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Il claque la portière ; François le suit des yeux, tandis qu’il s’assoit contre un pilier, à vingt mètres de là. Il balance son mégot par la fenêtre, prend le temps de réfléchir, peu pressé de regagner la surface. Les malfrats ne sont sans doute pas seuls. Ils possèdent peut-être plusieurs voitures qui ratissent le quartier. Ils finiront bien par le localiser.

Et après ? Il n’est rien pour moi ! Qu’est-ce que ça peut me faire qu’il crève ?

Il regarde encore en direction de Paul. Assis par terre, jambes repliées devant lui, son sac à dos posé à ses pieds. Sans argent, une bande de tueurs lancée à ses trousses.

Alors, François ne démarre pas.

Toute sa vie, il n’a vu que lui. Enfermé dans sa tour d’ivoire, indifférent à la misère quotidienne. Celle qui ronge les rues, qui rampe partout. Et là, à quelques mètres de sa superbe voiture, un gamin à même le sol, au fond d’un parking souterrain. Un gamin qui va peut-être mourir ce soir.

Et lui ? Lui aussi va mourir.

Pendant quelques minutes, il a oublié qu’il était condamné. En définitive, cette poursuite lui a changé les idées. Précieuses minutes où il n’a pas entendu cette phrase : je vais mourir. Où il n’a pas entendu le macabre tic-tac résonner dans son crâne.

Finalement, il rejoint Paul.

— Vous êtes encore là ? sourit le jeune homme.

— Je ne peux pas vous laisser.

— Vous pouvez pas ou vous voulez pas ?

— Qu’est-ce que ça change ?

— Je veux pas vous attirer encore des ennuis. Alors vaut mieux vous barrer.

— Non, vous allez venir avec moi, on va quitter cette ville… De toute façon, il est hors de question que vous retourniez chez votre ami.

— Cette nuit, peut-être.

— Ils vous attendront, c’est de la folie ! Allez, venez.

— Où on va ?

— Je ne sais pas… Je vais réfléchir. C’est pas les endroits qui manquent.

Paul soupire. Davin est toujours planté devant lui, debout, bras croisés. Tel un père face à un enfant capricieux.

— Bon, vous venez ?

— Je veux savoir où on va, d’abord.

François lève les yeux au ciel.

— Mais je n’en sais rien ! On y réfléchira en prenant la route… L’important est de s’éloigner du danger, non ?

— Je vais pas débarquer dans une ville où je connais personne !

— C’est sûr ! Mieux vaut rester dans une ville où des tueurs sont à votre recherche.

— De toute façon, j’ai pas un rond.

— Ça n’a pas posé de problème jusqu’à présent, il me semble ?

Paul se remet enfin sur ses pieds d’un bond agile.

— OK, je vous suis… Je reviendrai ici quand ils se seront calmés.

Ils retournent s’installer dans la voiture, décident de rester encore un peu dans le souterrain. Le temps de laisser les chasseurs s’éloigner.

* * *

Florence abandonne son 4 × 4 sur le parking de la gendarmerie. Elle ne pense même pas à fermer, se précipite à l’intérieur.

— Je suis madame Béranger, le capitaine Richard m’attend !

— Je vous accompagne, répond le brigadier.

Florence le suit dans les couloirs un peu sombres du bâtiment, jusqu’à l’exigu bureau qui empeste le renfermé.

— Alors ?

— Bonjour, madame Béranger. Merci d’être venue si vite… Asseyez-vous, je vous en prie.

— Bonjour, marmonne Florence. Alors ?

— Nous avons reconstitué l’emploi du temps de votre compagnon, juste avant qu’il ne disparaisse. Nous avons découvert qu’il avait eu un malaise sur son lieu de travail le 4 septembre, deux jours avant sa disparition.

— Je sais ! C’était la veille de mon départ pour Zurich.

— Suite à ce malaise, il a vu son médecin traitant, le docteur Lestanza, qui lui a demandé de passer un scanner…

— Je sais tout ça ! s’impatiente Florence. Après l’examen, il m’a appelée pour me dire que les résultats étaient bons.

— Il vous a menti, madame.

Le mot menti résonne bizarrement dans la pièce. Florence met quelques instants à retrouver la parole.

— Pardon ?

— Les résultats n’étaient pas bons, poursuit le capitaine. Pas bons du tout.

— Je ne comprends pas…

— En fait, le radiologue lui a appris qu’il souffrait d’une tumeur au cerveau.

— Une… Une tumeur au cerveau ?

Il aurait peut-être dû se montrer moins brutal. Aurait peut-être dû la renvoyer vers le neurologue…

— Oui, madame. Je suis désolé.

— Mais ensuite ? Qu’est-ce qu’il a fait ?

— Le lendemain, il a consulté en urgence le professeur Ibrahim à l’hôpital Salengro. C’est là que nous perdons sa trace. Nous avons interrogé ce neurochirurgien, il nous a déclaré que face à l’insistance de son patient, il lui avait révélé la vérité sur son état de santé. Tumeur non opérable et… espérance de vie limitée à quelques mois.

Le souffle coupé, Florence cherche de l’air pour décoincer ses poumons. Le capitaine ouvre la fenêtre de son réduit.

— Depuis ce rendez-vous à l’hôpital, nous avons pu suivre plus ou moins son parcours grâce à l’utilisation de sa carte bleue. Il est d’abord passé par Melun où il a dormi dans un hôtel. Ensuite, il est allé à Lyon en empruntant l’autoroute. Nous en sommes là pour le moment…

— Je comprends rien ! gémit Florence. Il… Pourquoi ne m’a-t-il rien dit ? Pourquoi est-il parti ?

— Nous pensons que l’annonce de sa mort prochaine a été un terrible choc pour lui. Suite à ce choc, il a préféré s’en aller, pour faire le point, prendre le temps de réfléchir. Peut-être ne savait-il pas comment vous l’annoncer ?

— Mais j’aurais pu l’aider ! J’aurais pu… Ce toubib lui a peut-être dit n’importe quoi ! On peut sans doute l’opérer à l’étranger !

— Ça, je n’en sais rien, madame. Je ne suis pas médecin.

— Il faut que je le retrouve !

— Écoutez, il va certainement revenir de lui-même, dans quelques jours. Inutile de vous lancer à sa poursuite, il vous sera difficile de le retrouver… Même si nous pouvons le localiser, c’est avec un temps de retard. Je pense qu’il vaut mieux que vous l’attendiez chez vous. Par contre, vous pouvez toujours lui laisser un message en lui disant que vous connaissez la vérité. Ça l’incitera peut-être à vous contacter.

— Je vais devenir folle à attendre !

— Je comprends, madame. Mais au moins, vous savez maintenant qu’il n’a pas été enlevé ou assassiné.

Florence marche lentement jusqu’à la porte.

— Je sais seulement qu’il va mourir, murmure-t-elle.

Chapitre 6

— On pourrait aller à Nice, suggère François.

Il garde un excellent souvenir de cette ville. Il y a passé de si bons moments en compagnie de Florence…

— Ouais, pourquoi pas.

L’après-midi touche à sa fin. Les deux hommes sont restés dans le souterrain pendant près de trois heures. Comme le gibier traqué se planque au fond du terrier. Puis la BMW a enfin mis le museau dehors.

François conduit nerveusement, les yeux englués dans le rétroviseur. À chaque fois qu’il aperçoit la calandre d’une Mercedes, son cœur joue au yo-yo.

— Vous connaissez ? demande Paul, beaucoup plus calme.

— Quoi ?

— Nice…

— Évidemment !

Pourquoi évidemment ? songe Paul. On peut très bien passer une vie sans mettre les pieds à Nice. Pas quand on est bourré de pognon, évidemment ! Mais bientôt, lui aussi ira dans les endroits les plus chics de la planète. La présence des frères Pelizzari à Marseille retarde seulement de quelques jours ses projets.