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– Et lui, il vous en a acheté ?

– Un dans toutes les tailles, soit six en tout. Maintenant, si vous le permettez, je vais retourner à mon travail, j'ai de la comptabilité à faire.

Andrew remercia l'armurier, Simon se contenta de le saluer d'un petit mouvement de tête.

– Qui a perdu son pari ? demanda Simon en descendant la rue.

– Cet armurier t'a pris pour un déséquilibré mental et je ne lui jette pas la pierre. Il a répondu à nos questions pour se débarrasser de nous le plus vite possible.

– Tu es d'une mauvaise foi !

– D'accord, je t'invite.

17.

Le jour suivant, Andrew trouva un nouveau message de Marisa en arrivant au bureau. Il la rappela sans attendre.

– J'ai peut-être une solution, annonça-t-elle. Mon petit ami est d'accord pour suivre la piste d'Ortega. Il est au chômage, gagner un peu d'argent ne lui ferait pas de mal.

– Combien ? demanda Andrew.

– Cinq cents dollars pour la semaine, plus les frais bien sûr.

– C'est une somme, soupira Andrew, je ne suis pas certain que la direction du journal accepte.

– Cinq journées à dix heures par jour, cela fait à peine dix dollars de l'heure, c'est tout juste ce que vous payez une femme de ménage pour nettoyer vos banques à New York. Ce n'est pas parce que nous ne sommes pas américains qu'il faut nous traiter avec moins d'égards.

– Je n'ai jamais pensé cela, Marisa. La presse se porte mal, les budgets sont serrés et cette enquête a déjà coûté beaucoup trop cher aux yeux de mes employeurs.

– Antonio pourrait partir dès demain, s'il se rend à Córdoba en voiture, cela économisera le prix du billet d'avion. Quant au logement, il se débrouillera, il a de la famille au bord du lac San Roque, c'est dans la région. Vous n'aurez à payer que son salaire, l'essence et la nourriture. À vous de voir. Maintenant, s'il trouve un travail ce ne sera plus possible...

Andrew réfléchit au petit chantage que lui faisait Marisa, il sourit et décida de lui donner son feu vert. Il nota sur une feuille les coordonnées qu'elle lui communiqua et promit de faire un virement le jour même.

– Dès que je reçois l'argent, Antonio prendra la route. Nous vous appellerons chaque soir pour vous tenir au courant.

– Vous l'accompagnez ?

– En voiture, ça ne coûtera pas plus cher, répondit Marisa, et, à deux, nous attirerons moins l'attention, nous aurons l'air d'un couple en vacances, c'est très beau le lac San Roque.

– Je croyais que votre employeur refuserait de vous accorder quelques jours de congé ?

– Vous ne savez pas ce dont mon sourire est capable, monsieur Stilman.

– Je n'ai pas l'intention de vous offrir une petite semaine de vacances aux frais de la princesse.

– Qui oserait parler de vacances quand il s'agit de traquer un ancien criminel de guerre ?

– La prochaine fois que je demanderai une augmentation, je ferai peut-être appel à vous, Marisa. J'attends impatiemment de vos nouvelles.

– À très bientôt, monsieur Stilman, répondit-elle avant de raccrocher.

Andrew retroussa ses manches, se préparant à affronter Olivia Stern au sujet de ces dépenses supplémentaires. Il se ravisa en chemin. Cet arrangement avec Marisa n'avait pas eu lieu dans sa précédente existence, les résultats restaient incertains. Il choisit d'avancer le coût de cette expédition sur ses propres deniers. S'il obtenait des informations intéressantes, il lui serait plus facile de demander une rallonge, dans le cas contraire, il éviterait de passer pour un employé dispendieux.

Il quitta son bureau pour se rendre à un guichet de la Western Union d'où il effectua un transfert de sept cents dollars. Cinq cents pour le salaire d'Antonio et deux cents d'avance pour les frais. Puis, il appela Valérie pour lui dire qu'il rentrerait tôt.

En milieu d'après-midi, il sentit un nouveau malaise le guetter, il était en sueur, grelottait, des picotements parcouraient ses membres et une douleur sourde avait ressurgi dans le bas de son dos, plus forte qu'à la précédente crise. Un sifflement strident meurtrissait ses tympans.

Andrew partit aux toilettes pour se passer de l'eau sur le visage, il trouva Olson penché sur le lavabo, le nez dans un rail de poudre.

Olson sursauta.

– J'étais sûr d'avoir fermé le verrou.

– C'est raté mon vieux, si ça peut te rassurer, je ne suis pas plus surpris que ça.

– Putain, Stilman, si tu dis quoi que ce soit, je suis grillé. Je ne peux pas perdre mon travail, je t'en supplie, ne fais pas le con.

Faire le con était bien la dernière chose dont Andrew avait envie alors qu'il sentait ses jambes se dérober sous lui.

– Je ne me sens pas très bien, gémit-il en prenant appui sur le la vasque.

Freddie Olson l'aida à s'asseoir sur le sol.

– Ça ne va pas ?

– Comme tu vois, je suis au mieux de ma forme. Ferme ce loquet, ça ferait plutôt mauvais genre si quelqu'un entrait maintenant.

Freddie se précipita sur la porte et la verrouilla.

– Qu'est-ce qui t'arrive, Stilman ? Ce n'est pas la première fois que tu fais ce genre de malaise, tu devrais peut-être consulter un médecin.

– Tu as le nez plus enfariné que si tu étais boulanger, c'est toi qui devrais aller te faire soigner. T'es un camé, Freddy. Tu finiras par te griller les neurones avec cette saloperie. Ça dure depuis combien de temps ?

– Qu'est-ce que tu en as à foutre de ma santé ? Dis-moi la vérité, Stilman, tu as l'intention de me balancer ? Je te supplie de ne pas le faire. C'est vrai, on a eu des mots, toi et moi, mais tu sais mieux que personne que je ne suis pas une menace pour ta carrière. Qu'est-ce que tu gagnerais à ce que je sois viré ?

Andrew eut l'impression que son malaise passait ; il récupérait la sensation de ses membres, sa vision redevenait plus claire et une douce tiédeur l'envahit.

Une phrase de Pilguez lui revint soudain en mémoire : « Débusquer un criminel sans comprendre ses motivations, ce n'est que la moitié du travail accompli. » Il s'efforça de se concentrer du mieux qu'il le pouvait. Avait-il par le passé surpris Olson le nez dans la cocaïne ? Ce dernier s'était-il senti menacé par lui ? Il était possible que quelqu'un d'autre ait vendu la mèche, et Olson, convaincu que la balance ne pouvait être que lui, avait décidé de se venger. Andrew réfléchissait à la façon de démasquer Freddy, de découvrir ce qui l'avait incité à acheter une collection d'écarteurs auprès d'un armurier et pour quel usage.

– Tu m'aides à me relever ? demanda-t-il à Olson.

Ce dernier le regarda, l'air menaçant. Il glissa sa main dans sa poche, Andrew crut discerner la pointe d'un tournevis ou d'un poinçon.

– Jure-moi d'abord que tu vas la fermer.

– Ne fais pas le con, Olson. Tu l'as dit toi-même, qu'est-ce que j'y gagnerais à part avoir mauvaise conscience ? Ce que tu fais de ta vie ne regarde que toi.

Olson tendit la main à Andrew.

– Je t'ai mal jugé, Stilman, tu es peut-être un type bien en fait.

– C'est bon, Freddy, épargne-moi ton numéro de fayot, je ne dirai rien, tu as ma parole.

Andrew se passa le visage sous l'eau. Le distributeur de serviettes était toujours bloqué. Il ressortit des sanitaires, Olson lui emboîta le pas et ils tombèrent nez à nez avec leur rédactrice en chef qui attendait dans le couloir.