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– C'est un prêt.

– Avec une radio de police, siffla Andrew. Où avez-vous déniché cette voiture ?

– Mettez votre ceinture et refermez la boîte à gants. C'est tout de même un monde de se croire tout permis comme ça. Si j'avais été toubib, je me serais fait prêter une ambulance, ça vous va comme réponse ?

– Je n'étais encore jamais monté dans une voiture de flic.

Pilguez regarda Andrew et sourit.

– D'accord, j'ai compris, dit-il en se penchant vers la boîte à gants.

Il attrapa le gyrophare, le posa sur le tableau de bord et enclencha la sirène.

– Ça vous plaît, comme ça ?

– Beaucoup, répondit Andrew en s'accrochant à son fauteuil alors que Pilguez accélérait.

Dix minutes plus tard, l'inspecteur garait la Ford au croisement de Charles Street et du West End Highway.

Andrew le guida vers l'allée où il avait pour habitude de faire son jogging matinal. Ils s'arrêtèrent à la hauteur du Pier no 4.

– C'est là que ça s'est passé, rien que de me trouver ici relance la douleur.

– C'est psychosomatique ! Respirez à fond, ça vous fera le plus grand bien. Quand vous repensez à ce rêve prémonitoire, vous arrivez à identifier l'arme du crime ? demanda Pilguez en parcourant l'horizon du regard.

– Ce n'était pas un rêve prémonitoire !

– D'accord, ça s'est produit et ça se produira encore si nous perdons notre temps à nous disputer.

– On m'a attaqué dans le dos. Quand j'ai compris ce qui m'arrivait, je baignais déjà dans mon sang.

– Il venait d'où, ce sang ?

– Je le crachais par la bouche et le nez.

– Essayez de vous souvenir, rien au niveau du ventre ?

– Non, pourquoi ?

– Parce qu'une balle tirée à bout portant fait plus de dégâts à son point de sortie qu'à son point d'impact. Si on vous avait tiré dessus, vos intestins se seraient retrouvés projetés sur le bitume, vous vous en seriez rendu compte.

– Et si l'on m'avait visé de beaucoup plus loin, avec un fusil à lunette par exemple ?

– C'est justement ce que je regardais. Aucune toiture de l'autre côté du Highway n'offre un point de vue suffisamment plongeant pour que l'on puisse atteindre un coureur parmi d'autres à une telle distance. Et puis, vous m'avez bien dit que vous étiez mort un 10 juillet ?

– Le 9, pourquoi ?

– Levez la tête : bientôt la frondaison des arbres occultera totalement cette allée. Le coup a été porté à l'horizontale par quelqu'un qui vous suivait.

– Je n'ai ressenti aucune douleur au ventre.

– Alors c'est à l'arme blanche qu'on vous a tué, reste à savoir quel genre. Respirez, je vous trouve à nouveau très pâle.

– Cette conversation n'est pas très agréable.

– Où peut-on le trouver, ce Simon ?

– À cette heure-ci, à son bureau. Il tient un atelier de voitures anciennes sur Perry Street.

– Ça tombe bien, c'est à deux pas d'ici et j'adore les vieilles voitures.

*

Pilguez resta bouche bée en entrant dans le garage. Une Chrysler Newport, une De Soto, une Plymouth cabriolet beige, une Thunderbird de 1956, une Ford Crestline de 1954 et bien d'autres modèles étaient rangés dans un parfait alignement sur un sol immaculé. L'inspecteur se dirigea vers une Packard Mayfair.

– Incroyable, murmura-t-il, mon père avait la même, je n'en avais pas vu une depuis si longtemps.

– C'est que très peu ont été fabriquées, expliqua Simon en s'approchant. D'ailleurs, je ne vais pas garder celle-ci très longtemps, c'est un modèle si rare, je ne lui donne pas jusqu'à vendredi avant de trouver son nouveau propriétaire.

– Arrête ton baratin, nous ne sommes pas venus t'acheter une voiture, dit Andrew en s'approchant. Monsieur est avec moi.

– Tu es là ! Tu aurais pu t'annoncer quand même.

– Pourquoi, il faut que je t'envoie un bristol avant de passer ? Je peux repartir, si tu veux.

– Mais non, c'est juste que...

– Il déteste que je le surprenne en train de faire son numéro de marchand de tapis, dit Andrew à Pilguez. Vous avouerez qu'il est parfait dans ce rôle, non ? Une voiture aussi rare, je ne lui donne pas jusqu'à vendredi avant de trouver un nouveau propriétaire... Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre ! Il l'a sur les bras depuis deux ans, on est partis en week-end avec l'été dernier, et, en plus, on est tombés en panne, c'est vous dire !

– Bon, ça va, je crois que monsieur a compris. Tu veux quelque chose, parce que j'ai du travail, moi.

– C'est sympathique votre amitié, siffla Pilguez.

– On peut aller dans ton bureau ? demanda Andrew.

– Tu fais une drôle de tête, tu as des problèmes ?

Andrew resta silencieux.

– Quel genre de problèmes ? insista Simon.

– Ce serait mieux d'aller discuter dans votre bureau, reprit Pilguez.

Simon fit signe à Andrew d'emprunter l'escalier qui menait à la mezzanine.

– Sans vouloir être indiscret, demanda-t-il à Pilguez en fermant la marche, vous êtes qui ?

– Un ami d'Andrew, mais ne soyez pas jaloux, il n'y aura aucune rivalité entre nous.

Simon installa ses invités face à lui, dans deux fauteuils club et Andrew lui raconta son histoire.

Simon l'écouta sans l'interrompre et lorsque, une heure plus tard, Andrew lui dit qu'il lui avait tout raconté, Simon le regarda longuement et décrocha son téléphone.

– J'appelle un copain médecin avec qui je vais skier chaque hiver, c'est un très bon généraliste. Tu dois avoir du diabète. J'ai entendu dire que si le taux de sucre devenait trop important, ça pouvait provoquer des turbulences sous le chapeau. Ne t'inquiète pas, quoi que ce soit, on va trouver...

– Ne vous fatiguez pas, dit Pilguez en posant sa main sur le téléphone, je lui ai proposé les services d'une amie neurologue, mais votre ami est certain de ce qu'il avance.

– Et vous cautionnez son histoire ? dit Simon en se tournant vers Pilguez, belle influence, bravo.

– Monsieur le garagiste, je ne sais pas si votre ami a l'esprit dérangé ou non, mais je sais reconnaître quelqu'un de sincère. En trente-cinq ans dans la police, il m'est arrivé d'être confronté à des affaires qui sortaient totalement de la normalité. Je n'ai pas démissionné pour autant.

– Vous êtes flic ?

– Je l'étais.

– Et moi, je ne suis pas garagiste, mais marchand d'art. Passons. Quel genre d'affaires ?

– Sur l'une de mes toutes dernières enquêtes, un type avait enlevé une femme dans le coma sur son lit d'hôpital.

– Ce n'est pas banal, siffla Simon.

– Celui que je suspectais était un architecte, un sacré bonhomme. J'ai très vite été certain de sa culpabilité, mais quelque chose ne collait pas, le mobile m'échappait. Débusquer un criminel sans cerner ses motivations, ce n'est que la moitié du travail accompli. Cet homme, tout ce qu'il y a de plus normal, n'avait aucune raison de commettre un tel acte.

– Qu'avez-vous fait ?

– Je l'ai filé et j'ai retrouvé la jeune femme en quelques jours. Il l'avait cachée dans une vieille maison abandonnée du côté de Carmel.

– Vous l'avez arrêté ? demanda Simon.

– Non, il avait enlevé cette femme pour la soustraire à son médecin et à sa famille. Tout ce petit monde avait décidé de la débrancher. Il prétendait qu'elle s'adressait à lui, qu'elle lui était apparue dans son appartement et l'avait appelé au secours. Absurde comme histoire, non ? Mais il était si sincère, et puis, finalement, il avait plutôt bien fait, la jeune femme est sortie de son coma peu de temps après que je l'ai ramenée à l'hôpital. Donc, j'ai égaré le dossier de l'enquête, si vous voyez ce que je veux dire, considérant que d'une certaine manière cet homme avait porté assistance à une personne en danger.