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— Tu es là ?

Il la rejoignit et prit la main tendue.

— Nous sommes presque arrivés, murmura-t-elle.

Ils se retrouvèrent sur une autre terrasse, beaucoup plus petite. Toujours guidé par Tania, Malko pénétra dans une pièce qui sentait le renfermé et le pétrole. Elle lâcha sa main.

— Attends, j’allume.

Deux lampes basses aux abat-jour verts s’allumèrent près de Malko. La pièce était petite, meublée d’un grand divan, de deux chaises et d’une table basse.

— Nous sommes bien, non ? souffla Tania. Ici personne ne viendra nous déranger.

Elle enlaça Malko et lui donna un baiser violent. Il l’entraîna sur le divan, mais elle se dégagea doucement.

— Attends, dit-elle. Chez nous il y a des coutumes à observer. Nous avons inventé le strip-tease bien avant les Européens, mais ici il porte un autre nom… Reste où tu es.

Sous la table, il y avait un électrophone, qu’elle mit en marche. Aussitôt s’éleva une aigrelette musique arabe, très entraînante.

— Ça te plaît ? demanda Tania.

Sans attendre sa réponse elle commença à onduler devant lui.

Tout en dansant, elle défit la fermeture de sa robe et d’un coup de reins, la fit glisser à ses pieds. Elle n’avait plus qu’un soutien-gorge noir en dentelle, un slip de la même couleur et des bas très foncés, qui gainaient ses merveilleuses jambes. Toujours au rythme de la musique, elle entreprit de donner à Malko une éblouissante leçon de danse du ventre…

Il en avait la bouche sèche. Elle était encore plus belle que ce qu’il avait imaginé.

Elle s’approcha et le frôla de son ventre, tout en dansant ; il l’attrapa par les hanches et l’attira contre lui. Elle se dégagea d’un coup de reins, en laissant traîner sur le cou de l’homme ses longues griffes rouges.

— Un peu de patience ! souffla-t-elle.

Elle se recula et, d’une main, dégrafa son soutien-gorge, puis l’enleva d’un coup et s’arrêta net. Elle avait des seins splendides, attachés haut, écartés et presque trop lourds pour son buste assez frêle.

— Viens, maintenant ! fit-elle.

Malko se rua plutôt qu’il n’avança.

Au moment où il allait la saisir il y eut derrière lui un frôlement et il eut l’impression de recevoir le plafond sur la tête. La silhouette de Tania tangua un instant devant ses yeux, souriante, et tout devint noir alors que la tête de Malko heurtait le plancher.

CHAPITRE XI

Lorsqu’il ouvrit les yeux, il distingua une silhouette noire, debout près de lui. Il ouvrit la bouche pour appeler, mais aucun son n’en sortit. A cet instant, il s’aperçut qu’il avait un mouchoir enfoncé dans la gorge et maintenu par quelque chose qui ressemblait à sa cravate.

Au prix d’une affreuse douleur dans le cou, il parvint à tourner la tête vers la lumière. Il était toujours dans la pièce où Tania avait exécuté son strip-tease, mais maintenant il faisait jour. Il voyait même un bout de ciel bleu, par la porte entrouverte.

Il se retourna vers la silhouette, debout au pied de son lit. C’était un homme vêtu de sombre, un Persan, qui le regardait avec un détachement total. Il portait une sorte de pyjama de soie noire, boutonné jusqu’au cou, et avait un pistolet automatique glissé dans la ceinture. Il fumait une cigarette, appuyé au mur.

Malko essaya de bouger. Il put à peine soulever la tête. Ses deux mains étaient attachées par des menottes à des crochets, vissés au divan sur lequel il avait espéré apprendre à Tania l’amour à l’autrichienne… Quant à ses pieds, ils étaient liés ensemble par une grosse corde, et le tout était fixé sous le lit. Il essaya la résistance de ses liens, mais cessa tout de suite : une sueur glaciale lui couvrit le front et sa tête se mit à tourner. Dégoûté, il ferma les yeux et sombra dans l’inconscience.

Il fut réveillé brutalement par une main qui lui arrachait le bâillon. L’homme en noir lui tendait une écuelle. Malko décida de manger, pour reprendre des forces. C’était aussi, peut-être, une occasion de s’échapper. Mais l’autre avait prévu le coup. Il ne le détacha même pas. Il lui souleva seulement la tête et le fit boire comme un enfant une sorte de purée de soja très liquide, écœurante à souhait.

Ensuite, il lui donna, de la même façon, un verre d’eau, et sortit de la pièce.

Le cerveau de Malko recommençait à fonctionner. Sa première pensée fut pour Tania. « Quelle garce ! » se dit-il. Elle l’avait bien eu ! Comme un enfant ! Mais pourquoi avoir agi ainsi ? Elle l’avait rencontré par hasard, pourtant ! Au Hilton. Elle ne pouvait pas savoir qu’il se lèverait de sa place et l’aborderait. Alors ?

Saadi ! Cette idée lui fit passer une névralgie dans la tête. Comment ne s’était-il pas méfié de leurs manigances de jeunes filles vicieuses ? Saadi avait tout fait pour le jeter dans les bras de Tania, pour qu’il ne se méfie pas. Et Saadi était la fille de l’homme qu’il poursuivait, Teymour Khadjar. S’il avait été mis hors circuit, c’est que quelque chose allait se passer. Qui viendrait le chercher là ? Même Derieux penserait qu’il s’offrait deux jours de détente avec la belle Tania.

Il éprouva de nouveau la solidité de ses liens. Il n’y avait même pas cinq centimètres de jeu du côté des menottes, et il se sentait allongé tellement on avait tiré sur les liens des pieds. Ce n’était sûrement pas Tania qui l’avait attaché comme cela. Plutôt une des barbouzes du général.

À tout hasard, il tenta de faire basculer le divan, pour voir, et réussit tout juste à se meurtrir les poignets. Le sofa était beaucoup trop lourd.

A trois mètres, la porte était ouverte sur le parc. Il regarda autour du lit : aucun objet pouvant se briser et servir ensuite à user les liens ! De toute façon, il lui faudrait un petit mois pour user les bracelets des menottes. Évidemment, s’il avait les pieds libres, il pourrait toujours sortir avec le divan sur le dos !

Une charmante apparition s’encadra dans la porte : Tania !

Vêtue d’une légère robe verte d’été, elle s’approcha et se pencha sur Malko pour effleurer sa bouche d’un baiser léger. À travers la soie du tissu, il sentit le poids des seins.

— Comment vas-tu, ce matin ? Pas trop mal au crâne ?

Sa voix était aussi naturelle que si elle lui avait apporté son petit déjeuner après une nuit d’ivresse.

— C’est une plaisanterie ? demanda Malko aigrement.

Tania pouffa :

— Presque !

— Détache-moi et explique-toi.

Elle s’assit près de lui, ne le détacha pas, lui caressa distraitement la poitrine de ses longs doigts, et sourit :

— Tu sais que tu me plais beaucoup, prince Malko ? Ce doit être ton sang royal…

— Alors détache-moi.

— Je ne peux pas te détacher. Et d’ailleurs cela vaut mieux pour toi…

— Pourquoi m’as-tu joué ce tour ? Tu t’es bien foutue de moi !… Bravo pour la comédie du charme. J’ai marché comme un seul homme.

Elle se pencha et l’embrassa encore.

— Ce n’était pas de la comédie. Je t’ai dit que tu me plaisais beaucoup. Seulement on m’a demandé de te tendre ce piège. Je l’ai fait parce que je savais qu’ainsi il ne t’arriverait rien. D’ailleurs, si tu veux, demain matin, quand je t’aurai détaché, nous partirons en voiture pour le Karaj…

— Pour quoi faire, au Karaj ? Pour me jeter dans le lac avec un tonneau de ciment ?

— Que tu es méchant ! Non, j’ai une maison au Karaj. En ce moment, il y fait beau. Nous serions tranquilles, et personne ne viendrait nous déranger. Pendant une semaine, si tu veux.

— Tu sais que tu es complètement inconsciente ?