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Il opine.

— Alors, mon inspecteur ?

Il secoue la tête.

— En apprenant mon infortune des lèvres de James, je me suis précipité au château, pensant vous y trouver, mais vous n’y étiez plus.

— Vous avez parlé de…, heu…, la chose à Cynthia ?

— J’ai fait une scène horrible.

— Et que vous a-t-elle dit ?

Il baisse la tête.

— Eh bien ?

— Qu’elle vous aimait.

Je n’en reviens pas.

— Pas possible !

— Si. Et elle a ajouté que la mort seule vous séparerait, elle et vous.

J’éclate alors d’un rire qui serait homérique si j’étais grec mais qui n’est que rabelaisien.

— Pas mal.

— Hein ?

— Elle a remonté la mécanique à fond. Elle comptait sur vous pour me trucider. Au lieu de jeter de l’eau sur le feu, elle a jeté de l’essence. Ensuite, Phil ?

V’là qu’il m’est devenu sympa, tout à coup avec sa pauvre bouille en quartier bombardé. C’est pas poilant, la vie ? (en anglais : the life). Il y a six minutes soixante-douze secondes nous nous brisions les cartilages et maintenant je l’appelle « Phil » sans qu’il songe à s’en offusquer.

— Je suis parti à votre recherche. Et en passant près de ce chemin de la lande, j’ai vu votre valet de chambre qui sortait de chez la vieille ivrognesse. Je me suis précipité chez la bonne femme pour la questionner. Elle ne savait rien ou n’a rien voulu me dire.

Je commence à être très sérieusement inquiet pour Béru. Ça aurait tourné au vinaigre pour mon vaillant équipier que je n’en serais pas autrement surpris. Que faire ?

Je vais m’accouder à la cheminée et, tout en contemplant dans la glace mon physique avenant, je tiens à mon reflet le langage suivant.

— San-A, mon Grand, tu avais une quinte de coupables présumés, à savoir : la fausse Daphné, sa nièce, Mac Ornish le directeur, sir Concy et James Mayburn. Maintenant, il ne t’en reste plus que trois. Avant de t’occuper du plat de résistance, c’est-à-dire de la vieille lady et de Cynthia, pourquoi n’aurais-tu pas une conversation à bâtons rompus (de préférence sur son râble) avec Mac Ornish ?

Les deux petits sirs respectent ma méditation. Lorsque je me retourne, je les découvre près de moi, au garde-à-vous dans leurs smokings.

— Phil, je murmure, vous êtes comment avec Mac Ornish ?

— Pas mal, pourquoi ?

— Vous allez lui téléphoner pour lui demander de venir vous rejoindre ici.

— Maintenant ?

— Oui. Dites-lui seulement qu’il s’agit d’une affaire extrêmement grave et que vous avez besoin de son aide. S’il vous questionne, répondez-lui que vous ne pouvez pas lui fournir d’explications au téléphone.

Le fils du baronnet s’exécute. Il sonne Stingines Castle. Il sonne longtemps car les occupants sont pieutés. Enfin on décroche et, par chance, c’est Mayburn qui répond.

Phil se fait connaître et enjoint à son ex-larbin de quérir le rondouillard distillateur de céréales.

Je m’empare de l’écouteur annexe et j’entends la voix ensommeillée de Mac Ornish.

— Que se passe-t-il, sir Concy ?

— Un événement grave. Je vous en supplie, venez me rejoindre d’urgence à mon domicile de Grattefort and Fayrluir Street.

— Mais…

— Ne me posez pas de questions, c’est terrible. Et surtout ne parlez pas à ces dames, Mac Ornish. Je compte sur vous, venez !

Il raccroche, ce qui est le meilleur moyen de couper court à des explications.

— Il ne nous reste plus qu’à attendre, fais-je en posant à mon tour l’écouteur.

— Un whisky ? propose sir Concy.

— Volontiers…

Pendant qu’il prépare trois glass corsés, je reprends ma séance de gamberge. Je vais vous dire, à titre très exceptionnel, à quoi je pense. Eh bien ! je pense que les relations entre Cynthia et Philipp ne sont pas normales. Je m’explique : de toute évidence elle se fout de ce garçon comme de son premier esquimau Gervais. Donc, si elle l’a fréquenté au point de se fiancer avec lui, c’est qu’il présente un certain intérêt. Lequel ? That is the question.

Maintenant, je sais que ça n’est pas la, tante Daphné qui veut de ce mariage, puisque la tante Daphné est clamsée depuis plus de deux piges.

Alors ?

— Dites, Phil, vous vous êtes connus comment, Cynthia et vous ?

— Père et moi sommes venus faire une visite de courtoisie à Lady Mac Herrel lorsqu’elle est venue habiter Stingines.

— Votre père la connaissait ?

— Il l’avait vue une vingtaine d’années plus tôt à une réception. Mais la vieille dame habitait Londres et ne venait ici qu’une fois l’an, pour Noël.

— Et ç’a été le coup de foudre ?

— De ma part, oui.

— Et de la sienne ?

— Elle n’a pas paru faire attention à moi, au début. Et puis un jour…

Il a la gorge qui se noue.

— Bon Dieu, c’est vrai.

— Qu’est-ce qui est vrai ?

— Elle est venue ici, toute seule, un après-midi. Jugez de ma surprise en ouvrant la porte de me trouver nez à nez avec elle.

— Que désirait-elle ?

Il secoue amèrement la tête. Sa glotte fait du yoyo et sa frime en compote reflète une grande détresse.

— Voilà, mon père est à la tête de beaucoup d’affaires.

« C’est un homme âpre au grain qui a monstrueusement développé sa fortune.

— Ne vous en plaignez pas, dear, fait sir Constence Haggravente d’un ton badin.

— Grand Dieu non ! Il a des entreprises de travaux publics, de transports en commun, des élevages de moutons, des champs d’orge et de seigle, des filatures et aussi une ligne de navigation entre l’Irlande et l’Écosse. C’est cette ligne que je dirige. C’est mon jouet, quoi. Il me l’a confiée parce qu’elle marche toute seule et que mon rôle consiste à aller fumer une cigarette au bureau de temps à autre.

— Joli jouet tout de même.

— Père me considère comme un minus, lamente sir Concy.

— Vous disiez que Cynthia était venue vous trouver, que voulait-elle ?

— Elle avait appris que je m’occupais de cette ligne et elle venait me demander de prendre dans la compagnie un ami à elle, un Français qu’elle avait connu à Cannes. C’était très délicat car un étranger ne peut avoir un grade dans notre flotte, même marchande, s’il n’est pas naturalisé.

— Qu’avez-vous fait ?

— J’ai engagé ce garçon tout de même et nous avons fermé les yeux sur son cas.

— Quelles fonctions occupe-t-il chez vous ?

— Il est commandant en second sur un de nos cargos, le « Rosy leaf » qui fait Dublin-Ayr.

— Son nom, please ?

— Félicien Deleur.

Je prends note. Je commence à piger la source du trafic.

En Irlande, il y a un des plus importants aéroports d’Europe : Shanon, plaque tournante du trafic Amérique-Europe. Mes gars doivent recevoir l’héroïne des States par air. Et c’est ce Deleur qui l’amène par mer d’Irlande en Écosse. En Écosse où elle est traitée de la manière que nous savons, puis réexpédiée…

On se vide un whisky, deux whiskies, trois whiskies et Mac Ornish sonne.

CHAPITRE XVII

Dans lequel il est prouvé que l’alcool conserve bel et bien

Plus rondouillard, plus rose-bébé, plus affable que jamais, Mac Ornish entre dans le studio de sir Concy.

En m’apercevant, sa figure s’éclaire.

— Je vous croyais reparti en France, cher monsieur ?