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Swedenborg a vu ce mariage des Esprits, qui, selon saint Luc, n’a point de noces (20, 35), et qui n’inspire que des plaisirs spirituels. Un Ange s’offrit à le rendre témoin d’un mariage, et l’entraîna sur ses ailes (les ailes sont un symbole et non une réalité terrestre).

Il le revêtit de sa robe de fête, et quand Swedenborg se vit habillé de lumière, il demanda pourquoi. — Dans cette circonstance, répondit l’Ange, nos robes s’allument, et se font nuptiales. (Deliciae sap. de am. conj., 19, 20, 21.) Il aperçut alors deux Anges qui vinrent, l’un du Midi, l’autre de l’Orient ; l’Ange du Midi était dans un char attelé de deux chevaux blancs dont les rênes avaient la couleur et l’éclat de l’aurore ; mais quand ils furent près de lui, dans le ciel, il ne vit plus ni les chars ni les chevaux. L’Ange de l’Orient vêtu de pourpre, et l’Ange du Midi vêtu d’hyacinthe accoururent comme deux souffles et se confondirent : l’un était un Ange d’Amour, l’autre était un Ange de Sagesse. Le guide de Swedenborg lui dit que ces deux Anges avaient été liés sur la terre d’une amitié intérieure et toujours unis, quoique séparés par les espaces. Le consentement qui est l’essence des bons mariages sur la terre, est l’état habituel des Anges dans le ciel. L’amour est la lumière de leur monde. Le ravissement éternel des Anges vient de la faculté que Dieu leur communique de lui rendre à lui-même la joie qu’ils en éprouvent. Cette réciprocité d’infini fait leur vie. Dans le ciel, ils deviennent infinis en participant de l’essence de Dieu qui s’engendre par lui-même. L’immensité des cieux où vivent les Anges est telle, que si l’homme était doué d’une vue aussi continuellement rapide que l’est la lumière en venant du soleil sur la terre et qu’il regardât pendant l’éternité, ses yeux ne trouveraient pas un horizon où se reposer. La lumière explique seule les félicités du ciel. C’est, dit-il (Sap., Aug, 7, 15, 26, 27), une vapeur de la vertu de Dieu, une émanation pure de sa clarté, auprès de laquelle notre jour le plus éclatant est l’obscurité. Elle peut tout, renouvelle tout et ne s’absorbe pas ; elle environne l’Ange et lui fait toucher Dieu par des jouissances infinies que l’on sent se multiplier infiniment par elles-mêmes. Cette lumière tue tout homme qui n’est pas préparé à la recevoir. Nul ici-bas, ni même dans le ciel, ne peut voir Dieu et vivre. Voilà pourquoi il est dit (Ex. XIX, 12, 13, 21, 22, 23) : La montagne où Moïse parlait au Seigneur était gardée de peur que quelqu’un ne venant à y toucher, ne mourût. Puis encore (Ex. XXXIV, 29–35) : Quand Moïse apporta les secondes Tables, sa face brillait tellement, qu’il fut obligé de la voiler pour ne faire mourir personne en parlant au peuple. La transfiguration de Jésus-Christ accuse également la lumière que jette un Messager du ciel et les ineffables jouissances que trouvent les Anges à en être continuellement imbus. Sa face, dit saint Mathieu (XVII, 1–5) resplendit comme le soleil, ses vêtements devinrent comme la lumière, et un nuage couvrit ses disciples. Enfin, quand un astre n’enferme plus que des êtres qui se refusent au Seigneur, que sa parole est méconnue, que les Esprits Angéliques ont été assemblés des quatre vents, Dieu envoie un Ange exterminateur pour changer la masse du monde réfractaire qui, dans l’immensité de l’univers, est pour lui ce qu’est dans la nature un germe infécond. En approchant du Globe, l’Ange Exterminateur porté sur une comète le fait tourner sur son axe : les continents deviennent alors le fond des mers, les plus hautes montagnes deviennent des îles, et les pays jadis couverts des eaux marines, renaissent parés de leur fraîcheur en obéissant aux lois de la Genèse ; la parole de Dieu reprend alors sa force sur une nouvelle terre qui garde en tous lieux les effets de l’eau terrestre et du feu céleste. La lumière, que l’Ange apporte d’En-Haut, fait alors pâlir le soleil. Alors, comme dit Isaïe (19–20) : Les hommes entreront dans des fentes de rochers, se blottiront dans la poussière. Ils crieront (Apocalypse, VII, 15–17) aux montagnes : Tombez sur nous ! À la mer : Prends-nous ! Aux airs : Cachez-nous de la fureur de l’Agneau ! L’Agneau est la grande figure des Anges méconnus et persécutés ici-bas. Aussi Christ a-t-il dit : Heureux ceux qui souffrent ! Heureux les simples ! Heureux ceux qui aiment ! Tout Swedenborg est là : Souffrir, Croire, Aimer. Pour bien aimer, ne faut-il pas avoir souffert, et ne faut-il pas croire ? L’Amour engendre la Force, et la Force donne la Sagesse ; de là, l’Intelligence ; car la Force et la Sagesse comportent la Volonté. Être intelligent, n’est-ce pas Savoir, Vouloir et Pouvoir, les trois attributs de l’Esprit Angélique. « — Si l’univers a un sens, voilà le plus digne de Dieu !  » me disait monsieur Saint-Martin que je vis pendant le voyage qu’il fit en Suède. — Mais, monsieur, reprit monsieur Becker après une pause, que signifient ces lambeaux pris dans l’étendue d’une œuvre de laquelle on ne peut donner une idée qu’en la comparant à un fleuve de lumière, à des ondées de flammes ? Quand un homme s’y plonge, il est emporté par un courant terrible. Le poème de Dante Alighieri fait à peine l’effet d’un point, à qui veut se plonger dans les innombrables versets à l’aide desquels Swedenborg a rendu palpables les mondes célestes, comme Beethoven a bâti ses palais d’harmonie avec des milliers de notes, comme les architectes ont édifié leurs cathédrales avec des milliers de pierres. Vous y roulez dans des gouffres sans fin, où votre esprit ne vous soutient pas toujours. Certes ! il est nécessaire d’avoir une puissante intelligence pour en revenir sain et sauf à nos idées sociales.

— Swedenborg, reprit le pasteur, affectionnait particulièrement le baron de Séraphîtz, dont le nom, suivant un vieil usage suédois, avait pris depuis un temps immémorial la terminaison latine üs. Le baron fut le plus ardent disciple du Prophète suédois qui avait ouvert en lui les yeux de l’Homme Intérieur, et l’avait disposé pour une vie conforme aux ordres d’En-Haut. Il chercha parmi les femmes un Esprit Angélique, Swedenborg le lui trouva dans une vision. Sa fiancée fut la fille d’un cordonnier de Londres, en qui, disait Swedenborg, éclatait la vie du ciel, et dont les épreuves antérieures avaient été accomplies. Après la transformation du Prophète, le baron vint à Jarvis pour faire ses noces célestes dans les pratiques de la prière. Quant à moi, monsieur, qui ne suis point un Voyant, je ne me suis aperçu que des œuvres terrestres de ce couple : sa vie a bien été celle des saints et des saintes dont les vertus sont la gloire de l’Église romaine. Tous deux, ils ont adouci la misère des habitants, et leur ont donné à tous une fortune qui ne va point sans un peu de travail, mais qui suffit à leurs besoins ; les gens qui vécurent près d’eux ne les ont jamais surpris dans un mouvement de colère ou d’impatience ; ils ont été constamment bienfaisants et doux, pleins d’aménité, de grâce et de vraie bonté ; leur mariage a été l’harmonie de deux âmes incessamment unies. Deux eiders volant du même vol, le son dans l’écho, la pensée dans la parole, sont peut-être des images imparfaites de cette union. Ici chacun les aimait d’une affection qui ne pourrait s’exprimer qu’en la comparant à l’amour de la plante pour le soleil. La femme était simple dans ses manières, belle de formes, belle de visage, et d’une noblesse semblable celle des personnes les plus augustes. En 1783, dans la vingt-sixième année de son âge, cette femme conçut un enfant ; sa gestation fut une joie grave. Les deux époux faisaient ainsi leurs adieux au monde, car ils me dirent qu’ils seraient sans doute transformés quand leur enfant aurait quitté la robe de chair qui avait besoin de leurs soins jusqu’au moment où la force d’être par elle-même lui serait communiquée. L’enfant naquit, et fut cette Séraphîta qui nous occupe en ce moment ; dès qu’elle fut conçue, son père et sa mère vécurent encore plus solitairement que par le passé, s’exaltant vers le ciel par la prière. Leur espérance était de voir Swedenborg, et la foi réalisa leur espérance. Le jour de la naissance de Séraphîta, Swedenborg se manifesta dans Jarvis, et remplit de lumière la chambre où naissait l’enfant. Ses paroles furent, dit-on :