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Il aurait bien aimé avoir une aide dans cette mission, mais Walton était formel. C’était un one-man- show.

Finalement la « couverture » donnée par Pap avait un double but. D’abord lui permettre d’accomplir sa mission, mais aussi, en cas de coup dur, Malko serait tellement dans la peau de son personnage de trafiquant de diamants que personne ne le lierait jamais à la C.I.A. Même si lui-même avouait. L’argent qu’on lui avait viré venait de Beyrouth. Personne ne pourrait jamais en établir la provenance exacte. Là aussi, la C.I.A. avait des gens bien placés, sinon honorablement connus.

Cela allait se gâter en arrivant à Bujumbura. Allan Pap l’avait bien prévenu : l’organisation d’Ari-Ie-Tueur était puissante et possédait des ramifications et des complicités dans toute cette partie de l’Afrique.

Enfin…

Maintenant, il comptait les missions qui le séparaient de sa retraite. Encore cinq ou six et son château serait restauré. Il en faudrait encore quelques- unes pour compléter ses réserves et il dirait adieu à l’espionnage, à moins que, d’ici là, la chance ne tourne.

Le consulat était désert, à l’exception d’Inga, paisible derrière un monceau de papiers. Lorsqu’il vit Malko, le Noir sortit son passeport d’un tiroir et le lui tendit :

— Tout est en règle. Vous pouvez séjourner trois mois au Burundi.

Malko examina le visa, rehaussé du Tambour sacré et du Palmier, emblèmes du Burundi.

Discrètement, un second billet de 5000 francs belges changea de main.

— Je vous souhaite bon voyage, dit poliment Inga.

Il avait vraiment fait tout ce qu’il fallait pour ça.

Le dos collé au siège de sa voiture par la transpiration, Julius Nieder crevait de chaleur. Il saisit la bouteille de J and B posée sur le plancher, entre ses jambes, et en but une large rasade.

La vieille Moskowich, empruntée à un chauffeur de taxi noir à qui il avait rendu des services dans le temps, puait comme il n’était pas possible. Mais c’était indispensable pour une filature discrète.

Au fond de sa poche, Julius tâta son dernier billet de 1000 francs. Il fallait qu’il réussisse ce contrat. Autrement c’était la débine. Et il était un peu trop connu à E’ville pour s’amuser à des bagatelles comme des hold-up ou un petit crime crapuleux. Bien que son passeport au nom de Julius Nieder lui donnât une certaine tranquillité il ne fallait pas pousser les risques trop loin. La découverte de sa véritable identité le mènerait à de sérieux ennuis.

Un taxi stoppa devant le consulat burundien. L’homme blond qui en descendit répondait parfaitement au signalement que lui avaient donné ses employeurs. Précipitamment, il boucha la bouteille de whisky, et mit en marche le moteur.

La 2 CV taxi était restée devant le consulat. Cinq minutes plus tard, l’homme blond ressortait et remontait dedans. Julius laissa passer 200 mètres et démarra à son tour.

Malko attendait un taxi sur le pas de l’hôtel. Son avion pour Bujumbura partait de N’jili, l’aéroport d’E’ville, dans deux heures. Il avait envoyé un câble à Pap. C’était son dernier contact avec la C.I.A.,il n’aurait plus d’agent résident pour l’accueillir, ni de lieu d’accueil. L’énorme puissance de la C.I.A. n’était plus rien à Bujumbura.

Une jeune Noire, très belle avec son boubou décoré de roues de bicyclette, et un mouchoir bleu sur la tête, passa devant lui et lui lança une œillade. Presque appétissante.

Le taxi, une vieille 403 à la peinture incrustée de latérite était là. Il monta dedans, sans remarquer une autre voiture qui démarra derrière lui, avec deux hommes à bord. L’homme à côté du conducteur était Julius Nieder. Lui aussi prenait l’avion de Bujumbura.

Chapitre IV

— Votre valise n’a pas été ouverte !

— Je viens de passer la douane…

— Il faut l’ouvrir.

L’énorme Noir casqué braqua sur Malko sa mitraillette tchécoslovaque à laquelle il avait fixé une baïonnette effilée comme un rasoir, et roula des yeux menaçants.

Résigné, Malko posa sa valise par terre et l’ouvrit, juste au-dessous de la banderole annonçant : Bienvenue dans la République du Burundi. Le mot « République » avait été peint grossièrement sur le mot « royaume ».

Sous le regard important du grand Noir, un autre soldat ouvrit la grosse Samsonite. En plus du costume d’alpaga anthracite qu’il avait sur le dos, Malko, toujours coquet, avait emporté trois complets ultra légers, un bleu, un gris, et un beige. Même au cœur de l’Afrique, il tenait à rester élégant.

Le soldat souleva avec respect les chemises de voile, ornées d’un discret monogramme et d’une couronne, caressa la trousse de toilette en cuir jaune et son regard s’arrêta devant une grande photo représentant le château de Malko à Liezen. C’était une mascotte dont il ne se séparait jamais, mais ici, au Burundi, cela semblait plutôt déplacé. Le Noir retourna la photo dans tous les sens sans oser poser de questions, et la remit en place.

Patient, Malko attendait. Inutile de se faire remarquer par un esclandre.

L’homme qui avait voulu le tuer passa près de lui, un petit sac de voyage à la main, sans un regard. Malko suivit des yeux pensivement sa silhouette massive. Il avait au moins un « ami » dans ce fichu pays.

Il allait refermer sa valise quand le soldat qui l’avait interpellé poussa un aboiement de joie. Posant sa mitraillette, il plongea la main dans la valise et ramena une paire de chaussettes de soie noire.

— C’est un devoir plein de plaisir d’aider la révolution, fit-il dans son français exotique, en enfonçant les chaussettes dans une des poches de son battle- dress.

On ne discute pas une telle évidence. Malko referma sa valise. Derrière lui, un de ses compagnons de voyage, rougeaud et suant, murmura : « Les nègres ont trois passions : les mouchoirs, les chaussettes et l’Indépendance. »

De quoi le faire fusiller si l’autre l’avait entendu. C’était un des rares passagers, avec Malko, dont la destination était Bujumbura. Presque tous les autres continuaient sur Nairobi, ou plutôt, auraient continué, sans l’incident du hublot. Parce que le DC 6 était cloué jusqu’à ce qu’on le remplace. Au mieux, cela se ferait le lendemain dans la journée.

Or, les Burundiens refusaient absolument de laisser aller coucher en ville les passagers en transit involontaire, non munis de visa. Les malheureux étaient en train de se tasser dans la salle d’attente et au bar, le tout non climatisé.

L’équipage belge écumait de rage, en vain.

D’ailleurs, l’accueil était plutôt réfrigérant. Une pancarte annonçait que le couvre-feu était en vigueur de minuit à 6 heures du matin et que toute personne surprise dehors risquait de se faire abattre sans sommation.

De même qu’il était interdit de tenir des propos séditieux à l’encontre du nouveau gouvernement.

Sous peine de prison immédiate.

L’Etat libre et souverain du Burundi ne plaisantait pas avec l’honneur. Bien que la plus grande partie de ses citoyens vivent nus dans une jungle inextricable, et que personne ne sache vraiment qui gouvernait le pays, la voix du Burundi à l’ONU était religieusement collationnée à chaque vote.

Malko avait déjà la main sur la porte menant au hall de l’aérogare quand un nouveau hurlement du soldat le pétrifia sur place.

— Vous n’avez pas été fouillé !

Patient, il se retourna, parvenant même à sourire.

— Mais si, cela vient d’être fait.

— Déposez votre valise et déshabillez-vous.

Il ignorait que ses cheveux blonds l’identifiaient aux yeux des Noirs à un Flamand, l’espèce de Blancs qu’ils haïssaient le plus.