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— Je suis inquiet pour Couderc, dit Malko.

— Pourquoi ?

— Je ne sais pas. Il est bizarre depuis l’accident. J’ai été le voir dans sa chambre, tout à l’heure. Il n’a pas voulu venir dîner. Il se plaint de la tête et en même temps marmonne des mots sans suite. J’ai l’impression qu’il a reçu un choc sérieux.

Ann haussa les épaules :

— Laisse-le passer une bonne nuit. Demain, il ira mieux. Et s’il est trop malade, nous le laisserons ici.

C’est vrai. Il fallait repartir, continuer. L’Afrique faisait perdre la notion du temps. Par instants, il avait l’impression d’être au Burundi depuis six mois.

— Tu veux vraiment m’accompagner ?

— Oui.

C’était sans réplique.

— Alors, nous devons partir demain matin. J’ai déjà perdu tellement de temps.

— Comme tu voudras. La Land Rover est prête. Allons nous coucher.

Beaucoup plus tard, Malko était couché dans le grand lit à colonnes, la tête d’Ann sur son épaule, lorsqu’ils entendirent un bruit de moteur.

Ann sursauta et se dressa sur son séant.

— On vole une voiture !

En un clin d’œil, elle fut habillée. Malko suivit, vêtu d’un pantalon. Ils arrivèrent pour voir des feux rouges disparaître dans le sentier. Ann courut au garage. Une des Land Rover avait disparu. Malko était déjà dans la chambre de Couderc.

Personne.

Ann et Malko se retrouvèrent dans le hall. Il y avait un vide dans le râtelier d’armes.

— Il a pris la Remington 44/45, dit Ann à voix basse. Pour la chasse à l’éléphant. Mais pourquoi ? Il faut le rattraper…

Malko posa sa main sur son bras.

— Non. Laisse. Cela ne servirait à rien. Et je crois savoir pourquoi il est parti. Viens, je vais t’expliquer.

Ils remontèrent dans la chambre du premier. De nouveau, on n’entendait plus que les insectes. Le père d’Ann ne s’était pas réveillé, ou il n’avait pas voulu entendre.

Chapitre XV

Michel Couderc sifflotait au volant de la Land Rover. Jamais il ne s’était senti si bien de sa vie. Après sa sieste dans la maison des Whipcord, il s’était réveillé, détendu, sûr de lui, un autre homme. Ses douleurs à la tête avaient complètement disparu ; il ne lui restait qu’une bizarre sensation de légèreté, un peu comme s’il voguait sur un nuage.

Il réprima un petit rire en pensant à la surprise du commissaire Nicoro.

Après avoir volé la Land Rover, il avait dormi dans la voiture à l’abri d’un sentier de brousse, en attendant le jour. Maintenant le soleil était haut dans le ciel et il entrait à Bujumbura. A part une joie intense, il ne ressentait aucune émotion particulière.

Avant d’arriver au commissariat, il jeta un coup d’œil à sa montre : 10 heures. C’était la bonne heure pour un rendez-vous.

Sans hésiter, après avoir garé la voiture, il se dirigea vers le bureau du commissaire et entra sans frapper.

Nicoro était assis derrière son bureau. Lorsqu’il vit Couderc, son œil valide battit rapidement.

La Remington 44/45 semblait énorme dans les mains potelées de Michel Couderc. Mais il la tenait fermement et horizontalement, le canon dirigé sur la poitrine du commissaire.

— Vous êtes fou ! hurla Nicoro.

Fébrilement, il chercha une arme pour se défendre. Mais il était si sûr de son pouvoir qu’il n’encombrait pas son bureau de ce genre de choses.

« Bakari », hurla-t-il.

La première balle fit jaillir un geyser de plâtre du mur, derrière le bureau. Poussé par le recul, Couderc fit un saut comique en arrière, assourdi par l’explosion.

Mais le second coup toucha Nicoro près de la bouche et lui enleva la moitié de la tête. Il s’effondra sur son bureau, projetant du sang, des débris d’os et de la cervelle un peu partout.

« Ce que la vie est belle ! » fit Couderc d’une voix égale.

Juste pour s’amuser, il tira encore une fois dans le corps inerte. Le choc de la balle le fit tomber par terre.

Michel Couderc se retourna juste à temps pour se trouver nez à nez avec M’Polo. Il remit ses lunettes en place et appuya le canon du fusil sur l’estomac du policier noir. La détonation en fut amortie mais M’Polo mourut avant d’avoir touché le sol. On aurait pu passer une assiette par le trou de son ventre.

Epuisé par tous ces efforts, Michel Couderc s’appuya au mur une seconde. Sa tête le faisait souffrir à nouveau.

« Quelle belle vie ! » soupira-t-il quand même.

Mais il éprouvait le sentiment désagréable d’oublier quelque chose.

Sentiment qui disparut immédiatement quand il aperçut Bakari dévalant l’escalier du premier.

Le policier noir le vit en même temps qu’il aperçut le cadavre de M’Polo. Il eut le geste pour sortir son colt mais tourna les talons, et poussa un hurlement :

— Hapana ![11]

La balle de Couderc lui déchiqueta le dos et il roula sur les marches.

L’avantage de la Remington 44/45 c’est qu’il n’y avait pas à fignoler.

Un petit nuage bleu de cordite flottait dans le bureau de Nicoro.

Michel Couderc sortit tout guilleret du commissariat. «Quelle stupidité de ma part, pensait-il, de n’avoir jamais chassé sous prétexte que j’étais myope.»

Il jeta le fusil à côté de lui dans la voiture et démarra. Vingt secondes plus tard, une grappe de policiers en uniforme jaillirent du commissariat : mitraillette au poing, ils se dispersèrent dans toutes les directions.

Au coin de l’avenue de l’Uprona, Michel Couderc stoppa et rechargea son arme. Il avait pris soin de prendre deux boîtes de 25 cartouches. Une petite Noire s’arrêta pour le regarder faire et lui sourit. Il hésita. Mais il ne savait pas de combien de cartouches il aurait encore vraiment besoin. Il se promit de revenir.

Au moment où il démarrait, une douleur fulgurante transperça sa tête. Il se retint pour ne pas hurler. Heureusement la pharmacie Michallon était en face. Il descendit, toujours le fusil à la main, et traversa la rue.

C’est un préparateur noir qui le reçut. Pour faire plus sérieux, il portait des lunettes en verre à vitre.

Couderc lui expliqua qu’il souffrait de terribles migraines. L’autre lui donna une boîte de cachets et il en prit deux tout de suite.

— Il faudra vous faire examiner, si cela ne passe pas, dit-il.

— C’est vrai, ça, dit Couderc.

Comme il n’avait pas d’argent sur lui et qu’il ne voulait pas de scandale, il tira à bout portant dans la poitrine du préparateur.

L’onde de choc fit se briser une dizaine de bocaux et Couderc sortit de la pharmacie, réprimant un rire mutin.

« Ce que c’était amusant. »

Ari-le-Tueur prenait son petit déjeuner sur sa terrasse, face au lac, enveloppé d’un peignoir de soie jaune quand il entendit du bruit derrière lui.

Il avala une bouchée de fromage blanc et se retourna :

— Qu’est-ce que tu fous là ?

Sa première réaction fut la colère. Alors, on entrait chez lui comme dans un moulin ? Il allait virer le boy à coups de pied.

Puis, il remarqua le lourd fusil braqué sur lui. C’était si déplacé dans les mains de Couderc qu’il n’eut pas peur. D’ailleurs, ce dernier semblait hésiter.

Brusquement, il ne savait plus pourquoi il était là. Ari n’était pas noir, lui. Il faillit poser l’arme et s’asseoir pour bavarder. La voix acide du Grec lui rappela pourquoi il était venu.

— Je t’ai demandé pourquoi tu étais là. Tu vas répondre, cloporte ?