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— Pourquoi dites-vous « fait semblant » ?

— Parce que je sais maintenant qu’il est vivant.

Moshe Porat resta silencieux quelques secondes, semblant peser la réponse de Malko. Puis il dit :

— Personne ne veut vraiment que ce monsieur ait des ennuis. Les Boliviens parce qu’ils se moquent de son passé, ses amis Allemands parce qu’ils ont peur de lui et les Américains parce qu’ils n’aiment pas les bavardages…

Malko avait une question sur le bout de la langue :

— Mais vous êtes pourtant concerné ? dit-il, j’ai lu l’acte d’accusation de Klaus…

— Je sais, coupa le consul. Mais nous avons un important marché d’armes avec la Bolivie. Mon gouvernement estime qu’il est plus important de le poursuivre que de réclamer Klaus Heinkel…

Toujours la raison d’État. L’Israélien sentit la déception de Malko car il ajouta aussitôt :

— Si vous avez la preuve que Klaus Heinkel est vivant, je pourrais peut-être orienter vos recherches… À titre officieux. Dans le bas de l’avenue Camacho il y a un couvent qui a souvent abrité des nazis. Son intendant s’appelle le Père Muskie. Un Américain. Il connaissait bien Klaus Heinkel…

Ainsi, lui non plus ne croyait guère à la mort de l’Allemand… Mais, pour l’instant, il n’y avait plus qu’un fantôme de piste : la voisine de Jim Douglas. Étranger en Bolivie, Malko n’avait aucun moyen légal d’enquêter sur la mort du jeune Américain. Déclencher un scandale ne servirait à rien.

— Comment puis-je vous revoir ? demanda-t-il à l’Israélien.

Moshe Porat lui tendit une carte.

— C’est mon numéro personnel. Je préfère que vous ne veniez pas au consulat.

Malko prit la carte, s’offrit une seconde coupe de Moët & Chandon et alla chuchoter à l’oreille de Lucrezia :

— Je vais faire une course. Je te retrouve chez toi.

* * *

La porte s’entrouvrit sur le visage las de la nymphomane. Reconnaissant Malko, elle ouvrit largement le battant.

— Vous cherchez toujours Jim Douglas ? Entrez. L’intérieur était pauvrement meublé, avec des revues épinglées au mur, et un vieux divan recouvert d’une couverture indienne. La femme s’excusa et disparut. Quand elle réapparut, elle s’était recoiffée et avait troqué sa robe de toile contre une, plus fraîche, de soie imprimée. Elle s’assit en face de Malko, les jambes croisées et lui offrit une cigarette.

— Vous êtes nouveau à La Paz ?

Malko n’avait ni le temps ni l’envie d’apaiser son retard d’affection. Le regard insistant posé sur lui le gênait. Silencieusement, elle s’offrait. Lucrezia avait raison. Mais il fallait absolument savoir si elle pouvait lui être utile.

— Je cherche à savoir où se trouve Jim Douglas, dit-il. Vous ne pouvez pas m’aider ?

Son expression avide fit place à l’indifférence.

— Je ne sais pas. Je vous l’ai dit ce matin.

Malko se leva…

— Bien. Je regrette de vous avoir dérangée.

Une lueur de panique passa dans les yeux de la femme.

— Attendez !

— Vous savez quelque chose ?

Il était resté debout, exprès.

— Il est peut-être en prison, dit-elle.

— En prison ! Pourquoi ?

Elle hésita, puis voyant que Malko ne se rasseyait pas, continua :

— Des policiers du control politico ont embarqué la petite putain qui vivait avec lui. Elle hurlait tellement que je suis sortie.

— Quand était-ce ?

Elle fronça les sourcils.

— Il y a quatre ou cinq jours.

— C’est une Bolivienne ?

— Non, une étrangère, une blonde qui s’appelle Martine. Mais ne vous tracassez donc pas. Ils vont s’amuser avec et la relâcher.

Ses yeux brillaient. Elle décroisa nerveusement les jambes. Peut-être pour que Malko s’aperçoive qu’elle ne portait rien sous sa robe.

— Et lui, insista-t-il, Jim Douglas ?

— Il était déjà parti quand c’est arrivé.

Malko était déçu et excité à la fois. Si cette mystérieuse inconnue avait vraiment été arrêtée par la police, son nouvel ami Israélien risquait de pouvoir l’aider.

Elle se leva et mit un disque de quena sur l’électrophone. Malko se rapprocha de la porte :

— Merci des renseignements. Je repasserai pour savoir s’il y a du nouveau.

Elle prit l’air tellement déçu qu’il en eut mal pour elle. À la porte, elle lui tendit la main et la serra très fort.

— Revenez, murmura-t-elle.

* * *

Lucrezia posa la main sur celle de Malko.

— Fais attention, supplia-t-elle. Ils ont tué le journaliste, ils ont tué Jim Douglas, ils ont tué Pedro Izquierdo.

— Pas Izquierdo, protesta Malko, ce sont des voyous.

Le meurtre d’Izquierdo et de sa maîtresse avait fait la Une de Presencia. Après avoir ligoté le gérant du motel, trois voyous avaient violé la fille et sauvagement tué le vieillard qui leur résistait.

La Bolivienne secoua la tête.

— Ce sont des marquesés, des blousons noirs, mais ils ont agi sur l’ordre de quelqu’un. Certainement du major Gomez. Il fait exécuter ses sales besognes par des types comme eux. Souviens-toi de ceux qui nous ont attaqués…

Lucrezia avait peut-être raison mais, une fois de plus, il n’y avait aucune preuve. Où retrouver les assassins de Pedro Izquierdo ?

Et la mystérieuse fille blonde enlevée par la police…

— Il faut retrouver la fille qui vivait avec Jim Douglas, dit-il.

Lucrezia cracha comme une chatte dérangée.

— Cette folle aurait raconté n’importe quoi ! Je ne sais pas pourquoi on l’aurait enlevée.

— Demande à Josepha.

La Bolivienne s’étira. Assise sur le lit de Malko, les jambes repliées, elle illuminait de sa présence la triste chambre de l’hôtel La Paz.

— Me fait chier, Josepha, dit-elle avec une grande simplicité dans son français étrange. J’irai plus tard.

Malko comprit que ce n’était pas la peine de discuter.

Chapitre IX

La tête un peu penchée de côté comme un lézard, tapie au milieu des fœtus de lama et de bocaux pleins de choses innommables, la grosse Josepha ressemblait à une des sorcières de Macbeth. Elle était immuablement à la même place, comme soudée à son tabouret.

Malko était sur des charbons ardents. Depuis deux jours il tournait en rond, sans aucune information. Il avait tenté de joindre le consul d’Israël, mais celui-ci était à Sucre, la capitale administrative de la Bolivie.

L’affaire Heinkel s’enlisait dans les mensonges et le sang. Un à un, tous ceux qui auraient pu aider Malko à retrouver l’Allemand étaient morts. Il ne restait plus que la grosse Josepha. Mais ils étaient venus déjà deux fois pour rien. Elle ignorait où se trouvait Heinkel et qui avait tué Jim Douglas.

Plongé dans la contemplation d’un fœtus de lama particulièrement hideux, Malko écoutait le bavardage en aimara de Lucrezia et de la sorcière. Soudain, il saisit au passage le nom d’Izquierdo.

Les yeux de Lucrezia brillèrent d’intérêt et elle se tourna vers Malko.

— Izquierdo a été assassiné sur l’ordre du major Gomez par une bande de marquesés, annonça-t-elle triomphalement. L’un d’eux s’en est vanté et cherche à vendre la montre d’Izquierdo.