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Pavel fixe le béton crasseux en souriant. Son pote a réussi !

Mais pour lui, les ennuis vont commencer. Les vrais ennuis. Parce que ces mecs ne sont pas des flics. Il est tombé dans un repaire de malfrats, n’a pas réussi à en sortir avant le retour des fauves.

L’un des truands passe un coup de fil depuis un téléphone qui se trouve dans la voiture garée juste en bas du perron. Pavel comprend qu’il prévient son patron, un certain monsieur Pelizzari. Et que ce Pelizzari lui ordonne de lui amener le gamin.

Pavel reçoit un coup de crosse à l’arrière du crâne et après… plus rien.

Lorsqu’il se réveille, il est dans le noir. Mains attachées dans le dos, bâillon dans la bouche. Allongé, les jambes repliées, mal à la tête… Terriblement mal à la tête. Il n’est pas sur un lit, même pas par terre. Ça tangue, comme si… Il réalise enfin qu’il se trouve dans la malle arrière d’une bagnole en marche.

Il est perdu, se met à pleurer.

La voiture s’arrête, le coffre s’ouvre. Les types l’en extirpent sans ménagement. Pavel observe autour de lui. Ses yeux sont secs, déjà. Il se trouve devant une maison magnifique, sorte de petit manoir. Les deux molosses le traînent jusqu’à l’intérieur, ils montent un escalier monumental. Ses pieds touchent à peine le sol.

Ils croisent une enfant qui doit avoir à peu près son âge. Les deux gamins échangent un regard terrifié que Pavel n’oubliera jamais.

Après un couloir, ils pénètrent dans une pièce immense, à l’ambiance tamisée. Un salon avec canapés, cheminée, vitrines remplies d’objets de collection qui doivent valoir une fortune. Et surtout, trois nouveaux types qui attendent. Dont un vieux, bien installé dans un fauteuil, en train de fumer un énorme cigare. Pavel comprend tout de suite que c’est le fameux Pelizzari… Les deux autres doivent être ses fils. La ressemblance est frappante.

Celui qui a braqué Pavel devant la maison s’approche du Vieux pour lui exposer rapidement la situation.

— Quand on est arrivés, Georges est entré en premier. Moi, je rentrais la bagnole et Pierre fermait le portail…

— Passe-moi les détails ! rugit Gustave Pelizzari.

— Georges a dû tomber sur celui-là qui était en train de piller la baraque… Et ce petit enfoiré l’a buté ! Il lui a planté un couteau en travers de la gorge… Comme ça !

Pavel avale sa salive. Il peine à respirer, pas seulement à cause du bâillon. Tous les regards convergent vers lui. Vers le petit enfoiré qui a osé refroidir Georges. Avec une facilité déconcertante.

— Ensuite ?

— Pierre et moi, on l’a chopé mais on n’avait pas vu qu’ils étaient deux ! L’autre a sauté par la fenêtre, il s’est tiré. Pierre lui a couru après mais…

— Il a pris quoi ?

— Tout, monsieur. La came, le fric, quelques calibres aussi…

S’ensuit une discussion houleuse. Les deux chiens de garde, qui ne sont que des employés, se font sévèrement engueuler. Des incapables qui se sont fait avoir par deux petites racailles alors qu’ils étaient censés, apparemment, surveiller la maison vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Pavel écoute, observe. Sa frayeur augmente.

Un des deux fils se lève. Pavel a compris son nom, dans la discussion. Marco le saisit par le col de son blouson, le crucifie contre le mur avant de lui arracher son bâillon.

— Tu travailles pour qui ?

La question est sèche, le regard haineux.

— Moi, répond timidement Pavel.

— Hein ?

— Pour moi…

— Me prends pas pour un con ! s’égosille Marco. Tu travailles pour qui ? Qui t’a filé l’adresse de la maison ?… Qui ?

— Personne ! jure Pavel. On savait pas… On savait pas qu’on allait trouver tout ça ! On… On voulait juste piquer des trucs…

— Tu te fous de ma gueule, c’est ça ?

— Non !

Pavel reçoit une gifle qui lui fait trembler le cerveau.

— Alors, petit con, pour qui tu bosses, hein ? Tu veux que je te démolisse la tronche, c’est ça ?

— Non ! Je jure, je travaille pour moi ! Juste mon copain et moi !

Nouvelle beigne, encore plus forte. Le crâne de Pavel rebondit contre le mur, il manque de défaillir.

— Je travaille pour personne ! Juste moi !

Marco le soulève de terre.

— Tu voles chez mon père, tu tues un de nos hommes… On va te le faire regretter, sale petit connard !

Il emprunte le revolver d’un des larbins, attrape Pavel par les cheveux, le plaque sur une table. Il lui écrase le visage et lui plante le canon dans la joue.

— Alors, tu travailles pour qui ?

Pavel ferme les yeux, persuadé que sa dernière heure est arrivée. Il tente une dernière fois d’expliquer. L’arme déforme encore un peu plus son mauvais français.

Pour personne, m’sieur… juste voler là-bas… savais pas !… je jure…

Marco lâche prise, Pavel s’écroule sur le parquet. Il voit le Vieux sourire. Un sourire funeste. Pourquoi ? Il se moque de mon accent ? Non, ça doit être autre chose…

Bruno se lève à son tour et s’approche dangereusement des deux hommes de main qui font pénitence dans un coin du salon.

— Alors, les gars ? Si je comprends bien, vous vous êtes fait baiser par deux petits Roumains, c’est bien ça ? Par deux petits amateurs ?

— Mais patron…

Le dénommé Pierre n’a pas le temps de finir sa plaidoirie. Une droite magnifique l’envoie au tapis, pas très loin de Pavel, toujours pétrifié au pied de la table. Bruno frotte sa main commotionnée tout en s’avançant vers le môme qui le dévisage avec terreur. Il se baisse à sa hauteur.

— Bon, tu dis que tu travailles seul ?

Sa voix est plus grave et plus calme que celle de son frère. Mais son regard est beaucoup plus effrayant.

— Oui, m’sieur.

— OK… Alors maintenant, tu vas gentiment nous dire où on peut trouver ton copain, d’accord ? Comme ça, on récupère ce qui est à nous et tout est réglé… Je t’écoute.

Pavel songe à parler du squat mais les mots s’évanouissent sur le bord de ses lèvres. Bruno le fixe toujours droit dans les yeux. Un regard qui transformerait le désert en banquise.

Non, Pavel. Ne donne pas Alexandru. De toute façon, ils vont te tuer. Alors autant que tu sois le seul à mourir.

— Sais pas.

Bruno a l’air surpris.

— Tu ne sais pas, vraiment ?

Pavel fait non, avec la tête.

— OK, comme tu voudras.

Il adresse un signe à ses molosses. Apparemment, il n’a pas envie de s’occuper lui-même d’interroger Pavel, préférant déléguer les basses besognes à ses hommes de main. Les deux s’en donnent à cœur joie. À cause de ce petit con qu’ils sont dans la merde ! Entre deux coups, ils continuent à poser la question. Où est ton copain ?

Mais Pavel résiste. Toujours le même refrain dans son esprit.

Je vais mourir, de toute façon. Alors pas Alex. Pas lui…

Coups de poing, coups de pied. Coups de genoux. Pavel ne réagit même plus. Il est déjà sonné.

Bruno reprend les rênes. Il tient Pavel contre le mur, pour ne pas avoir à se pencher.

— Alors ? Tu sais toujours pas où il est, ton copain ?

Pavel crache un peu de sang et répond. Comme il peut.

— Si, je sais…

Bruno sourit. Il a gagné.

— Mais je vous dirai pas.

Le rital ravale son sourire.

— Je vous dirai pas… Vous allez me tuer, d’te façon… Et je veux pas que mon ami y meure aussi !