– Merci, Simon.
*
Andrew et Simon eurent droit à une fouille en règle avant que le policier de faction ne les laisse entrer.
Andrew s'approcha de l'homme qui somnolait. Il ouvrit les yeux.
– Vous n'êtes pas médecins, n'est-ce pas ? Qu'est-ce que vous fichez là ?
– Je suis journaliste, je ne vous veux aucun mal.
– Allez raconter ça à un politicien..., grimaça l'homme en se redressant dans son lit. Je n'ai rien à vous dire.
– Je ne suis pas là dans le cadre de mon métier, dit Andrew en s'approchant du lit.
– Foutez-moi le camp ou j'appelle !
– J'ai été poignardé moi aussi, comme vous, et deux autres personnes ont subi le même sort dans des circonstances similaires. Je me demande s'il ne s'agit pas du même agresseur. Je veux juste savoir si vous vous souvenez de quelque chose. Son visage ? L'arme avec laquelle il vous a frappé ?
– On m'a attaqué dans le dos, vous êtes stupide ou quoi !
– Et vous n'avez rien vu venir ?
– J'ai entendu des pas derrière moi. Nous étions plusieurs à sortir du parc, j'ai juste senti une présence se rapprocher. J'ai eu de la chance, un centimètre plus haut et ce salaud touchait l'artère. Je me serais vidé de mon sang avant d'arriver ici. D'ailleurs les médecins m'ont dit que si l'hôpital n'avait pas été aussi près, je ne m'en serais pas sorti.
– Je n'ai pas eu cette chance-là, soupira Andrew.
– Vous m'avez l'air plutôt en forme.
Andrew rougit et regarda Simon qui levait les yeux au ciel.
– Vous avez perdu connaissance tout de suite ?
– Presque, répondit McKenzie, j'ai cru apercevoir mon assassin me dépasser et filer en courant, mais ma vision était trouble, je serais incapable de vous le décrire. J'allais rendre visite à une cliente, on m'a dérobé pour dix mille dollars de marchandise. C'est ma troisième agression en cinq ans, cette fois je demande un permis de port d'armes et pas limité au vingt mètres carrés de ma bijouterie. Et vous, un journaliste, qu'est-ce qu'on vous a piqué ?
Et pendant qu'Andrew et Simon se trouvaient au Lenox Hospital, Freddy Olson fouillait les tiroirs de son collègue, à la recherche du mot de passe qui lui permettrait d'accéder au contenu de son ordinateur.
*
– Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? demanda Simon sur le trottoir en sortant de l'hôpital.
– Je vais voir Valérie.
– Je peux t'accompagner ?
Andrew resta silencieux.
– Je comprends. Je te téléphonerai plus tard.
– Simon, promets-moi de ne pas retourner au journal.
– Je fais ce que je veux.
Simon traversa la rue en courant et sauta dans un taxi.
*
Andrew déclina son identité à l'accueil. Après avoir passé un appel, le sergent de faction lui indiqua le chemin à prendre.
L'endroit où travaillait Valérie ne ressemblait en rien à l'idée qu'Andrew s'en était faite.
Il pénétra dans une enceinte carrée. Au fond de la cour s'étirait un bâtiment longiligne dont la modernité l'étonna. Les écuries en occupaient le rez-de-chaussée. Une porte au centre ouvrait sur un long couloir qui menait vers les offices vétérinaires.
Valérie était au bloc opératoire. L'un de ses auxiliaires pria Andrew de l'attendre dans la salle de repos. Lorsque Andrew y entra, un officier de police se leva d'un bond.
– Vous avez des nouvelles, l'intervention s'est bien déroulée ?
Andrew allait de surprise en surprise. Cet homme, à la carrure imposante et face auquel il aurait avoué tout et n'importe quoi pour ne pas le mettre en colère, semblait totalement désemparé.
– Non, aucune, dit Andrew en s'asseyant. Mais ne vous inquiétez pas, Valérie est la meilleure vétérinaire de New York. Votre chien ne pouvait pas tomber en de meilleures mains.
– C'est bien plus qu'un chien, vous savez, soupira l'homme, c'est mon collègue et mon meilleur ami.
– Quelle race ? demanda Andrew.
– Un retriever.
– Alors mon meilleur ami doit lui ressembler un peu.
– Vous avez un retriever, vous aussi ?
– Non, le mien est plutôt du genre bâtard, mais très intelligent.
Valérie entra dans la pièce et s'étonna d'y trouver Andrew. Elle se dirigea vers le policier pour lui annoncer qu'il pouvait aller voir son chien en salle de réveil, l'opération s'était bien déroulée. D'ici quelques semaines, et après un peu de rééducation, il serait bon pour le service. Le policier s'éclipsa aussitôt.
– C'est une agréable surprise.
– Qu'est-ce qu'il avait ? demanda Andrew.
– Une balle dans l'abdomen.
– Il va recevoir une décoration ?
– Ne te moque pas, ce chien s'est interposé entre un agresseur et sa victime, je ne connais pas beaucoup d'hommes qui en auraient fait autant.
– Je ne me moquais pas, dit Andrew songeur. Tu me fais visiter ?
La pièce était sobre et lumineuse. Des murs rehaussés à la chaux, deux grandes fenêtres qui ouvraient sur la cour, une table en verre posée sur deux tréteaux de facture ancienne servait de bureau à Valérie, un écran d'ordinateur, deux pots à crayons, une chaise Windsor qu'elle avait dû dénicher dans une brocante. Des dossiers empilés sur une console derrière elle. Andrew regarda les photos posées sur un petit meuble en métal.
– Celle-ci c'est Colette et moi, durant nos années de fac.
– Elle est aussi vétérinaire ?
– Non, anesthésiste.
– Tiens, tes parents, dit Andrew en se penchant sur un autre cadre photo. Ton père n'a pas changé, enfin pas tant que ça après toutes ces années.
– Ni physiquement ni moralement, hélas. Toujours aussi borné et convaincu de savoir tout mieux que tout le monde.
– Il ne m'aimait pas beaucoup quand nous étions adolescents.
– Il détestait tous mes copains.
– Tu en avais tant que ça ?
– Quelques-uns...
Valérie pointa du doigt un autre cadre.
– Regarde celle-ci, dit Valérie en souriant.
– Mince, c'est moi ?
– À l'époque où on t'appelait Ben.
– Où as-tu trouvé cette photo ?
– Je l'ai toujours eue. Elle faisait partie des quelques affaires que j'ai emportées en quittant Poughkeepsie.
– Tu avais gardé une photo de moi ?
– Tu faisais partie de ma vie d'adolescente, Ben Stilman.
– Je suis très touché, je n'aurais pas imaginé un instant que tu aies eu envie de m'emmener avec toi, même si ce n'était qu'en photo.
– Si je t'avais proposé de me suivre, tu ne l'aurais pas fait, n'est-ce pas ?
– Je n'en sais rien.
– Tu rêvais d'être journaliste. Tu avais créé tout seul le journal de l'école et tu recopiais méthodiquement tout ce qui se passait sur un petit carnet. Je me souviens que tu avais voulu interviewer mon père sur son métier, et qu'il t'avait envoyé balader.
– J'avais oublié tout ça.
– Je vais te faire une confidence, dit Valérie en s'approchant. Lorsque tu t'appelais encore Ben, tu étais bien plus amoureux de moi que je ne l'étais de toi. Mais, lorsque je te regarde dormir la nuit, j'ai l'impression que c'est le contraire. Parfois, je me dis que ça ne marchera pas, que je ne suis pas la femme que tu espérais, que ce mariage n'aura pas lieu et que tu finiras par me quitter. Et tu ne peux pas savoir comme ces pensées me rendent malheureuse.
Andrew fit un pas vers Valérie et la prit dans ses bras.
– Tu te trompes, tu es la femme à laquelle je n'ai jamais cessé de rêver, bien plus qu'à l'idée de devenir journaliste. Si tu crois que je t'ai attendue tout ce temps-là pour te quitter...
– Tu avais gardé une photo de moi, Andrew ?
– Non, j'étais bien trop en colère que tu aies fui Poughkeepsie sans laisser d'adresse. Mais ton visage était gravé ici, ajouta Andrew en désignant son front, et il ne m'a jamais quitté. Tu n'imagines pas à quel point je t'aime.