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— Merde !… Qu’est-ce que tu vas faire ?

— Le tuer.

Davin tourne la tête, se heurte à un pilier sale, indifférent.

L’horreur continue.

— J’ai pas le choix, de toute manière.

Le téléphone portable leur arrache un sursaut. Paul s’empresse de décrocher. La voix de Bruno, cette fois. Comme si le père et le fils s’amusaient à tour de rôle à le tourmenter.

Paul met le haut-parleur pour partager la suite des instructions avec François.

— Alors, Paulo, tu as l’enveloppe ?

— Oui. Qu’est-ce que tu veux ?

— Allons ! Ne me dis pas que tu n’as pas compris ?

— Je croyais que tu voulais le dossier et la came !

— Plus tard. D’abord, tu me débarrasses de ce type… Il s’agit d’Alain Desrovières. Je t’ai déjà parlé de lui, non ?

— Putain, mais t’es cinglé ! Je peux pas flinguer un mec comme lui !

— Faudra bien, si tu veux revoir ta sœur. C’est la condition préalable à l’échange… Soit il meurt, soit elle meurt. À toi de choisir.

Paul garde le silence. Ça vaut acceptation du contrat.

— Quand ce sera terminé, appelle la boîte, poursuit Bruno. Je te recontacterai après pour te fixer le rendez-vous. Bien sûr, je vérifierai que le boulot a été fait… De toute façon, je crois que je l’apprendrai très vite par les médias ! Le meurtre d’un homme aussi important, ça ne passe pas inaperçu.

— Je peux pas faire ça, Bruno !

— Bonne chance, mon garçon… Surtout, ne rate pas ta cible ! Sinon, j’étrangle ta frangine de mes propres mains. Mais avant, je m’occupe d’elle, si tu vois ce que je veux dire…

— Attends ! s’écrie le jeune homme. Il faut que j’en sache plus sur lui !

— Tu as son adresse. Il sera chez lui ce soir. Son appartement est au septième et dernier étage. Le code d’accès au parking souterrain est le PA 354. Il rentre chez lui entre dix-neuf et vingt heures… Il circule à bord d’une Audi grise. Bonne chance, Paulo.

— Attends !

Le contact coupé, Paul laisse exploser son désespoir.

— Putain, mais c’est pas vrai !

— Quel salaud, murmure François. C’est qui ce type ? Ce Desrovières ?

— C’est le patron de la filiale française d’un gros groupe industriel européen… Ça fait un moment que Bruno fait pression sur eux pour qu’ils leur confient leurs déchets. Il m’avait déjà dit qu’il faudrait songer à éliminer un de leurs dirigeants pour faire céder la direction, en Allemagne.

Paul pose son front sur le volant glacé.

— Un patron ? répète Davin avec effroi. Il faut prévenir la police ! Ils ne tueront pas ta sœur. Ils savent ce qu’ils risquent pour le meurtre d’une enfant.

— Tu te trompes, murmure Paul. Ils la tueront. Même si je refroidis ce type, même si je leur donne le dossier et l’argent de la came, ils la tueront… Et moi avec.

L’avocat le dévisage d’un air effaré.

— Parce que j’ai buté un des leurs ! Parce que je les ai trahis… Ça, ça ne se pardonne pas. Il faut que je paye, il faut que j’y reste. Ils assassineront d’abord Marilena et ensuite, ce sera mon tour.

— Alors pourquoi abattre cet homme ?

— Pour gagner du temps, pour essayer de trouver une solution. Pour la sortir de là… Je tuerais la terre entière s’il le fallait !

— Il faut prévenir les flics… Ils nous aideront.

— Si je fais ça, je n’ai plus aucune chance de la revoir vivante. On ne sait pas où elle est. Si les poulets interviennent, elle mourra.

François garde le silence. Où est-il ? Dans quel monde ?

Il voit défiler sa vie. Si calme, si ordonnée. Jusqu’à ce qu’il passe une IRM ; jusqu’à ce qu’il prenne la fuite et ralentisse sur le bord d’une route.

Pourtant, il ne regrette rien. Peut-être n’a-t-il plus assez de force pour les regrets. Peut-être son cerveau est-il déjà trop atteint. Déjà incapable de raisonner. Et si la tumeur avait pris des proportions gigantesques ? Et si…

— Tu vas aller acheter un portable, ordonne soudain Paul.

— Un portable ?

— Oui.

— Et toi ? Qu’est-ce que tu vas faire ?

— Je vais attendre ce mec en bas de chez lui… Quand tu auras le téléphone, appelle-moi. Pas avant vingt heures, de toute façon. Je te dirai où me retrouver. Si je réponds pas, c’est que je n’ai pas terminé. Alors, tu laisseras un message. D’accord ?

— D’accord… Tu me diras où tu es, hein ?

— Oui, je te dirai.

* * *

PA 354.

Paul répète sans cesse ces deux lettres et ces trois chiffres.

Une fois la rue déserte, il s’approche de la grande porte métallique.

Il compose le code, retient sa respiration. Rien ne se passe.

Sa mémoire ne peut le trahir en cet instant crucial ! Il recommence, en vain.

— Bordel de merde !

La mission commence mal. Le code a changé, sans doute. Quoi qu’il en soit, il doit élaborer une nouvelle stratégie. Il regagne la Ford, vient se garer le plus près possible de l’entrée, espérant qu’un véhicule pénètre dans le parking pour pouvoir s’y faufiler.

Il prend son paquet de Marlboro dans le vide-poches, en allume une. Il est 18 h 30, l’attente risque d’être longue. Surtout que personne ne semble vouloir entrer dans ce maudit souterrain.

Dessouder un patron : de la pure folie ! Mais lui ou un autre, c’est la même chose. Il doit mourir pour sauver Marilena. Destins croisés de deux êtres qui ne se connaîtront jamais.

Il contemple à nouveau le portrait de la cible. Un homme d’une cinquantaine d’années, le visage avenant.

La main de Paul se crispe sur la feuille.

A-t-il une épouse, des enfants ? Oui, bien sûr. Une ou deux maîtresses aussi. Combien de femmes vont le pleurer, cette nuit ?

De toute façon, les mecs comme lui sont tous des pourris ! Celui-là ne peut échapper à la règle.

Paul se le répète plusieurs fois, jusqu’à ce que cette supposition devienne certitude.

Alors, les minutes s’égrènent, interminables, angoissantes. Elles coulent lentement sur le pare-brise sale, volettent doucement sous les lampadaires classieux de ce quartier rupin, se désagrègent dans le ciel qui n’est même pas étoilé.

Ce n’est que le début de la soirée. Desrovières va peut-être faire des heures sup’, ce soir. À moins qu’il ne rentre pas chez lui…

Paul grille cigarette sur cigarette. Sa main ne tremble plus, pour le moment. Son Beretta est chargé, déjà à sa ceinture.

Il songe alors à François, ça lui réchauffe le cœur. Puis à sa tumeur, ça le glace d’effroi.

Brusquement, l’Audi grise apparaît au bout de la rue. Une impulsion électrique traverse Paul des orteils jusqu’à la racine des cheveux. Garder son sang-froid, reprendre les vieilles habitudes. Réapprendre à tuer, froidement.

Redevenir l’ange de la mort…

La grille du parking glisse lentement vers la gauche, la berline s’engouffre dans la pénombre. Paul s’élance, discret, rapide. Implacable. Il s’introduit dans le sous-sol qui ne compte qu’un niveau. Se dissimule derrière les véhicules stationnés pour armer son Beretta.

Les types comme lui sont tous des pourris. Sa vie contre celle de Marilena.

Mon sang, ma chair, ma seule famille.

L’Audi s’est arrêtée dans le fond du souterrain. Alain Desrovières en descend, un attaché-case à la main. Il récupère sa veste sur la banquette arrière, actionne la télécommande pour verrouiller les portières. Des gestes simples, mécaniques, accomplis tous les soirs.