– Et ? ajouta Valérie.
– Et quoi ?
– Et tu t'intéresseras un peu plus à mon métier ?
– Mais tout ce qui te concerne m'intéresse, tu veux que je lise tes comptes-rendus opératoires ?
– Non, répondit Valérie en riant, je voudrais que tu me rendes visite à mon cabinet, ne serait-ce qu'une fois, pour que je te montre à quoi ressemblent mes journées.
– Tu veux que je vienne voir les écuries de la police montée ?
– Entre autres, et mon bureau, la salle d'opération, le laboratoire d'analyses...
– Je crois que j'aurais préféré que tu t'occupes de caniches... La seule raison pour laquelle je ne suis jamais venu te rendre visite c'est que j'ai une peur bleue des chevaux.
Valérie regarda Andrew et lui sourit.
– Tu n'as rien à craindre d'eux. Les lignes que je viens de lire sont bien plus effrayantes que le plus fougueux de nos étalons.
– Fougueux à quel point ? demanda Andrew.
Il se leva.
– Où vas-tu ? demanda Valérie.
– Allons prendre l'air, j'ai envie que nous allions nous promener dans le Village et de te faire découvrir un endroit où nous dînerons en amoureux.
Alors qu'Andrew posait un manteau sur les épaules de Valérie, elle se retourna et lui demanda :
– Qu'est-ce qui est arrivé à Rafaël et Isabel, à María Luz ?
– Plus tard, répondit Andrew en refermant la porte de l'appartement, plus tard je te raconterai tout.
*
Andrew arriva au journal vers 8 h 30. Il passa à la sécurité et s'arrêta à la cafétéria prendre un café avant de monter à son bureau.
Assis à sa table de travail, il alluma son ordinateur, tapa son mot de passe et entreprit une série de recherches. Un peu plus tard, il attrapa un bloc-notes et un stylo.
Monsieur Capetta,
Votre épouse a posté sa lettre de Chicago, le timbre a été oblitéré dans un bureau de poste en face de Warren Park.
Je suis profondément désolé de tout ce qui vous est arrivé.
Salutations sincères,
Andrew Stilman
P.-S : Vérifiez par vous-même, mais sur les images de ce parc que j'ai pu consulter sur Internet, il m'a semblé apercevoir une aire de jeux pour enfants...
Andrew glissa son mot dans une enveloppe, recopia l'adresse du destinataire et la déposa dans le panier qui recueillait le courrier en partance.
En retournant à son poste, il ne put s'empêcher de songer aux derniers mots de Capetta au sujet de sa femme.
« À votre place, je ne prendrais pas ses menaces à la légère. »
Et Chicago ne se trouvait qu'à deux heures d'avion de New York...
Son téléphone sonna, la réceptionniste l'informa qu'un visiteur l'attendait à l'accueil au rez-de-chaussée.
Andrew se dirigea vers l'ascenseur. Dans la cabine, il fut parcouru d'un violent frisson et ressentit une douleur sourde au bas du dos.
*
– Vous n'avez pas très bonne mine, constata l'inspecteur Pilguez.
– La fatigue sûrement, je ne sais pas ce que j'ai, je suis frigorifié.
– C'est étrange, vous êtes en sueur.
Andrew se passa la main sur le front.
– Vous voulez vous asseoir un instant ? suggéra Pilguez.
– Sortons, j'ai besoin de prendre l'air, dit Andrew.
Mais, soudain, la douleur se fit telle qu'il ne put faire un pas de plus. Pilguez le retint dans sa chute alors que ses jambes se dérobaient.
Lorsque Andrew recouvra ses esprits, il était allongé sur une banquette dans le hall. Pilguez était à côté de lui.
– Vous reprenez des couleurs. Vous m'avez fait peur, je vous ai vu partir d'un coup. Vous faites souvent ce genre de malaise ?
– Non, enfin, avant, cela ne m'arrivait jamais.
– C'est le stress, mon vieux, soupira Pilguez. Je sais de quoi je vous parle, on perd tous ses moyens quand on a la trouille. Le cœur palpite, les oreilles bourdonnent, on s'enfonce dans de la ouate, les sons se font distants et paf, on se retrouve le cul par terre. Vous nous avez fait une petite crise d'angoisse.
– Peut-être bien.
– Avez-vous parlé de votre histoire à quelqu'un d'autre que moi ?
– À qui voulez-vous que je raconte ce qui m'arrive, qui me croirait ?
– Vous n'avez pas d'amis ?
– Bien sûr que si !
– De nombreux amis sur qui vous pouvez compter en toutes circonstances ? demanda Pilguez d'un air goguenard.
Andrew soupira.
– D'accord, je suis plutôt solitaire, mais Simon est comme un frère, et mieux vaut une amitié sincère que des camaraderies superficielles.
– L'un n'empêche pas l'autre. Vous devriez parler à ce Simon et partager avec lui votre histoire. Il vous reste huit semaines pour trouver votre assassin.
– Merci de me le rappeler. J'y pense du matin au soir et du soir au matin. Et même si j'arrivais à l'oublier un instant, cette douleur aussi revient me rappeler l'échéance qui approche.
– Plus les jours passeront, plus vous aurez besoin de compter sur quelqu'un.
– C'est votre façon de me dire que vous me laissez tomber ?
– Ne faites pas cette tête-là, Stilman, c'est juste un conseil. Je n'ai aucune intention de vous lâcher, mais il faudra bien que je retourne chez moi. J'ai une vie, une femme qui m'attend et je ne suis qu'un policier à la retraite. Je continuerai à mener mon enquête à New York jusqu'à votre départ pour l'Argentine. Après, il y a le téléphone, et puis je me suis mis à l'internet récemment. Avec toutes ces années passées à taper des rapports sur des machines à écrire, je pianote plutôt bien. En attendant, je veux que vous alliez tout raconter à votre ami, et c'est un ordre.
– Pourquoi êtes-vous venu me voir ce matin, vous avez du neuf ?
– La liste des gens susceptibles de vous en vouloir s'est allongée hier soir, et cela n'arrange pas nos affaires. Je vais me mettre sur la piste de l'ex-Mme Capetta. De votre côté, intéressez-vous de plus près aux états d'âme de votre collègue Freddy Olson. J'aimerais aussi en savoir plus sur votre patronne.
– Je vous l'ai déjà dit, vous faites fausse route avec Olivia.
– Si ma vie était en jeu, je peux vous assurer que je n'ignorerais personne. D'ailleurs, je suis désolé de remettre ça sur le tapis, mais il y a quelqu'un d'autre sur ma liste.
– Qui donc ?
– Votre femme, que vous avez plaquée le lendemain de son mariage.
– Valérie serait incapable de faire du mal à une mouche.
– Normal, elle est vétérinaire. Mais elle aurait pu être tentée de faire du mal à un homme qui lui en a beaucoup causé. Vous n'imaginez pas combien humiliation et imagination s'accordent quand il s'agit de se venger. Et puis, elle côtoie des policiers à longueur de journée.
– Et alors ?
– S'il était venu à l'idée de mon épouse de me faire la peau, elle aurait été plus inventive qu'un scénariste de séries policières.
– Vous vous êtes piqué au jeu, inspecteur, ou vous me croyez vraiment, maintenant ?
– Ne jouons pas sur les mots, Stilman, vous serez toujours plus fort que moi dans ce domaine. Suivez-moi.
– Où allons-nous ?
– Sur les lieux d'un crime qui n'a pas encore eu lieu.
14.
– Vous l'avez loué ? demanda Andrew quand Pilguez lui fit signe de monter à bord d'un Ford 4 × 4 noir garé devant le journal.