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– Je voudrais leur arracher les tripes.

– Je comprends, moi aussi, mais calme-toi maintenant.

– Face à de telles ordures, tu n'imagines pas ce dont je pourrais être capable. J'aurais moins de remords à éliminer ces monstres qui ont torturé des femmes enceintes que d'abattre un cheptel de chiens enragés.

– Pour finir tes jours en prison... c'est intelligent.

– Fais-moi confiance, je saurais comment m'y prendre sans laisser de trace, reprit Valérie qui ne décolérait pas.

Andrew l'observa, et la serra un peu plus fort dans ses bras.

– Je n'imaginais pas que ces pages te mettraient dans un tel état. Je n'aurais peut-être pas dû te les faire lire.

– Je n'ai jamais rien lu d'aussi révoltant, j'aimerais venir avec toi pour traquer ces monstres.

– Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée.

– Et pourquoi ? s'emporta Valérie.

– Parce que ces monstres, comme tu dis, sont pour la plupart encore en vie, et les années qui ont passé ne les ont pas forcément rendus inoffensifs.

– Et tu as peur des chevaux...

*

Le lendemain matin en sortant de chez lui, Andrew fut surpris de trouver Simon en bas de son immeuble.

– Tu as le temps de prendre un café ? lui demanda-t-il.

– Bonjour quand même...

– Suis-moi, dit son ami, l'air plus préoccupé que jamais.

Ils remontèrent Charles Street, Simon ne disait pas un mot.

– Qu'est-ce qu'il y a ? s'inquiéta Andrew en entrant dans le Starbucks.

– Va nous chercher deux cafés, je garde cette table, répondit Simon en s'installant dans un fauteuil près de la vitrine.

– À vos ordres !

Andrew attendit son tour dans la file, ne quittant pas du regard Simon dont l'attitude l'intriguait.

– Un mocaccino pour moi et un cappuccino pour Son Altesse, dit-il en le rejoignant quelques instants plus tard.

– J'ai de mauvaises nouvelles, annonça Simon.

– Je t'écoute.

– C'est au sujet de ce Freddy Olson.

– Tu l'as pris en filature et tu t'es rendu compte que ce type n'allait nulle part... Je le savais depuis longtemps.

– Très drôle. J'ai passé ma soirée d'hier devant mon ordinateur à consulter le site de ton journal pour faire des recherches sur tes articles.

– Tu aurais dû m'appeler si tu t'ennuyais tant, mon Simon.

– Tu vas moins faire le mariole dans deux minutes. Ce n'est pas ta prose qui m'intéressait, mais les commentaires des lecteurs. Je voulais vérifier si un tordu écrivait des saloperies à ton sujet.

– J'imagine qu'il doit y en avoir quelques-uns...

– Je ne te parle pas de ceux qui pensent que tu es un mauvais journaliste.

– Il y a des lecteurs qui postent ce genre de commentaires sur le site du journal ?

– Un certain nombre, oui, mais...

– Tu me l'apprends, interrompit Andrew.

– Tu me laisses finir ?

– Ce n'était pas ça tes mauvaises nouvelles ?

– J'ai remarqué une série de messages, dont l'hostilité n'avait plus rien à voir avec le jugement porté sur tes qualités professionnelles. Des mots d'une violence assez sidérante.

– Comme quoi ?

– Comme personne n'aurait envie d'en lire à son sujet. Parmi les commentaires les plus agressifs, ceux d'un certain Spookie-Kid ont attiré mon attention, en raison de leur nombre. Je ne sais pas ce que tu as fait à ce type, mais il ne t'aime pas beaucoup. J'ai élargi le champ de mes investigations pour voir si celui qui se cache derrière ce pseudonyme intervenait aussi sur des forums, ou s'il avait un blog.

– Et ?

– Il t'a vraiment dans le collimateur. Chaque fois que tu publies un article, il t'assassine, et même quand tu ne publies pas. Si tu avais lu tout ce que j'ai pu trouver sur le Net signé de ce pseudo, tu en serais le premier étonné, enfin le second, après moi.

– Si je comprends bien, un recalé de la plume qui doit probablement se pâmer devant des posters de Marilyn Manson déteste mon travail, c'était ça ta mauvaise nouvelle ?

– Pourquoi Marilyn Manson ?

– Je ne sais pas, ça m'est venu comme ça, continue !

– Sérieusement, ça t'est venu comme ça ?

– Spookie Kids est le nom du premier groupe de Manson.

– Comment tu sais ça ?

– Parce que je suis un mauvais journaliste, continue !

– J'ai dans mes relations un petit génie de l'informatique, si tu vois ce que je veux dire...

– Pas du tout.

– Un de ces pirates du web, qui, pour s'amuser le dimanche essaient de pénétrer les serveurs du Pentagone ou de la CIA. Moi à vingt ans c'était plutôt les filles, mais bon, que veux-tu, les temps changent...

– Très élégant ! Comment tu peux connaître un hacker ?

– Il y a des années, quand j'ai lancé le garage, je louais mes voitures le week-end à des gosses de riches pour arrondir mes fins de mois. L'un d'entre eux m'a ramené une Corvette en oubliant quelque chose sous l'accoudoir central.

– Un flingue ?

– De l'herbe, mais en quantité suffisante pour faire paître un troupeau de vaches. La fumette, ça n'a jamais été mon truc. Si j'avais déposé ses affaires au commissariat, il aurait eu le temps de guérir de son acné avant de pouvoir se remettre un jour devant son ordinateur. Mais n'étant pas une balance, je lui ai rendu ce qui lui appartenait. Il m'a trouvé « superhonnête » et m'a juré que si un jour j'avais besoin de quoi que ce soit, je pourrais compter sur lui. Alors hier soir, sur le coup des 11 heures, je me suis dit que j'avais justement besoin d'un service qui entrait dans ses cordes. Ne me demande pas comment il a fait, je n'y connais rien en informatique, mais il m'a appelé ce matin après avoir localisé l'adresse IP de Spookie. Une sorte d'immatriculation de son ordinateur qui apparaît quand il se connecte.

– Ton flibustier des claviers a identifié ce Spookie qui crache son venin sur moi ?

– Pas son identité, mais l'endroit d'où il publie sa prose. Et tu seras surpris d'apprendre que Spookie poste ses messages depuis le réseau du New York Times.

Andrew regarda Simon, médusé.

– Tu peux répéter ça ?

– Tu m'as très bien entendu. Je t'ai imprimé quelques exemples, on n'est pas dans le registre de la menace de mort à proprement parler, mais à un tel niveau de haine qu'on s'en approche dangereusement. Qui, à ton journal, pourrait écrire de telles saloperies sur toi ? Pour ne citer que la dernière en date, poursuivit Simon en tendant une feuille à Andrew, « Si un bus écrasait cette forfaiture d'Andrew Stilman, ses pneus seraient tachés de merde et la presse de notre pays sauvée du désastre ».

– J'ai peut-être une idée sur la question, répondit Andrew abasourdi par les propos qu'il venait de lire. Je vais m'occuper d'Olson, si tu veux bien.

– Tu ne vas rien faire du tout, mon vieux. D'abord, je n'ai aucune preuve formelle contre lui, il n'est pas le seul à bosser au New York Times. Et puis, si tu t'en mêles, il deviendra méfiant. Tu me laisses faire et tu ne bouges pas d'une oreille avant mon feu vert. Nous sommes d'accord ?

– Nous sommes d'accord, acquiesça Andrew.

– Continue de te comporter comme si de rien n'était au journal. Va savoir de quoi est capable un type qui te voue une telle haine, et l'important est de l'identifier à coup sûr. En ce qui me concerne, Freddy Olson ou pas, ce Spookie-Kid prend la tête du peloton de ceux qui te souhaiteraient mort et il ne se prive pas de le faire savoir.

Andrew salua son ami et se leva. Alors qu'il s'éloignait de la table, Simon sourit et lui demanda :

– Je continue ma filature ou tu me trouves toujours aussi ridicule ?

*

Andrew consacra le reste de sa journée à son dossier argentin, passant appel sur appel pour préparer son voyage. Et, tandis qu'à la tombée du jour, il y travaillait encore, la silhouette d'une petite fille lui apparut en songe. Elle se tenait immobile, seule au bout d'une longue allée de cyprès qui grimpait une colline. Andrew posa ses pieds sur son bureau, et se laissa aller en arrière dans son fauteuil.