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Elle sort.

Silence.

Mildred s’aventure dans le couloir et s’arrête devant cette mystérieuse porte, déjà vue en séquence 17 du n°2. Elle y colle son oreille et n’entend rien. Elle tente de l’ouvrir, elle est fermée au verrou. Elle retourne dans le salon, revient avec un trousseau de clés, en essaie plusieurs mais aucune ne correspond. Elle étudie la serrure un instant puis disparaît et revient avec divers objets: un couteau, un cintre, un étui de carte orange.

–  Un étui de carte orange?

–  Mon voisin a réussi à ouvrir ma porte, un soir, avec ça. Il paraît qu’une carte bleue fait aussi bien l’affaire.

La tasse de café au bord des lèvres, elle fait semblant d’avoir l’esprit attiré ailleurs. Il suffirait que je frémisse d’une narine pour la voir s’évanouir.

Elle glisse l’étui dans l’interstice, près de la serrure, puis le couteau sous le penne du loquet, fait jouer les deux en même temps, et, dans un déclic, la porte s’ouvre.

39. PIÈCE INTERDITE. INT. JOUR

C’est la pénombre, elle cherche l’interrupteur et ne rencontre aucun meuble. Elle s’empare d’une lampe de chevet, l’allume et s’en sert comme d’une torche. Elle trouve l’interrupteur. La pièce est vide avec juste un grand lit et une assiette pleine de raisin posée en plein milieu. Tout à coup, Mildred pousse un cri d’horreur.

On aperçoit un corps nu, accroupi dans la pénombre.

Paniquée, elle fait volte-face, mais la créature s’élance vers elle et fait claquer la porte, Mildred crie, se débat, cherche une autre sortie sans la trouver. Après une courte lutte elle se recroqueville dans un coin de la pièce.

La créature est un jeune homme de seize ou dix-sept ans. Il s’accroupit, à nouveau, comme si c’était pour lui la position la plus naturelle. Il regarde intensément Mildred.

Elle cherche à reprendre son souffle malgré la peur qu’on lit dans ses yeux. Elle regarde le jeune homme.

Il est magnifiquement beau, ses yeux sont bleus, ses cheveux sont blonds et légèrement bouclés, et sa peau blanche enveloppe son corps maigre sans la moindre aspérité. Il feule et se déplace comme un fauve. Un jeu de regards s’installe entre eux. Il semble plutôt étonné et pas le moins du monde agressif. Encore tremblante, elle ose un sourire forcé.

MILDRED: Je ne voulais pas… vous déranger… Je me mêle de tout mais j’oublie très vite… Si vous… pouviez vous ôter du passage…

Tout à coup il se fige et son incroyable immobilité crée un climat étrange.

MILDRED:… Je m’appelle Mildred… Et vous?

Pas de réponse.

MILDRED: Je vous jure que je ne dirai rien… Il faut me croire!… Je vous en prie…

Elle pose la main sur la poignée de la porte. Il saisit son mollet d’un geste vif, elle hurle, et retourne à l’autre bout de la pièce.

MILDRED: Ne me touchez pas!

La créature ne réagit pas à son cri. Il s’élance sur le lit pour saisir une grappe de raisin. Sa gestuelle animale donne une curieuse élégance à sa silhouette. Il porte sa nudité avec un naturel incroyable. Il croque un ou deux grains de raisin. Elle a le dos plaqué contre le mur. Il lui lance une grappe de raisin qu’elle ne rattrape pas.

MILDRED: … Vous com-pre-nez les mots que je pro-non-ce?

Il reste totalement sans réaction. Elle fait un pas vers la porte, il grogne. Elle s’éloigne de la porte. Tout à coup elle détourne le regard, effarée. hors champ, on comprend qu’il urine dans un lavabo.

MILDRED:… Qu’est-ce que vous voulez…? Qu’est-ce que vous faites, enfermé là? Vous ne ressemblez pas du tout à un Fresnel… Ils vous cachent? Ils vous gardent prisonnier? Dites quelque chose!

CRÉATURE:… Chose…?

MILDRED: Oui, n’importe quoi!

CRÉATURE: Chose…

Il fait un bond vers elle, elle sursaute.

MILDRED: Quelle langue parles-tu, bon Dieu?

CRÉATURE: Dieu…?

MILDRED: Speak english? Spreichen zie Deutsche?

CRÉATURE: Chose…

Elle baisse les bras, comme résignée.

MILDRED: Vous savez faire autre chose que l’écho?

CRÉATURE: Écho…?

Elle soupire.

Il sourit.

MILDRED: Vous n’avez pas l’air méchant mais j’ai un Q.I. déjà nettement supérieur à quelqu’un de normal… Alors, vous comprendrez…

Il s’approche et pose sa main sur la jambe de Mildred, elle est plaquée contre le mur sans savoir quoi faire.

MILDRED: N’allez pas plus loin… C’est vous qui risqueriez d’être terrorisé…

Il flaire sa jambe à la manière d’un chien.

MILDRED (haletante): Je ne suis pas aussi intelligente que je l’ai dit… (Rythme rapide, comme pour «meubler».) Tout ça est une méprise médicale… En fait, si j’ai un gros atout de départ, c’est mon nerf vagal… Vous avez déjà entendu parler du nerf vagal? (Il frotte sa joue contre le genou de Mildred.) C’est le nerf qui ralentit les battements du coeur, tout le monde croit que je suis très mature, que je sais parfaitement maîtriser mes émotions, mais c’est uniquement grâce à ce nerf qui est spécialement actif chez moi. Vous êtes stoïque et l’on vous prend pour quelqu’un de fort, c’est nul! Quand j’étais petite, j’avais ce qu’on appelle «le spasme du sanglot», c’était… 

Elle s’interrompt net et ferme un instant les yeux quand la main de la créature remonte vers sa cuisse.

MILDRED: Vous vous engagez dans un territoire vierge et inexploré… Ceux qui s’y sont aventurés sont morts ou devenus fous… Et jusqu’à aujourd’hui, personne n’en est encore revenu…

CREATURE: Chose…

Il relève lentement la robe de Mildred. On découvre des cuisses pleines de cicatrices.

MILDRED: Vous n’avez encore rien vu, le pire est à venir…

Il enlace sa taille et la serre contre lui. Elle goûte à cette étreinte silencieuse.

MILDRED (les yeux clos): Comment t’appelles-tu, écho?