On l’embarqua. Sale temps pour les libellules ! Il allait falloir prévenir sa veuve, cette ogresse qu’il redoutait si fort, mais dont il baisait malgré tout la fille nubile.
Je me dis que le père Pinuche, avec sa bouille de chef croque-mort, ferait admirablement l’affaire.
UN PASSAGE NOMMÉ ATABAC
Le Vieux, à NOTRE bureau.
Il est aménagé pour (pas le Vieux, le burlingue) deux sous-mains, deux encriers, deux fauteuils. Depuis qu’il a rempilé en qualité de codirlo avec ma pomme[2], Chilou met tout en œuvre pour avoir l’air plus jeune que moi : massages faciaux, costumes clairs, traitement prolongé au Gériavit Pharmaton et au Ginsana G 115 ; il va même jusqu’à faire teindre sa calvitie en blond ! Au lieu d’être joyce de son retour à la Fabrique Pébroc, il est jaloux de ma présence ; aussi occupé-je mon siège le moins possible, lui abandonnant l’usage presque total des lieux (baisodrome attenant y compris).
Au moment où j’arrive de notre expédition ratée, il est en grande conversation avec une magnifique créature rousse assise sur le bureau, jambes ouvertes, les mains en arrière pour soutenir l’ensemble. Il lui parle à bout portant dans la chatte. La personne n’en ressent, dirait-on, qu’un plaisir mitigé car elle regarde une toile, appartenant au Mobilier national, représentant un cerf fortement cocu, forcé par des chiens de meute dans un hallier pas si Edern que ça.
Le Dabe n’a pas perçu ma venue et ce pour deux raisons complémentaires : il devient dur de la feuille et les cuisses de sa visiteuse composent les plus merveilleuses boules Quiès jamais vendues en pharmacie.
J’adresse un sourire à la rousse.
Elle y répond par un autre plein de drôlerie et je lis dans ses yeux un truc mutin, genre « Vous voyez ce que ce vieux gland me fait ? Ne dirait-on pas qu’il mange sa soupe sans son dentier ? » Je ne suis pas certain qu’elle veuille exprimer très exactement cela, mais dans les grandes lignes, ça devrait concorder.
Je m’approche à pas de loup et roule une pelle à la bénéficiaire de ce cunnilingus. Du coup, ça la stimule et la voilà qui trouve soudainement exquis de se faire allonger le berlingot ; ce que voyant, je lui masse en même temps les deux hémisphères. La rouquine jolie délire, se met à savonner comme une folle. Elle trémulse du joufflu ; pousse des cris qui parviennent aux tympans fanés du Dabe. Ne se sent plus, Achille. Passe des babines subtropicales de la personne à son petit borgne méfiant. La gentille déflaque bientôt en hurlant un prénom masculin, celui d’un certain Hervé qui n’est pas là, mais ça tombe bien car on n’a pas besoin de lui.
Aussitôt, je m’éloigne tandis que la menteuse de Chilou court sur son erre. Lorsqu’il sort sa tronche du sac à passion, je suis assis devant un dossier qui paraît mobiliser toute mon attention.
— Ah ! vous étiez là, Antoine ! remarque-t-il sans se formaliser.
— C’était trop beau pour que je me retirasse, réponds-je. Fichtre, on peut dire que vous n’avez rien perdu de vos qualités casanovesques !
Il sort sa pochette pour s’en tamponner les lèvres.
— Je dois admettre…
Il biche tu sais comme quoi ? Un pou ! Rien n’est plus fabuleux pour un vieux kroum que d’entendre ce genre de flatterie.
— Ma chère petite, fait-il à la fille, permettez-moi de vous présenter mon adjoint direct, M. San-Antonio.
La fille descend du bureau et me tend la main :
— Je m’appelle Madonna, dit-elle.
— Prénom célèbre ! renchéris-je.
— Ma mère adorait cette vedette à ses débuts et a tenu à me donner son nom, explique la rousse.
Là-dessus, la Madone remet sa jolie culotte transparente qui ne protège que de la poussière.
Jadis, Achille n’assistait jamais aux interrogatoires. C’était, à ses yeux, le boulot « grossier » de ses services. Il attendait les résultats en téléphonant à ses relations du Jockey-Club. Maintenant, sa cure de rajeunissement l’y poussant, il veut participer. De ce fait, nous sommes donc quatre, dans le bureau de l’officier de police Bérurier, pour « entendre » l’assassin de M. Marmelard Roger. Sommes réunis (si je puis dire) : Achille, Béru, M. Blanc et moi.
Pépère, bien sûr, s’est installé derrière le bureau du Gros, jonché de peaux de saucissons, de croûtons de pain, de coquilles d’œufs, de papiers gras, d’arêtes de harengs saurs (le poisson préféré du Gros, car il donne soif), de giclées de sperme (Sa Majesté baise beaucoup d’indicatrices), de photographies pornos (ça aide à décider les récalcitrantes), de tubes de vaseline épuisés (l’ampleur de son membre les rend indispensables) et de préservatifs qui éclatèrent avant que d’être utilisés (pour la raison précédente, mais les bénéficiaires de ses ardeurs ne s’en aperçoivent que le mois d’après, tellement qu’il feint bien d’être capoté, le bougre !).
— Si qu’ tout l’ monde y s’rait prêt, j’fais z’entrer le toro dans la reine ! annonce ce cher garçon.
Un assentiment du Vieux confirme l’intention.
Alors Bérurier décroche son téléphone.
— Branquille ? demande-t-il.
Ce doit être affirmatif car il balance un formidable rot dans le tympan de son correspondant. Cette exhalaison répand aussitôt une odeur de gueuze Lambic dégueulée au petit jour dans le bureau.
— Je vois que vous n’avez pas changé, Bérurier, soupire le Raclé de la touffe : toujours vos manières exquises d’homme du monde !
— Amène le clille, Branquille ! ordonne le Mammouth, sèchement et en vers, avant de tordre la fourche du combiné en raccrochant.
— Vous non plus, v’ n’avez pas changé, m’sieur l’codirecteur, grommelle-t-il, av’c vous, y a toujours des r’montracions à la clé !
My opinion est qu’il va devoir ramer, le Dabe, pour récupérer son autorité impériale. Un pote à moi disait toujours qu’il vaut mieux un mauvais commandant sur un navire que deux bons ; je sens qu’on va vérifier avant peu la justesse de cet adage.
L’inspecteur Branquille pousse devant lui le meurtrier de Roger Marmelard. Débarrassé de son casque de cycliste et de ses lunettes noires, il n’a rien d’un tueur à gages, le mec.
Il est grand, légèrement voûté, a un nez busqué, des cheveux qui clairsèment sur le dessus, une profonde cicatrice ancienne, de la bouche à l’oreille gauche. Son regard exprime l’anéantissement le plus complet.
— Veuillez prendre la déposition de cet individu, San-Antonio, m’enjoint Chilou.
Dis, où ça va, ce ton péremptoire ? Il n’a rien pigé à la distribution des rôles, le Fané !
— Nous allons appeler une secrétaire, mon cher Achille, lui décoché-je, calmos.
Il cabre sous le double coup d’éperons, mais ravale sa déconvenue comme tu ravales un glave dans le salon d’apparat de l’Elysée.
Je tube à Francine, ma gente secrétaire, de se pointer avec sa portable à traitement de texte, la machine à écrire qui rouille dans le burlingue du Gros étant inapte à tous travaux. Il s’agit d’une Remington dont se servait déjà l’aide de camp de Napoléon Pommier à Marignan.
Pendant ces échanges, le coupable reste debout et menotté au centre de la pièce. Il garde la tête baissée et ses lèvres remuent faiblement comme pour une prière d’agonique.
Francine est une ravissante nière qui a dépassé la trentaine. Style « brune piquante », aux formes comestibles. Bien sûr que je l’ai tirée d’entrée de jeu, mais son manque d’enthousiasme pour la chose m’a vite fait comprendre qu’elle choppait son feu d’artifesses ailleurs et que la veuve Clito l’intéressait davantage que le gourdin en chêne massif.
2
Je te répète qu’il faut lire