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Malko jura entre ses dents.

Un hélicoptère était posé devant la maison à côté de deux Jeep militaires, dont l’une avec une grande antenne de radio. Une vingtaine de soldats entouraient deux corps étendus sur l’herbe. Malko braqua les jumelles sur la scène. Il eut un coup au cœur en reconnaissant le visage brutal du major Gomez. Il ne l’avait vu qu’une fois, à l’église San Miguel, mais sa fantastique mémoire ne pouvait le tromper. En uniforme, les manches retroussées, le Bolivien examinait les corps étendus, en compagnie d’un homme qui, étant donné la couleur de sa peau, ne pouvait être Bolivien.

— Nous sommes tombés en pleine opération contre l’E.L.N. souffla Lucrezia. C’est dangereux de rester ici.

Malko bouillait de rage. Pas question de s’attaquer à l’armée bolivienne. La présence de Hugo Gomez était une indication supplémentaire de la présence de l’amie de Jim Douglas dans cette ferme.

Mais elle y était totalement inaccessible.

Il fallait absolument savoir qui était cet étranger en uniforme de « ranger » bolivien. Jack Cambell ne devait pas l’ignorer…

Lucrezia le tira par la manche.

— Partons. Si l’hélicoptère décolle, il va nous voir.

Malko était malade à l’idée de reprendre l’épouvantable piste sans résultat. Pourtant, Lucrezia avait raison.

Chapitre X

Petits, circulaires, noirs et vides, les yeux d’Antonio Mendieta, semblables au canon d’un fusil, fixaient la porte de bois.

Finalement il se décida. Posant doucement son M.16 contre le mur, il s’accroupit et colla son œil au trou de la serrure. Il ne vit d’abord rien, puis distingua le dos et les reins de la fille, moulés agressivement par le blue-jean. Elle fit un mouvement involontaire en dormant, se cambrant encore plus, et Antonio Mendieta sentit une boule obstruer sa gorge. Il se redressa et essuya ses mains trempées de sueur à la toile de son uniforme verdâtre. Depuis trois mois dans l’armée bolivienne, et n’étant pas tuberculeux comme la plupart des chulos, il avait été versé dans les Rangers, pour lutter contre les guérilleros.

Ce n’était pas drôle. Les balades dans une jungle impénétrable, sous un soleil carnassier, succédant aux perquisitions dans des villages misérables, avec parfois une rafale qui claquait, sans qu’on voit personne et tuait des copains. L’E.L.N.[14] commençait à infiltrer des éléments dans les vallées des Yangas.

Aujourd’hui, tout le détachement était en opération. Mendieta avait échappé à la corvée parce qu’il avait la colique. On lui avait laissé la garde de la ferme du control politico et de la fille, prisonnière personnelle du major Hugo Gomez. Ce dernier était venu le dimanche précédent en hélicoptère et s’était enfermé avec elle pendant deux heures. Il y avait eu des cris et hurlements, puis Gomez était ressorti avec un grand coup de griffe sur la mâchoire. Il n’avait quand même pas dû s’embêter…

Mendieta n’arrivait pas à oublier le corps de la fille blonde. Il n’avait jamais rien vu d’aussi beau. Les chulas étaient toutes petites, grasses et malodorantes. Les mains sèches, l’Indien reprit son poste d’observation.

La fille se retourna sur le dos et ouvrit les yeux. Sa poitrine pointait vers le plafond, comme si ses seins avaient été de pierre. Avec ses yeux très bleus, ses lèvres épaisses et son nez retroussé, elle incarnait un rêve impossible pour le chulo. Ce dernier se releva, frustré. Pas question de toucher à un cheveu de la prisonnière. Le major Gomez lui ferait sauter la tête d’un coup de colt.

Morose, Mendieta reprit son M.16 et contempla les pentes couvertes de jungle où étaient ses copains. Il avait entendu des coups de feu une heure plus tôt. Les guérilleros de l’E.L.N. ne devaient pas être loin. Il recommença à rêver à la fille blonde. Dans les bordels du Kilomètre 4 à La Paz, il n’y avait que des Chiliennes mafflues et grasses, noires comme des cancrelats et velues comme des singes.

— Hola !

L’appel le fit sursauter. Cela venait de la chambre. Il hésita, puis coinçant le M.16 sous son bras, il tourna la clef et entra. Il n’allait quand même pas avoir peur d’une fille sans défense.

L’étrangère blonde était assise sur le lit et le regardait. Elle s’étira, faisant saillir sa poitrine.

— J’ai soif, dit-elle en espagnol. Je voudrais de l’eau.

Antonio hésita. Il ne savait pas où il y avait de l’eau. La fille avait une voix agréable et froide.

— Il faut attendre que les autres reviennent, dit-il en mauvais espagnol.

Il ne parlait vraiment que l’aimara.

— J’ai soif, répéta la fille.

Elle se leva et lui fit face. Avec ses bottes, elle était aussi grande que lui, avec des hanches minces de garçon et un ventre plat. Antonio avait la tête en feu. Il avait envie de caresser les longs cheveux blonds. La fille l’examinait avec curiosité, tout en jouant avec des ciseaux à ongles.

— Tu es seul ? demanda-t-elle.

— Oui.

— Il n’y a personne d’autre ici ?

Il secoua la tête.

— Non, ils vont revenir plus tard. J’ai un peu de Pepsi-cola.

Une lueur brève passa dans les yeux de la fille. Elle se rassit sur le lit.

— Bon, fit-elle. Va me chercher ton Pepsi.

Il sortit de la chambre à reculons pour la voir plus longtemps.

* * *

Le chulo s’arrêta sur le pas de la porte, ahuri. Puis, d’un coup, le sang lui monta à la tête, et la boule fut de nouveau dans sa gorge. La fille assise sur le lit, était en train de se couper les ongles avec sa petite paire de ciseaux. Mais il ne comprit pas pourquoi elle avait enlevé son pull-over pour se livrer à cette activité. Elle leva la tête, sourit et lui fit signe d’entrer. Les aréoles brunes de ses seins se dessinaient sous le soutien-gorge blanc. Sa peau était bronzée, couleur abricot. Les yeux rivés sur la poitrine, le chulo lui tendit la bouteille.

— Muchissima gracias…

La voix était beaucoup plus douce, presque caressante, le sourire radieux. Tenant son M.16 à deux mains, il la regarda boire à la régalade le liquide tiède ayant honte d’en avoir déjà vidé la moitié. Fasciné par la pomme d’Adam qui montait et descendait. Quand elle eut fini, elle posa la bouteille par terre et sembla s’apercevoir de sa présence.

— Il fait chaud, remarqua-t-elle…

Il régnait une chaleur lourde et moite. Mais la nuit on grelottait. Antonio aurait voulu dire quelque chose, mais ne trouvait pas. Il n’arrivait pas à sortir de cette chambre. Il mourait d’envie de toucher les seins élastiques et ronds, qu’il devinait à travers le tissu transparent. L’intensité de ses petits yeux noirs et circulaires était telle qu’elle éclata de rire.

— Tu n’es pas bien ?

Il secoua la tête sans répondre. Comme s’il n’était pas là. Elle reprit sa besogne avec les petits ciseaux. Soudain elle s’interrompit.

— J’ai trop chaud, aide-moi à ôter mes bottes, veux-tu ?

Il hésita. Il ne pouvait pas ôter les bottes d’une seule main. Donc, il devait poser le fusil. Et si elle s’en emparait ? Mais les seins l’attiraient comme un aimant. Peut-être qu’il pourrait les frôler. Il fit un saut hors de la chambre, déposa son fusil contre le mur de la pièce commune. Puis revint. S’accrochant au lit, la fille se rejeta en arrière tandis qu’il tirait. Les bottes vinrent avec une facilité déconcertante. Antonio Mendieta se redressa, frustré : il n’avait même pas effleuré les merveilleux seins.

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14

Exercito de liberacion National.