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— Éprouvante ?

— Oui, c’est ça. J’ai vu des choses horribles, là-bas… Donc, on est arrivés à Neuville dans l’après-midi. Le type m’a déposé, puis il est reparti. Il y avait le Vieux mais aussi Enzo et Marco. La famille au grand complet ! Ça m’a étonné… J’ai pensé qu’ils fêtaient peut-être quelque chose. J’ai remis la marchandise à Gustave…

… Paul pose son offrande sur une table, devant le Vieux. Adelina choisit cet instant pour entrer dans la pièce. Elle sourit à Paul, ça lui rappelle la première fois qu’il l’a croisée chez le Vieux, dans cet escalier. Il se souvient qu’elle avait l’air aussi terrifiée que lui.

Adelina, la plus jeune du clan, la seule fille de Gustave.

— Laisse-nous, ordonne son père.

Elle prend le temps de venir embrasser Paul.

— Laisse-nous, j’ai dit, répète Gustave.

Adelina le fusille du regard avant d’obéir et de claquer lourdement la porte du grand salon.

Dès que sa fille a disparu, le Vieux, comme à son habitude, vérifie tout ce que Paul vient de déposer devant lui.

— Ça s’est bien passé, là-bas ?

— Aucun problème, monsieur. Aucun témoin, aucun survivant.

— Parfait.

Gustave allume un cigare. Il toise son employé bizarrement.

— Alors, Paulo, tu as bien réfléchi ? Tu veux toujours décrocher ?

— Oui, monsieur. J’aimerais repartir chez moi.

— Chez toi ? ironise Marco. Dans ce pays de merde ? T’es pas bien ici ?

— Si. Mais je veux arrêter… Changer de vie.

— Si c’est une question d’argent, on peut s’arranger, intervient Bruno. Je comprends que tu deviennes plus gourmand… Comme tu es efficace, comme tu as fait tes preuves, on peut te payer désormais… un salaire intéressant, crois-moi !

— Non merci, Bruno. C’est pas une question de pognon. Je veux arrêter.

— C’est dommage, grogne Gustave.

— C’est comme ça, rétorque poliment Paul. C’était convenu entre nous, je termine ce boulot et ensuite, je m’en vais.

Brusquement, le canon d’un flingue s’enfonce entre ses omoplates.

C’est Marco qui le braque. Il lui confisque l’arme qu’il porte dans son étui.

— On ne quitte pas la famille, assène le Vieux. Tu crois qu’on va te laisser partir comme ça, Paulo ? Tu es bien naïf, mon garçon !

Oui, Paul réalise subitement à quel point il a été naïf. Lui qui croyait avoir payé sa dette, avoir durement gagné sa liberté. Lui qui croyait être estimé par ces gens… Il aurait dû se montrer moins loyal, partir sans crier gare.

Marco jubile. Il attend ce moment depuis si longtemps !

— Je m’appelle Pavel ! rugit Paul.

Bruno soupire. Il a l’air désolé, contrarié.

— Navré, mais il va falloir qu’on se débarrasse de toi. C’est dommage, parce que tu étais vraiment un bon élément.

— J’étais surtout pas cher, hein ?

— C’est vrai. Mais nous étions prêts à te payer et tu as refusé.

— Je… Je peux encore changer d’avis ? essaie Paul.

— Maintenant, on sait que tu nous trahiras un jour ou l’autre. Ne nous prends pas pour des cons, tu veux ?

— Vous êtes vraiment des ordures !

— On va aller faire un petit tour, hein Paulo ? ricane Marco. Un petit tour à la campagne… histoire que tu prennes l’air ! On va te trouver un joli petit coin dans la forêt… Ta dernière demeure, Pavel !

Paul ferme les yeux, une demi-seconde. Trouver la solution, maintenant. Échapper à ce funeste sort.

Mais comment ?

Il est privé de calibre alors qu’eux en ont plein les poches. Il est seul, alors qu’ils sont trois frères. Trois dangereux criminels ligués contre lui.

Il imagine déjà la scène. Deux balles dans la tête, une dans le cœur.

Trois trous dans le corps, un dans la terre.

Une scène qu’il a déjà vécue. Sauf que cette fois, il sera du mauvais côté de l’arme ; celle que tient Marco. C’est lui qui va tirer sans doute.

Alors Paul fixe l’aîné bien en face.

— Pourquoi c’est pas toi qui me descends, Bruno ? T’as pas les couilles, c’est ça ?

— Ta gueule ! Mets les mains derrière la tête et avance.

Paul s’exécute, se dirigeant vers son tragique destin sous le regard impassible de Gustave.

Ils marchent dans le couloir, Paul en tête, résigné à mourir, la meute sur ses talons.

Mais soudain, le miracle se produit. Un peu comme la première fois où il a esquivé la mort.

Le miracle se nomme Adelina.

Elle est là, au bout du corridor, un impressionnant fusil de chasse entre les mains.

Elle leur intime l’ordre de déposer les armes, de libérer Pavel. Les trois frères restent un instant éberlués. Ils sont en train de se faire braquer par leur propre sœur ! Même si elle a toujours été la paria de la famille, ils n’auraient jamais cru que…

— Arrête tes conneries et pose ce fusil ! menace Bruno.

— Je préfère crever. Je vous préviens, j’hésiterai pas à tirer ! Vous me donnez envie de gerber, bande de salauds ! Lâchez-le.

Comme pour prouver qu’elle ne ment pas, elle colle le bout du canon sur la tempe d’Enzo, défiant Bruno de ses yeux de démente aux pupilles dilatées par la drogue.

— Je vais lui exploser la cervelle, putain !

— Marco, pose ce flingue, murmure Bruno.

Le petit frère s’exécute, Paul prend les choses en main. Il ramasse son Beretta qui allait servir à le descendre, désarme les trois frères tandis qu’Adelina les tient toujours en respect.

Elle est jeune, Adelina. Dix-huit ans à peine, deux ans de moins qu’Enzo. Et elle a du cran. Paul effleure sa taille, l’embrasse furtivement sur la joue. Il est aussi surpris que les frères Pelizzari de son acte irréfléchi, mais bien plus heureux !

— Allez, Pavel, on se casse ! souffle-t-elle.

Paul comprend qu’elle a dû sniffer une bonne dose. Son doigt tremble tellement sur la gâchette qu’elle va finir par tirer.

— Attends, dit-il doucement. J’ai un truc à terminer, d’abord.

Tout le monde retourne dans le salon, mais dans l’ordre inverse.

Lorsqu’il voit entrer ses fils, mains en l’air, suivis d’Adelina qui tient son propre fusil, le Vieux frise l’attaque. Paul leur ordonne de se mettre à genoux, puis s’avance vers lui, sourire jusqu’aux oreilles.

— Eh oui, Gustave… y a pas pire que d’être trahi par sa propre famille, hein ?

Le patriarche dévisage sa fille d’un air atterré.

— Tu es folle, Adelina… Complètement folle !

— Non, je suis pas cinglée ! Ça fait des années que j’ai envie de vous buter ! Je vous hais, j’ai honte de porter le même nom que vous ! Vous alliez tuer Pavel… Je ne vous laisserai pas faire.

— Réfléchis aux conséquences de tes actes, conseille Bruno. Avant qu’il ne soit trop tard.

— Mais c’est trop tard ! s’amuse Paul. Je te signale que j’ai récupéré mon flingue et que même si elle lâchait son fusil…

— Qu’est-ce que tu veux ? demande Gustave.

— Je vais pas partir les mains vides, non ? En plus d’emporter ta fille, je vais prendre la came… Et ce que j’ai ramené d’Afrique, aussi !

Paul récupère son sac à dos, remet toute la marchandise à l’intérieur. Puis il s’approche de Gustave, lui colle son flingue sur le front. Sa respiration devient difficile.