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Malko remua sur sa chaise gluante de sueur. Sale truc que cette Afrique. Et ces gens qui parlaient de lui quasiment au passé !

— Depuis quelques mois, expliqua Pap, je me suis introduit dans une bande importante de trafiquants de diamants. Souvent je les aide à transporter leur camelote, à l’aide de petits terrains disséminés dans la brousse. Ces types opèrent d’Afrique du Sud au Liban, avec un réseau de complicités parfait. Et l’un des centres de transit des pierres est le Burundi, à cause de sa proximité avec le Kasaï.

— Qu’est-ce que vous faites avec les diamants ? demanda Malko.

Pap sourit en coin.

— Ces diamants servent à acheter des armes. Et ces armes servent à pas mal de rebelles. En Angola.

— Ah !

Pour lui, les diamants évoquaient plutôt une soirée à l’opéra de Vienne avec de jolies femmes.

Un ange aux ailes très sales passa. Un jour il y aurait une épidémie de mort violente chez les trafiquants de diamants et Pap se retrouverait en Terre de Feu, plongé dans une autre tâche innocente.

— Je vais donc me faire passer pour un trafiquant de diamants si je comprends bien ?

Le géant rit de bon cœur.

— Ce n’est pas si simple que ça. D’abord, il vous faut un visa. Vous allez rendre visite à un type que je connais à Elisabethville. Vous aurez votre visa en quarante-huit heures contre 100 dollars. Bien entendu, le gars vous dénoncera, mais c’est prévu. Et ensuite Bujumbura, la capitale du Burundi. Vous irez trouver un gars que je connais et qui fait à peu près n’importe quoi pour du pognon. Il sert souvent de guide aux acheteurs de pierres dans la jungle.

— Tout cela me paraît parfait, dit Malko, soulagé. Vous êtes une vraie fée.

— … Carabosse. Parce qu’à partir du moment où je vous mets dans ce circuit, vous êtes pratiquement mort… Suivez-moi bien : personne ne vous soupçonnera d’être un agent de la C.I.A. Mais au Burundi, tout le trafic de diamants est entre les mains d’un Grec, Aristote, dit Ari-le-Tueur. Ses bénéfices sont énormes. N’oubliez pas que pour ouvrir un comptoir officiel d’achat de pierres, il faut déjà payer 50000 dollars par an. Comme vous ferez figure de franc-tireur, Ari n’aura qu’une idée : vous liquider. Surtout pour ne pas donner le mauvais exemple. Sinon il ferait faillite.

— Mais comment le saura-t-il ? demanda Malko.

— Par le type qui vous remettra votre visa. Mais sans lui, pas question d’entrer. Moi, je m’arrangerai toujours. Je lui dirai que vous m’avez rendu un service dans le temps. D’ailleurs, je crois que, finalement, je lui ferai savoir que vous arrivez. Pour moi, c’est plus sûr et cela ne change pas grand-chose pour vous…

L’ange qui repassait par là eut un hoquet de dégoût et repartit à tire d’aile.

— Est-ce que c’est vraisemblable, cette histoire de franc-tireur ? demanda Paul Walton, intéressé.

— Bien sûr. Il y a des tas de petits malins qui ont entendu parler du trafic de diamants. Si on réussit, Ça vaut la peine.

— Ils y arrivent ? fit Malko.

— Jusqu’ici, aucun n’est revenu me le dire.

De mieux en mieux.

— En tout cas, précisa Allan, il faut que votre couverture soit parfaite. Je ne peux pas perdre le bénéfice de deux ans de travail. Que vous vous fassiez buter par Ari, ça va. Mais si on vous identifie, je n’ai plus qu’à déménager, si j’ai le temps. Donc, avant tout, il faut que vous partiez avec une grosse somme d’argent. Et pour qu’on n’ait aucun doute, faites-la virer de banque à banque. Comme ça, personne n’ira penser à la C.I.A.

— Vous avez entendu parler de Charybde et Scylla ? interrogea Malko.

— Pourquoi ?

— Pour rien.

Résigné, il finit sa bière. Une fois de plus, il plongeait dans une histoire délirante.

— Tout le trafic se passe dans le Sud, ajouta Pap. Vous prendrez comme guide le gars à qui je vous envoie et ce sera à vous de jouer…

— Et si je me retrouve en prison au Burundi ?

L’Américain haussa les épaules.

— J’y suis resté deux ans en Indonésie. On s’y fait.

— Mais vous ne connaissez personne de sûr, dans cet endroit idyllique ?

Pap secoua la tête.

— Non. J’étais bien avec le vieux roi, celui qu’ils ont vidé. Il m’avait invité plusieurs fois. Je me suis toujours dégonflé. Avec ces gars-là, on ne sait jamais où se termine l’amitié et où commence l’appétit.

— Oh ! fit Walton, choqué. Vous ne voulez pas dire…

— Si.

L’ange repassa, de plus en plus dégoûté.

— D’ailleurs, dans un sens, vous avez du pot. Depuis trois mois, on m’a dit de plusieurs côtés qu’il y a un gros lot de diams à piquer dans la brousse. Il suffit que vous en ayez entendu parler… Mais, faites attention. En plus des francs-tireurs, ces types ont une frousse noire des flics sud-africains qui essaient de s’infiltrer dans leurs bandes. Avec votre type physique… Enfin, dès que vous êtes prêt, filez à E’ville prendre votre visa. Et bonne chance quand même.

Paul Walton se gratta la gorge :

— Tout semble parfait, mais il y a un point où vous pourrez encore nous venir en aide, Allan. Il se peut que Malko ait à sortir du pays en fraude, et peut-être avec deux autres personnes.

— Facile, fit Pap. Je vais vous donner les coordonnées d’un de mes terrains au Congo, mais pas loin de la frontière burundienne. J’y passerai tous les huit jours, pendant un mois, disons. O.K. ?

— O.K., fit Malko, pas très enthousiaste.

Allan Pap griffonnait sur un carnet. Il tendit une feuille à Malko.

— Voilà vos adresses.

— Eh bien ! Je crois que tout est réglé, fit Walton avec entrain.

— Sauf le détail de mes obsèques, répliqua Malko, pince-sans-rire. Je désire être cuit en sauce.

— Allons, allons, tous ces gens sont à l’ONU…

Walton laissa un billet d’une livre pour la serveuse. Les trois hommes se frayèrent un chemin vers la porte. Dehors, l’air était gluant et chaud. Pap les quitta tout de suite, après avoir broyé les phalanges de Malko.

Celui-ci resta seul avec Paul Walton. Cette conversation et cette façon de disposer de lui l’avaient prodigieusement agacé.

— Je me demande si je ne vais pas reprendre le DC 8 de la Scandinavian qui repasse demain pour l’Europe, dit-il.

Paul Walton sursauta.

— Vous plaisantez !

— Non. C’est vous qui avez fait de l’humour noir à mes dépens.

Paul Walton le prit par le bras.

— Mon cher S.A.S., ne soyez pas si susceptible.

J’ai absolument besoin de vous. Je sais que c’est une mission dangereuse et délicate, mais vous êtes le seul à pouvoir l’accomplir. C’est moi qui ai décidé d’envoyer un homme seul au Burundi. Pensez à ces deux hommes seuls depuis trois jours maintenant. Il faut aller à leur secours.

— Comment se fait-il qu’on ne les ait pas retrouvés ? Cela semble incroyable.

— Non. Le Burundi est en pleine décomposition administrative. La région où est tombé le satellite est totalement coupée de la capitale. Au Congo, certains Blancs ont erré des semaines dans la jungle avant d’être secourus. Nos deux hommes gisent peut-être, blessés, au fond d’une case…