trop. Une par jour au maximum. D’accord ? »

— « Comme tu voudras, monsieur. D’ac, patron. Je vais envoyer chercher mon épée demain matin et tu pourras t’en servir pour me fesser à ta guise. Si tu penses pouvoir m’attraper. Mais il faut d’abord que je parle et que je me décharge la conscience. »

— « Tu n’as rien sur la conscience. À moins que tu ne fasses allusion…»

— « Je t’en prie ! Tu es allé voir nos thérapeutes. »

— « Une fois par semaine. » La première chose en effet que Star avait demandée c’était qu’on m’examinât avec tant de soin que, à côté, les examens d’incorporation dans l’armée américaine semblaient n’être que pures formalités. « Le Chirurgien-Chef prétend que mes blessures ne sont pas guéries mais je n’en crois rien ; je ne me suis jamais senti mieux. »

— « Il te raconte des bobards, Oscar, et sur mon ordre. Tu es complètement guéri, je peux te le dire, et je ne manque pas d’expérience ; j’ai pris toutes les précautions. Mais, mon chéri, c’est par pur égoïsme que j’ai fait cela. Dis-moi maintenant si j’ai été cruelle et injuste à ton égard encore une fois ? J’avoue que je t’ai raconté des blagues. Mais c’était dans une intention louable. Je devrais pourtant savoir, c’est même la première chose que l’on apprend dans ma profession, que les bonnes intentions provoquent plus de sottises que toutes les autres causes réunies. »

— « Star, qu’est-ce que tu racontes ? Ce sont les femmes qui sont cause de toutes les folies. »

— « Oui, mon chéri, parce qu’elles ont toujours de bonnes intentions… et elles peuvent le prouver. Les hommes agissent parfois dans un intérêt égoïste et rationnel, ce qui est plus sûr. Mais pas souvent. »

— « C’est parce que la moitié de leurs ancêtres sont des femmes. Pourquoi alors m’a-t-il fallu aller à tous ces rendez-vous de toubib si je n’en avais plus besoin ? »

— « Je n’ai pas dit que tu n’en avais pas besoin. Mais tu peux ne pas être de cet avis. Oscar, tu es maintenant très avancé dans ton traitement de Longue-Vie. » Et, en me disant cela, elle me regarda comme si elle se préparait à parer un coup ou à battre en retraite.

— « Quoi ? Je veux bien être pendu ! »

— « Y vois-tu une objection ? On peut inverser le traitement à ce stade. »

— « Je n’y avais jamais pensé. » Je savais que l’on pouvait suivre à Centre des traitements de Longue-Vie mais je savais aussi qu’ils étaient strictement limités. Tout le monde pouvait en suivre, juste avant d’émigrer sur une planète peu peuplée. Les résidents permanents devaient vieillir et mourir. C’était là un des points sur lesquels l’un des prédécesseurs de Star avait imposé sa volonté au gouvernement local. Centre, alors que la maladie était pratiquement vaincue, avec son immense prospérité, avec l’attrait qu’il exerçait sur des myriades de gens, serait devenu rapidement surpeuplé, surtout quand le traitement de Longue-Vie avait repoussé la moyenne de vie jusqu’à l’éternité.

Ces règlements très stricts avaient pallié la surpopulation. Certaines personnes suivaient très tôt le traitement de Longue-Vie, puis se rendaient à une Porte et tentaient leur chance dans la nature. Plus nombreux étaient ceux qui attendaient la première douleur annonciatrice de la mort pour décider alors qu’ils n’étaient pas trop vieux pour déménager. Certains, aussi, restaient tranquilles et mouraient quand leur heure était venue.

Je savais ce qu’était cette douleur : je l’avais éprouvée dans la jungle, grâce à un coupe-coupe. « Je crois bien que je n’y vois pas d’inconvénient. »

Elle eut un soupir de soulagement. « Je ne savais pas et je n’aurais pas dû te le faire suivre sans t’avertir. Mais est-ce que tu trouves que je mérite une fessée ? »

— « Nous allons ajouter cela à ton compte et nous réglerons tout d’un seul coup. Tu en sortiras probablement estropiée. Dis-moi, Star, combien de temps dure-t-elle, la Longue-Vie ? »

— « Il est difficile de répondre. Très peu de gens qui ont suivi le traitement sont morts dans leur lit. Si tu mènes une vie aussi active que celle que tu dois avoir, – et je le sais à cause de ton tempérament, – il est très improbable que tu meures de vieillesse. Tout comme de maladie. »

— « Et je ne vieillirai pas ? » C’est une notion à laquelle il faut le temps de s’habituer.

— « Oh si, tu peux vieillir. Pire, encore ! Tu peux devenir sénile, mais en proportion avec ton âge apparent. Si tu le veux bien. Et si les autres le veulent bien. Cependant, dis-moi, mon chéri, quel âge est-ce que je parais ? Ne me réponds pas avec ton cœur, mais donne-moi le témoignage de tes yeux. Et d’après les normes de la Terre. Sois sincère, je connais la réponse. »

Ce m’était toujours un plaisir de regarder Star mais j’ai alors essayé de la regarder avec un regard neuf, en cherchant les premiers signes de l’automne, les petites rides au coin de l’œil, les mains, de minuscules modifications de la peau… et Diable ! impossible de voir la moindre marque, pourtant je savais qu’elle avait un petit-fils.