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Le Petit sort de la poche de son blouson trois passeports.

— J’ai les faux papiers, tu vois. On n’a plus qu’à acheter les billets pour Delhi… J’ai pas pu aller les chercher, je savais pas quand tu sortirais.

— Mais comment…

— Quand tu t’es évanoui, devant l’usine, je t’ai déposé devant les urgences… Ensuite, je suis retourné à l’entrepôt récupérer le fric. Depuis, Marilena et moi, on surveille chaque jour… On t’attend.

Ils se remettent à marcher, François frissonne. L’hiver s’est installé, en dix-huit jours seulement.

— Tu as toujours le dossier ?

— Oui. J’ai une copie, aussi. Je t’attendais pour savoir quoi en faire.

Davin sourit, enfin. Prend à nouveau le gosse dans ses bras, oubliant la douleur.

— Allez, viens François… Faut pas traîner ici !

Ils approchent de la BMW. Marilena patiente, sagement assise à l’arrière. Elle lui adresse un sourire, un peu timide.

Avant de monter, François pose une dernière question.

— Pourquoi ?… Pourquoi t’es pas parti sans moi, Petit ?

Paul regarde Marilena.

— Elle a besoin d’un père.

Et plus tard un Ange, entrouvrant les portes, Viendra ranimer, fidèle et joyeux, Les miroirs ternis et les flammes mortes.
Les Fleurs du mal, CXXI, « La Mort des amants »

Épilogue

Avant de quitter la France, Pavel et François ont adressé l’enquête d’Ilaria à un grand quotidien national ainsi qu’à une chaîne de télévision.

Aucun des deux médias n’a donné écho à ces informations mettant en cause Pelizzari, son complice italien, quelques grandes firmes industrielles, chimiques et pharmaceutiques. Ainsi que plusieurs gouvernements européens ou du continent américain…

Pourtant, trois semaines plus tard, une partie des informations a filtré. Certaines images ont d’abord été diffusées en Italie, puis en Grande-Bretagne. Les journaux français et allemands ont pris le relais. Sans jamais citer personne. Aucun dirigeant, aucun groupe industriel n’a été mis en cause explicitement. Aucun lien n’a été fait avec le carnage de Lyon.

Ces images chocs ont ému l’opinion. Pendant quelques jours.

Quelques jours, pas plus.

Avant de tomber aux oubliettes.

Et les camions sont revenus sur nos routes… Les bateaux attendent à nouveau leur cargaison mortelle dans nos ports.

Huit mois après son arrivée à Delhi, François est mort. Il a succombé à une overdose de morphine.

Après l’injection, Pavel n’a pas lâché sa main.

Il vit désormais avec sa sœur, sous une fausse identité, quelque part en Amérique du Sud. Finalement, il a ressorti son Beretta du coffre où il l’avait soigneusement enfermé.

Pour toujours, croyait-il.

Mais François parti, le tueur est revenu.

Pour Marilena, Pavel a dépensé une grande partie de l’argent de la drogue. Pour qu’elle connaisse la chaleur et la sécurité, qu’elle aille dans la meilleure école. Qu’elle ait une vie, une vraie.

Pour qu’elle ne soit jamais l’esclave de personne.

Qu’elle soit libre.

Comme lui, aujourd’hui.

Tous les soirs, avant de s’endormir, il songe à François.

Tu vois, Petit, Satan était un ange… Et il le redeviendra.

Je suis un prophète. Qui annonce mort et destruction.

Je suis la main de Satan et rien d’autre.

Mais quand j’aurai traversé l’enfer d’une vie, je redeviendrai l’enfant que j’étais.

Je redeviendrai un ange.

« Et Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni labeur ; parce que les premières choses auront disparu. »
Apocalypse selon Saint Jean, chapitre 21

Le 20 mars 1994, la journaliste italienne Ilaria Alpi et Miran Hrovatin, son cadreur, ont été assassinés à Mogadiscio, en Somalie. Ilaria menait une enquête sur un trafic international de déchets toxiques et avait réuni suffisamment de preuves pour faire éclater le scandale. L’assassinat n’a jamais été élucidé et tous les documents réunis par cette grande journaliste ont disparu. Elle avait 33 ans.

Les autres personnages de ce roman sont le fruit de mon imagination.

Au moment de clore ce nouveau chapitre, j’ai une pensée toute particulière pour Jacky Pop et WoôManh qui ont grandement contribué à la genèse de ce roman.

Pour leur aide précieuse, je tiens à remercier Céline Thoulouze, Céline Gonzalez et Jean-François Lanvin.

Je remercie également l’association GREENPEACE qui m’a permis de trouver plus d’informations sur le trafic international de déchets toxiques.

Et enfin, je remercie celles et ceux qui ont accepté de lire ce roman avant qu’il ne paraisse afin de me donner leur avis sincère : Valérie, Anne et Philippe, Xavier-Marie, et Liliane, ma maman.

L’auteur

Karine Giébel a été deux fois lauréate du Prix Marseillais du Polar : en 2005 pour son premier roman Terminus Elicius et en 2012 pour son sixième livre Juste une ombre, également Prix Polar francophone à Cognac. Les Morsures de l’ombre, son troisième roman, a reçu le Prix Intramuros, le Prix Polar SNCF et le Prix Derrière les murs. Meurtres pour rédemption est considéré comme un chef-d’œuvre du roman noir. Ses livres sont traduits dans plusieurs pays, et pour certains, en cours d’adaptation audiovisuelle.

Satan était un ange est son huitième roman.