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— Pourquoi des chandeliers ?

— Comme ça…

— Les idées ne vous viennent jamais « comme ça », mademoiselle… heu… Machin… Si vous avez pensé à des chandeliers, c’est que quelques chose dans la forme du sac vous y a fait songer…

— C’est vrai, reconnaît-elle… Le sac faisait des pointes…

— Bon, des pointes… comme une danseuse…

— Comment pouvez-vous trouver le temps de faire de l’esprit ? interroge cette pisse-vinaigre…

— Un homme d’esprit a toujours le temps d’en faire, dis-je doctement.

Elle hausse imperceptiblement les épaules.

Je me palpe le cervelet, puis je décide qu’il n’y a rien de plus à lui arracher.

— Au plaisir, mademoiselle… heu… Truc…

Elle me fait un signe de tête et me raccompagne à la porte.

Je ne vais pas dans l’appartement du défunt. Rapidos, je dévale les escadrins…

Le pipelet est icigo. Il passe de l’encaustique sur la boule de cuivre terminant l’escalier.

— C’est re-moi, fais-je en guise d’entrée en matière.

— Oh ! bonjour, m’sieur l’inspecteur…

— Mettons commissaire et que tout soit dit !

Il me décoche une courbette lourde de considération voilée.

— Dites voir, tous les locataires de cet immeuble ont bien la jouissance d’une cave ?

— Bien sûr…

— Quel est le numéro de celle de Parieux ?

— Le 8.

— Ça va, merci… C’est par là, n’est-ce pas ? ajouté-je en désignant une porte basse au fond de l’escalier.

— Oui… Vous voulez la clé ?

— Non, j’ai tout ce qu’il me faut…

— Je vais au moins vous donner la lumière du sous-sol…

— Excellente idée !

En dix enjambées je me trouve devant la porte de cave numéro 8. L’ouvrir est pour sésame un jeu d’enfant… Il me suffit presque de le montrer à la serrure pour que celle-ci s’actionne illico…

— C’est beau, la nature… me mets-je à chantonner…

Car une bouffée âcre me fouette le tarin lorsque j’ouvre la lourde… Cela pue affreusement…

Je donne la lumière et j’examine l’étroit local. Il y a un vache bric-à-brac dans le coin… Des pare-feux en fer forgé ; un cheval de bois ; des costumes d’époque moisis… Des trucs en cuivre, des horloges cassées… Bref, je pige immédiatement que Parieux utilisait sa cavouze comme superentrepôt…

Je bigle bien partout et je découvre par terre ce que je cherche : des touffes de laine brute, puant le suint.

Pas d’erreur, on a entreposé un mouton dans le secteur… Il y a même des crottes séchées… De ces dernières crottes que les animaux expulsent après leur mort…

Les machins pointus qui gonflaient le sac de chanvre d’Isabelle, c’étaient les pattes raides du mouton…

Par conséquent, c’est Isabelle qui a coltiné le mouton… Donc elle était affranchie sur l’utilisation de l’animal…

Et pourtant c’est elle qu’on a brûlée…

Ah ! je vous jure qu’il faut avoir le cœur solide dans ce putain de boulot.

— Vous avez trouvé ce que vous cherchiez ? demande le pipelet aux aguets…

— Oui…

Je fais trois pas, sa curiosité explose…

— Et c’était quoi ? demande-t-il.

— Des crottes ! fais-je en sortant.

CHAPITRE XVII

Ne vous découragez jamais !

Un coup d’œil à ma tocante : cinq heures quarante ! Cette fois c’est la course contre la montre…

Plus que quelques heures et ce sera l’abandon…

J’entre au troquet d’en face…

— Du nouveau ? me demande le gros patron…

— Couci-couça…

Il voit que je suis dans une rogne noire et il n’insiste pas. Lui c’est le genre boa discret…

Il pousse un ahanement de lutteur gréco-romain et attrape sa bouteille de blanc…

— Comme d’habitude ? demande-t-il…

— Chez vous, les habitudes sont vite prises…

Deux grands blancs. Nous choquons nos verres.

— Dites voir, patron, vous n’avez pas revu Mlle Bougeon, depuis hier ?

— La poule de Parieux ?

— Oui…

— Non…

Beau dialogue de clowns… Je piaffe d’impatience…

— Vous n’avez pas remarqué non plus si cette fille avait des dents en or ?

La question s’enfonce lentement dans les profondeurs de son intellect, comme le bouchon de votre ligne lorsque vous avez une touche avec une tanche…

Il l’examine, la soupèse, puis déclare enfin :

— Jamais remarqué…

Il ajoute :

— Peut-être que la patronne a remarqué…

Et il beugle : « Germaine ! » à plein drapeau…

Sa moitié est aussi conséquente que lui. C’est une vraie moitié… Charmante femme au sourire avenant.

— C’est pourquoi ? s’informe-t-elle.

Le patron va pour traduire ma question, mais il la juge décidément par trop saugrenue et il y renonce.

J’interviens.

— Je suis de la police et j’aimerais savoir si mademoiselle Bougeon, l’amie de Parieux, avait une ou des dents en or ?

Elle est moins siphonnée que son jules. Les bonnes dames comprennent le saugrenu…

Elle réfléchit :

— Non, dit-elle, je ne crois pas…

— Une molaire… On ne distingue pas très bien les molaires…

— Lorsqu’elles sont en or et que la personne rit, on les distingue aussi bien que les autres… Elle n’en a pas !

— O.K.

Donc, malgré les dires de Bougeon, ce ne serait pas sa fille qu’on aurait passée à la casserole… Qui alors ?

— Vous avez un jeton de téléphone ?

— Deux, si vous voulez, dit finement le patron.

— C’est ça, donnez m’en deux.

Je vais à la cabine et je commence par appeler Muller.

— Ah ! c’est toi, dit-il, sans la moindre note d’enthousiasme dans la voix.

— Oui… Tu as eu des nouvelles de ton boy-scout ?

— De Chardon ?

— Oui…

Je grince entre mes dents :

— Tous les ânes ont droit à leur chardon…

— Siouplaît ? hurle-t-il…

— Rien, je me parlais.

— Bravo !

Il est sur le point de manger son écouteur.

— Du nouveau au sujet du petit gars en fuite ?

— Non…

— Et au sujet de Mlle Isabelle Bougeon ?

— Non plus… Je croyais qu’elle était morte, d’après le docteur André auquel je viens de parler…

— Il se pourrait que non…

— Je ne comprends rien de rien à ton affaire…

— Confidence pour confidence : moi non plus ! Tout ce que je sais, c’est que c’est Isabelle qui a trimbalé un mouton à Goussenville…

— Un quoi ?

— Un mouton… Ce qui m’engagerait à penser qu’elle est plus du côté de l’assassin que du côté de la victime…

— Ah ! oui… Bon, j’ai perquisitionné chez le docteur… C’est plein de stupéfiants… Il paraît qu’il avait laissé choir son cabinet. Il était à la débine, le gars…

— Je m’en doute.

— On sait pourquoi il s’est suicidé ?

Cette carne de Muller n’ose pas me questionner de face… Il emploie le truchement de ce « on » indéfini.

— On se doute seulement qu’il était mouillé dans l’histoire et qu’il a été surpris de trouver la police dans sa bicoque de campagne… Autre chose : Jo se drogue aussi. Ça peut être une indication, ça, pour le retrouver… Autre chose encore, il doit avoir un méchant paquet de flouze : au moins le million du père Balmin, plus une gentille collection de monnaies anciennes qu’il a récupérées dans l’aventure… Il nageait dans les collections, ce chéri… Et ça, c’est comme la pneumonie, ça vous laisse toujours quelque chose…