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— Pavel ?

Paul ferme les yeux. Une voix apeurée, mais aussi gorgée d’espoir.

— Marilena ? C’est moi, Pavel ! Tu vas bien ? Ils ne t’ont pas fait de mal ?

Il n’a même pas pensé à s’exprimer en roumain. La jeune fille hurle son prénom, tout en sanglotant. Paul se brise en deux.

— Marilena ! Marilena ?

— Ça suffit ! assène Gustave en reprenant le combiné. Tu as entendu qu’elle est en vie alors maintenant, on passe aux choses sérieuses…

— Qu’est-ce que tu veux de moi ?

— Tu vas te rendre à ton ancien appartement. Dans la boîte aux lettres, tu trouveras une clef ouvrant la consigne 226 à Lyon Part-Dieu. On y a déposé une enveloppe pour toi. On te laisse une heure et on te rappelle pour te donner la suite des instructions. Une heure, pas plus.

Le silence succède aux menaces.

Paul a besoin de quelques minutes pour se remettre de ses émotions. Le cœur en berne, l’esprit en flammes, il s’efforce de recouvrer le calme nécessaire pour continuer à avancer. Pourquoi le Vieux ne lui a-t-il pas filé rancard quelque part pour procéder à l’échange ? Simple mesure de précaution pour pouvoir l’amener où il veut et le prendre ainsi en filature. Vérifier qu’il n’est pas suivi, qu’il n’a pas eu l’impudence de faire appel aux flics.

Paul lorgne dans son rétroviseur, met du temps à apercevoir la BMW. François s’est garé de l’autre côté de la rue, une trentaine de mètres derrière.

François… Il faut trouver le moyen de se débarrasser de lui. Car les tueurs se saisiront de ce témoin gênant.

Le gamin repart droit devant. Il bifurque à gauche, enfonce la pédale jusqu’au plancher, négocie un deuxième angle droit, mord un peu sur le trottoir, se fait copieusement insulter par une passante frôlée de trop près. À droite, cette fois. Il croit que François a perdu sa trace. Mais le museau de la BM ne tarde pas à réapparaître dans son sillage.

— Et merde !

Alors Paul s’engouffre dans un parking souterrain…

François hésite quelques secondes. Le guetter à une sortie ? Mais où est donc la sortie ? De toute façon, il est repéré, alors…

La BMW descend à son tour. Davin cherche la vieille Ford bleue. Premier sous-sol, deuxième… Soudain, il repère le tas de boue. Il pile devant, pour l’empêcher de repartir. Paul descend immédiatement, se campe devant sa portière.

— Sors de là ! ordonne-t-il.

François obéit.

— J’t’avais dit de pas me suivre ! Tu comprends rien ou quoi ?

— Je me fous de ce que tu m’as dit ! Il y a trois heures tu voulais partir en Inde avec moi, et maintenant tu refuses que je t’accompagne à Lyon ? Tu crois que tu peux disposer de moi comme tu le souhaites ?

— Mais qu’est-ce que tu racontes ? Je veux pas que tu risques ta peau, c’est tout !

— Ah oui ? Pourtant, jusqu’à présent, ça ne t’a pas trop dérangé ! Je te signale qu’ils ont déjà essayé de me tuer…

— Peut-être. Mais là, c’est trop dangereux.

— Et alors ? Au cas où tu l’aurais oublié, je vais mourir ! Tu entends ? Je vais mourir ! Alors qu’est-ce que ça peut me foutre de courir des risques ? Je préfère encore recevoir une balle dans le cœur plutôt que d’agoniser pendant des semaines !

Paul soupire en consultant sa montre. Il gaspille un temps précieux dans ces discussions. Davin peut bien avancer les arguments qu’il veut ; il a pris sa décision, ira seul à ce dernier rendez-vous. Il songe alors à employer la force contre son ami… Mais comment pourrait-il ?

— François, je vais mener un combat difficile, ce soir… Il faut que je sauve ma sœur, tu comprends ? Si tu es là, dans mes pattes, je vais devoir te protéger, ça va me ralentir… Je ne pourrai pas veiller sur toi !

— Tu pourrais avoir besoin de moi, argue Davin.

— Besoin de toi ? Mais tu sais qui tu vas avoir en face ? Tu te rends compte de qui sont ces mecs ?

— Je crois, oui… J’ai eu le plaisir de faire leur connaissance !

— Eh bien moi je crois que t’as pas idée de ce qui t’attend si tu vas plus loin ! Ces types sont des tueurs ! Ils t’élimineront parce que tu sais trop de choses. Ils n’hésiteront pas, tu piges ?

— Je te répète que je m’en fous. Je vais mourir de toute façon…

— Mais ce ne sera pas à cause de moi !

— C’est ça, ton souci ? La peur de te sentir coupable ? La liste de tes victimes est déjà longue, Paul ! Alors une de plus ou une de moins, qu’est-ce que ça change ?

Le jeune homme attrape soudain François par le col de son blouson, le plaque brutalement contre la voiture.

— Écoute-moi bien : j’ai pas vraiment le temps de discuter, là ! Et j’ai pas du tout envie de t’amener avec moi ! J’ai assez d’emmerdes, n’en rajoute pas…

— Les emmerdes, tu les as cherchées ! Et puis lâche-moi, tu me fais mal.

— Je pourrais te faire bien plus mal, souffle le jeune homme.

— Tu ne m’impressionnes pas, assure Davin en se dégageant.

Paul recule, dévisageant François avec désespoir.

— Merde ! gémit-il. C’est déjà assez dur comme ça !

— Je sais… Mais je vais t’aider. Je suis là pour t’aider.

— Personne peut m’aider !

— Je ne te laisserai pas tomber… Jamais.

Paul s’adosse à la voiture. Il n’a plus de force, soudain, mais se sent étrangement soulagé. D’avoir trouvé quelqu’un pour le soutenir dans son calvaire. Quelqu’un qui accepte de descendre au purgatoire à ses côtés.

— Calme-toi, murmure François.

Paul allume une clope d’un geste tremblant.

— Il faut aller chez moi et ensuite, à la gare… Il y a une enveloppe dans une consigne.

— On prend ma voiture ?

— Non… Vaut mieux garder les deux bagnoles, ça pourrait servir. Et puis faut pas qu’ils te voient.

— D’accord… De toute façon, tu ne pourras pas me semer avec cette antiquité !

Paul le fixe droit dans les yeux.

— Pourquoi tu fais ça ? demande-t-il.

— Je sais pas… Je ne cherche plus à comprendre ! Je ne veux pas te laisser… J’ai envie qu’on parte ensemble. Et on partira ensemble. Quelle que soit la destination.

Chapitre 22

La gare est bondée.

Flux et reflux de voyageurs pressés qui rentrent chez eux ou entament un long voyage.

Marée inhumaine et bruyante.

Paul trouve enfin la consigne 226. Numéro porte-malheur. Sa main tremble, encore. Sa main ne doit jamais trembler, pourtant.

Jamais.

Il récupère l’enveloppe, l’ouvre immédiatement. Une simple feuille blanche avec une adresse. Et le portrait en noir et blanc d’un homme.

Paul manque d’air. Il replonge dans le passé en un quart de seconde.

Non… Non, ils ne peuvent pas exiger ça de moi !

Bien sûr que si. Il aurait même dû y penser plus tôt.

Il quitte les lieux en épiant la foule autour de lui. Il n’y reconnaît personne, ça ne le rassure pas vraiment. Il rejoint sa voiture garée dans le parking souterrain. Deux rangées plus loin, la BMW patiente. François vient aussitôt s’installer sur le siège passager de la Ford.

— Alors ?

— C’est une cible. Dans l’enveloppe… Y a la photo et l’adresse d’un type que Pelizzari va me demander de descendre.

Les yeux de François s’agrandissent dans la pénombre.