Выбрать главу

— Et alors ?

— Alors, nous conclurons le marché.

— Je ne suis pas de cet avis.

— Vous pensez sans doute que ce serait trahir le Mulet ? Il n’en sera rien.

— Non. Non, le Mulet est de taille à déjouer toutes vos trahisons, aussi ingénieuses soient-elles. Mais je ne suis toujours pas de votre avis.

— Selon vous, nous sommes incapables de jouer au plus fin avec les membres de la Seconde Fondation ?

— C’est possible, mais ce n’est pas la véritable raison. »

Channis laissa tomber son regard sur ce que l’autre tenait dans sa main et dit avec une fureur contenue : « Ce serait donc cela la véritable raison ? »

Pritcher brandit son pistolet : « Vous avez deviné. Je vous arrête.

— Pourquoi ?

— Je vous accuse de trahison contre le Premier Citoyen de l’Union. »

Les lèvres de Channis se durcirent : « Qu’est-ce qui vous prend ?

— Trahison, je vous le répète et, pour ma part, je prends les mesures en conséquence.

— Quelles preuves avez-vous ? De vagues présomptions, des rêveries ? Etes-vous devenu fou ?

— Non. Et vous ? Croyez-vous que le Mulet confie à de jeunes écervelés, à peine sevrés, de bouffonnes missions pour qu’ils puissent à loisir jouer les matamores ? Cela m’avait paru bizarre au début. J’ai perdu bien du temps à douter de moi-même. Pourquoi son choix s’était-il porté précisément sur vous ? A cause de vos sourires enjôleurs ? De vos vêtements bien coupés ? Parce que vous avez vingt-huit ans ?

— Parce qu’on peut me faire confiance. Votre logique a-t-elle des raisons que la raison ne connaît pas ?

— Disons plutôt, parce qu’on ne peut pas vous faire confiance. Ce qui est assez logique, vu les circonstances.

— Faisons-nous assaut de paradoxes, ou s’agit-il d’un jeu à qui dira le moins de choses en employant le plus de paroles ? »

Le pistolet avança, suivi de Pritcher. Il se tenait tout droit devant l’homme plus jeune. « Debout ! »

Channis obéit, mais sans aucune hâte spéciale, et les muscles de son estomac ne se contractèrent nullement lorsque le canon de l’arme vint se poser sur sa ceinture.

« Ce que voulait le Mulet, dit Pritcher, c’était découvrir la Seconde Fondation. Il avait échoué, j’avais échoué, et un secret que ni l’un ni l’autre de nous ne peut percer est un secret bien caché. Il ne restait qu’une possibilité : dénicher un chercheur qui connaissait déjà la cachette.

— C’est de moi qu’il s’agit ?

— Apparemment. A l’époque, je n’en savais rien, naturellement : mais si l’âge a quelque peu ralenti mes réflexes, je sais toujours discerner où se trouve mon devoir. Avec quelle facilité étonnante nous avons trouvé Star’s End ! Avec quelle sûreté miraculeuse vous avez choisi, parmi un nombre infini de possibilités, la région correcte du champ du Lens ! Après quoi, avec quel bonheur nous tombons précisément sur le point correct, parmi tant d’autres qui s’offraient à notre observation ! Stupide maladroit ! M’avez-vous à ce point sous-estimé que vous ayez cru pouvoir me faire avaler cette incroyable accumulation de hasards soi-disant fortuits ?

— Vous voulez dire par-là que j’ai trop bien réussi ?

— Dix fois trop pour un homme loyal.

— Parce que les chances de succès que vous aviez bien voulu m’accorder étaient tellement basses ? »

Le canon du pistolet s’enfonça dans son estomac. Dans le visage de Pritcher, seule la lueur froide qui commençait à briller dans les yeux trahissait la colère grandissante.

« Parce que vous êtes à la solde de la Seconde Fondation !

— La solde ? » Et, avec un infini mépris : « Prouvez-le !

— Ou sous son influence mentale.

— A l’insu du Mulet ? Ridicule !

— Non pas à l’insu du Mulet, mon jeune étourneau. Avec sa pleine connaissance. Autrement, vous imaginez-vous qu’on vous aurait confié un astronef pour vous servir de jouet ? Vous nous avez menés à la Seconde Fondation, comme il était prévu.

— Puis-je m’informer du mobile qui me pousserait à une telle conduite ? Si j’étais un traître, comme vous le dites, pour quelle raison vous mènerais-je au cœur de la Seconde Fondation ? Pourquoi ne vous aurais-je pas entraîné gaiement de-ci de-là, à travers la Galaxie, pour finir, comme vous, par rentrer bredouille ?

— A cause de l’astronef. Parce que les hommes de la Seconde Fondation ont évidemment besoin de l’arme atomique pour assurer leur défense.

— Il faudrait bien autre chose que cela. Un seul astronef ne signifierait rien pour eux, et s’ils s’imaginent qu’il leur suffira de l’examiner pour assimiler la science nécessaire et construire une usine atomique l’année suivante, ces gens de la Seconde Fondation sont vraiment de pauvres naïfs. Aussi naïfs que vous, dirais-je.

— Vous aurez l’occasion d’expliquer tout cela au Mulet.

— Nous retournons donc sur Kalgan ?

— Au contraire. Nous demeurons ici. Et le Mulet nous rejoindra dans un quart d’heure environ. Vous pensiez donc qu’il ne nous avait pas suivis, mon cher jeune homme à l’esprit agile, à l’imagination fertile ? Mais la trop haute opinion que vous avez de vos mérites vous aveugle. Vous avez joué le rôle inverse d’un leurre. Vous n’avez pas attiré vers nous nos victimes, mais vous nous avez certainement menés vers elles.

— Puis-je m’asseoir, dit Channis, et vous expliquer quelque chose au moyen d’un croquis ? Je vous en prie.

— Restez debout.

— Après tout, je puis aussi bien vous le dire debout. Vous pensez que le Mulet nous a suivis à cause de la présence de l’hypertraceur dans le circuit de communication ? »

Il se pouvait que le pistolet eût tremblé, Channis n’aurait pu en jurer.

« Vous ne paraissez pas surpris, dit-il. Mais je ne perdrai pas de temps à supputer ce qui se passe au fond de vous. Oui, je connaissais ce fait. Et maintenant, après vous avoir montré que je connaissais un secret dont vous me pensiez ignorant, je vais vous révéler quelque chose dont je sais que vous n’êtes pas informé.

— Pas tant de préambules, Channis. J’aurais cru que votre imagination fonctionnait mieux.

— Il ne s’agit pas le moins du monde d’imagination. Il y a eu des traîtres ou, si vous préférez, des agents ennemis. Mais le Mulet avait appris la vérité d’une façon assez curieuse. Il apparaît que certains de ses hommes convertis ont été influencés. »

Cette fois, il n’y avait pas à s’y tromper, le pistolet avait frémi.

« C’est sur ce point que j’attire tout spécialement votre attention, Pritcher. C’est la raison pour laquelle il avait besoin de moi. Je ne suis pas un converti. N’a-t-il pas mis l’accent sur ce point en votre présence, qu’il vous ait ou non donné ses véritables raisons ?

— Trouvez autre chose, Channis. Si j’étais contre le Mulet, je le saurais. » Avec calme et rapidité, Pritcher fouillait son esprit. Rien de changé. L’homme mentait de toute évidence.

« Vous voulez dire que votre loyauté à l’égard du Mulet demeure intacte ? Peut-être. Cette loyauté n’a pas été influencée. Un revirement eût été trop aisément décelable, a dit le Mulet. Mais comment vous sentez-vous du point de vue mental ? Depuis le début de ce voyage, avez-vous toujours été dans votre état normal ? N’avez-vous pas éprouvé parfois des sensations bizarres, comme si vous n’étiez plus tout à fait vous-même ? »