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Се 7 Juillet 1821. A la campagne.

Dix sept jours sans vous voir, Madame! Jugez donc si mon pauvre c œur devrait être déchiré. Mille fois j’étais sur le point d’aller me précipiter, voler à vos pieds, mais un génie ennemi me suscitait toutes les fois quelques fâcheu-ses contrariétés, quelque circonstance qui venait là-dessus près pour déjouer mes resolutions. Pour comble d’infortune, le Prince s’étant demis le pied de-vait garder la chambre et moi son compagnon dans les affaires et dans les ad-versités, je devais rester cloué au chevet de son lit. Enfin je saisis la première occasion favorable qui se fût présentée, je cours, je vole me prosterner devant ma souveraine et lui réitérer foi et hommages jurés tant de fois et si sincère-ment.

Ne croyez pas cependant, Madame, que cette cruelle absence e ût dimi-nué, affaibli les sentiments dont mon âme pour vous est remplie! Eloigné de vous, peut-être oublié, effacé de votre souvenir, mes plus chères pensées, cel-les que je caressais le plus dans mon imagination vous furent toujours con-sacrées; je ne vivais, ne respirais que dans l’avenir, que dans l’èspérance de pouvoir un jour vous les transmettre. Eloigné de vous, j’étais sans cesse en-touré de votre image; je ne lisais que les ouvrages dont nous avons parlé ensemble, que ceux que vous avez eu la bonté de me prêter. Je suis devenu plus dévot, je prie le bon Dieu avec fureur deux fois par jour et c’est afin de pouvoir redire plus souvent votre nom que j ’ai placé dans mes prières. Vous pouvez bien deviner que votre image est alors l’ange tutelaire qui volage autour de ma <нрзб.> et si je desirais voir celui qu e le bon Dieu m’avait donné à ma nais-sance, j’aurais voulu qu’il m’apparût sous vos traits: je l’adressais, je l’en aimerais davantage. J’aime ici la solitude: c’est alors que je suis seul avec vous. Je m’imagine encore d’être auprès de celle que j’adore, j’admire ses grâces, ses talents, son amabilité, je me la représente sous tous les aspects, sous toutes les formes, avec cette variété d’humeur qui la caractérise. Tantôt je crois la voir rire, j’écoute ses babils aimables et enjoué, où l’esprit perce tou-jours à travers le voile de la gaieté dont elle veut le cacher, tantôt je l’entends chanter ces airs que j’aime tant et qu’elle embellit de sa voix; je deviens tout ouïe, je n’ose plus respirer, je crains de perdre le moindre son, la moindre inflexion de sa voix. Tantôt je l’entends raisonner, parler de la littérature, avec ce goût pur, cette justesse du tact juste qui lui sont naturel. Tantôt je suis ab-sorbé dans la contemplation de ses perfections extérieurs, rien ne m’échappe alors: cette figure noble et spirituelle, ces traits qui ont pour moi la régularité d’un beau idéal, cet heureux accord de la beauté et des grâces, ce sourire plein d’appâs, ces yeux dont le feu embrasse le témeraire qui ose les fixer, cet-te blancheur éclatant du teint, cette peau si tendre et si mince, ce joli pied si élégant, que les Grâces elles-mêmes avaient moulé sur modèle, ce beau sein, ce sein, le trône de l’amour et de la volupté… mes yeux croient se promener, caresser tous les contours de ce coprs enchanteur, mon imagination m’entraine, m’égare, je m’enflamme, je brûle, je m’anéantis par l’excès de mes sensations si cuisantes, de mes rêves si séduisantes!..

Helas! qu ’elle est triste, cette réalité que je vois autour de moi lorsque j’ose descendre sur la terre après avoir quitté ces belles régions des illusions où mon imagination m’emporte! Je me vois seul, dans le désert, les beautés de la nature ne font sur moi aucune impression et celui de l’art moins encore.

Je vous ai dit une fois, Madame, que j ’ai souvent des idées qui parais-sent n’avoir pas le sens commun. Ici, loin de vous, c’est encore pire. Voici quelques une de ces aberrations d’une imagination effrénée qui cherche à tra-vailler dans l’absence d’une réalité plus douce. Je fais des reproches à la nature, à ma malheureuse étoile non pas déjà de ne m’avoir pas fait beau et bien-fait, mais de ne m’avoir pas créé laid et difforme. En voilà la raison: vous se-riez d’abord rebutée par mon extérieur, puis vous auriez comparé vos perfections avec ma difformité, vous auriez été frappée par le contraste, vous auriez dit: pourquoi cet être est-il si laid tandis que je suis si belle? pourquoi doit-il rebuter tout le monde tandis que j’attire… et vous m’auriez plaint: et dans la plainte de vous est encore un bonheur plus grand du moins que de vous être tout-à-fait indifférent… Vous auriez peut-être voulu me consoler mon triste sort et ce serait déjà une jouissance!.. Ah! veuillez me consoler de aussi d’une similitude de l’espérance, veuillez pénétrer dans le fond de mon cœur, y lire l’amour qu’il vous porte et alléger le poids qui le pèse! Mes souffrances deviendraient autant de félicités à proportion que vous daignerez croire à la sinc érité de mes sentiments, de ces <нрзб.> que je ne saurais mieux peindre qu’en répé tant sans cesse

Tout à vous pour l’éternité
O. Somoff.
Ce Ao ût 1821.

Me voil à rapproché des lieux que vous habitez. Madame! j’ai quitté la brillante campagne pour me réinstaller de nouveaux sous l’humble toit qui me sert d’abri à Petersbourg. Que de plaisirs, que de dissipations me promettait le séjour de la ville! Mes amis, Schydlowski et Toumansky sont de retour, St. Thomas est là pour me conter ses aventures d’Italie et d’Espagne, pour me rappeler sa belle patrie et de me tanner de temps en temps des bordées de calembourgs et de jeux de mots. La douce amitié va dorénavant rouvrir ses bras pour me rece-voir: en sera-t-il autant de l’amour? — Non! mon cœur me le dit et ce prophète, bien qu’il ne fût consolent, ne m’a jamais trompé. C’est une triste chose que l’espérance qui ne voit point de terme à ses atteints: on aime à se nourrir des vains illusions qui s’évanouissent au moindre souffle de le réalité, et c’est alors que le cœur gémit de voir disparaître les douces erreurs dont il était berié.

* * *

Votre opinion, Madame, doit être en toutes choses la boussole de la mienne. Dans mes lettres suivantes je prendrai la liberté de vous entretenir sur la littérature Russe, sur la littérature de notre langue maternelle; ce sujet ne peut pas vous paraître ennuyeux, Madame, à vous, qui aimez les productions de nos poètes et de nos prosateurs. Je me promettrai donc d’y énoncer mes sentiments sur chacun de ceux de notre temps qui se sont acquis une sorte de célébrité. Mais je vous prie, Madame, de m’éclairer par vos observations, de m’aider par votre lumière: je m’en rapporterai toujours à votre jugement si sain, à votre tact si juste, à votre goût si pur. Espérant d’avance en votre indulgence, je dépose à vos pieds l’hommage des sentences d’amour et d’adoration, dont mon cœur est rempli pour vous, Madame, pour vous qui êtes mon idéal de tout ce qui est beau, de tout ce qui est sublime.

Tout à vous pour la vie
Oreste Somoff.

Страждущий поэт к издателю благонамеренного

M. Г.

Покорнейше прошу вас о напечатании в издаваемом вами журнале прилагаемого при сем отрывка моих беспечных досугов, излившейся из сердца элегии: она последняя; я простился с музами — и навсегда повесил цевницу — потому… потому что… слушайте, и сочувствуйте мне: